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Le développement des "fintech", un défi pour la lutte anti-blanchiment


Paris, France | AFP | jeudi 08/12/2016 - L'essor des nouvelles technologies financières, comme le paiement par mobile ou les monnaies virtuelles, inquiète le service de renseignement Tracfin, qui met en garde contre la multiplication des risques "en termes de blanchiment de capitaux" et de "financement du terrorisme".

Prestataires de services de paiement, plateformes de cagnottes en ligne, systèmes de transfert de fonds... "L'éclosion des fintech (nouvelles technologies dans le domaine de la finance, NDLR) ouvre de vastes horizons et pose dans le même temps des défis importants en matière de réglementation et de lutte contre la cyber-fraude", souligne l'agence dans un rapport publié jeudi.

En cause, selon cet organe chargé de lutter contre le blanchiment d'argent, la fraude fiscale et le financement du terrorisme: la nature même de ces nouveaux services, créés pour faciliter la relation au client... et contourner les lourdeurs réglementaires imposées aux acteurs traditionnels.

Cette volonté, bien que louable, "peut être source de risques nouveaux", estime Tracfin, qui rappelle que les cas de cyber-fraudes se multiplient, les "prédateurs ayant intégré que l'espace numérique offre le meilleur rapport entre le gain escompté et le risque pénal".

- "l'obus et la cuirasse" -
Ces dernières années, plusieurs dispositions réglementaires ont pourtant été prises, tant au niveau français qu'européen, pour mieux encadrer ces nouveaux instruments. Mais des failles persistent, en raison notamment de leur caractère complexe et transnational.

"C'est l'histoire de l'obus et de la cuirasse. Quand l'obus devient plus performant, la cuirasse se renforce", a résumé lors d'un point presse Michel Sapin, ministre de l'Economie et des Finances, insistant sur la capacité de certains acteurs à "s'adapter" pour échapper aux contrôles.

"Nous ne devons plus courir après les nouvelles techniques" mais y intégrer "dès maintenant des obligations de transparence", a insisté le locataire de Bercy, ajoutant que "Les nouvelles technologies sont utiles, elles facilitent la vie des gens. Mais il faut qu'elles soient sûres".

Au coeur des préoccupations: les prestataires de services de paiement, qui permettent aux sites marchands d'accepter des règlements en ligne. "Aujourd'hui, il y en a 400 qui interviennent en France. Mais seuls 35 sont agréés", rappelle Bruno Dalles, directeur de Tracfin.

Le "passeport européen" permet en effet aux établissements agréés dans un pays membre de proposer leurs services dans toute l'UE. Or les statuts qui encadrent ces activités "ne sont par harmonisés" au niveau européen, souligne Tracfin.

Autre source d'inquiétude: les sites de "crowdfunding" ou financement participatif. Un secteur en pleine expansion, les fonds collectés en France ayant été multipliés par deux entre 2014 et 2015, pour atteindre près de 300 millions d'euros.

"Ces plateformes peuvent être utilisées pour financer des activités en lien avec le terrorisme", assure M. Dalles, qui cite des appels aux dons aux titres "évocateurs", comme "Aidez nos soeurs en Syrie" ou "Facilitez le retour de nos frères".

- "côté obscur de la force" -
L'agence de renseignement financier, qui a fêté ses 25 ans l'an dernier, porte par ailleurs une attention particulière au transfert d'espèces ("cash transfer") par téléphone mobile, système très développé en Afrique, et qui a fait son apparition en France au sein de la diaspora africaine.

Ce service, qui permet de retirer de l'argent liquide dans des points de vente à l'aide de codes échangés par SMS, "présente les risques les plus importants en matière de blanchiment", écrit Tracfin, qui appelle à mieux associer les opérateurs télécoms à cette problématique.

Le plus petit des services de renseignement français, avec 120 agents, contre 5.000 pour la DGSE, s'inquiète enfin de l'essor des monnaies virtuelles, comme le Bitcoin, qui ne dépendent d'aucun institut d'émission et n'ont pas de statut juridique.

Ces monnaies servent "de passerelle entre l'économie légale et l'économie souterraine" et favorisent "le contournement des règles", met en garde l'agence, qui juge "nécessaire de clarifier au niveau européen" leur statut juridique.

Un travail qui doit se faire "en lien avec les acteurs concernés", comme pour l'ensemble des "fintech", estime Bruno Dalles: "Est-ce qu'on est du côté obscur de la force ou est-ce qu'on peut ramener ces techniques du côté plus lumineux de la lutte contre le blanchiment? De notre côté, on est optimistes".

Rédigé par () le Vendredi 9 Décembre 2016 à 05:54 | Lu 1023 fois