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La société Froid de Polynésie s'interroge sur la saga du Swac


Atea Hintze-Dusseldorp, P-dg de la société de Polynésie et Jean-Louis Chailly, directeur général présente le réseau de Swac élargi à des clients privés – autres que le CHPF- que leur société a présenté au Pays depuis 2011.
Atea Hintze-Dusseldorp, P-dg de la société de Polynésie et Jean-Louis Chailly, directeur général présente le réseau de Swac élargi à des clients privés – autres que le CHPF- que leur société a présenté au Pays depuis 2011.
PIRAE, le 10 mars 2016. Un nouvel avis de marché public (le quatrième en quatre ans) a été publié la semaine dernière pour l'assistance à maitrise d'ouvrage de la climatisation par l'eau de mer du centre hospitalier (*). Depuis 2011, pourtant, une société privée s'était positionnée pour construire ce projet. Avant que le Pays ne décide de reprendre la main.

La climatisation en utilisant l'eau des profondeurs de la mer, ça marche. Pas besoin d'aller bien loin pour s'en persuader puisque en Polynésie française, deux systèmes de Sea water air conditioning (Swac, un acronyme anglais) fonctionnent déjà dans des hôtels du groupe Beachcomber. Aussi, alors que le Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF) était encore en construction, l'option pour mettre en place ce système pour la climatisation de l'établissement était déjà bien avancée. C'est avec l'idée de construire et d'exploiter un réseau de Swac que la société anonyme Froid de Polynésie s'était créée en 2007. En juillet 2011, cette société obtient même une concession pour 30 ans (sous la forme d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime avec une redevance annuelle de 562 500 Fcfp) dans la passe de Taaone pour y installer la canalisation qui ira plonger à 1000 mètres de profondeur pour aller chercher une eau froide à 5°C.

Mais tout bascule un peu plus d'un an plus tard : en décembre 2012, le Pays alors dirigé par Oscar Temaru signe des conventions de prêts (avec l'Agence française de développement et la Banque européenne d'investissement) pour financer lui-même la construction de ce Swac. Le projet de climatisation par l'eau de mer de l'hôpital repasse ainsi dans le giron public. Mais faute de financement complémentaire (il faut un total de 3 milliards de francs d'investissement), il n'avance toujours pas. Divers appels d'offres ont été lancés au cours des quatre dernières années, dont certains sont déclarés infructueux, sans que l'on sache précisément quels étaient les écueils rencontrés. "On subodore que certains de ces appels d'offres ont été déclarés sans suite, commente Jean-Louis Chailly, directeur général de Froid de Polynésie, mais pendant ce temps la facture de climatisation du CHPF est toujours d'environ 500 millions de Fcfp par an alors que notre société avait une autorisation pour aller pomper l'eau de mer en profondeur et fournir des frigories à l'hôpital. Notre droit d'occupation peut sans doute gêner quelqu'un d'autre qui voudrait faire son installation".

AVEC L'HÔPITAL SINON RIEN ?

Rien n'empêche effectivement au Pays de construire lui-même son propre réseau ou de choisir un autre opérateur. Il lui faudra néanmoins financer par ses propres moyens - et en ayant recours au crédit - les travaux à réaliser. Quant à la société Froid de Polynésie, elle reste pour l'instant une société anonyme sans production. Ses responsables, qui tablaient sur un réseau de Swac élargi à la zone urbaine de Papeete en visant une rentabilité accrue, n'ont plus jamais eu l'oreille bienveillante du Pays. Or, même si les responsables de la société assurent avoir les financements nécessaires pour construire le Swac du Taaone et son réseau (via l'agence de crédits aux exportations américaines Exim Bank), aucun équipement n'a été encore construit puisque le principal client visé, le CHPF via le Pays, semble vouloir se passer de ses services. "Pour nous, c'est l'incompréhension la plus totale dans les procédures en cours au niveau de l'administration du Pays" poursuit Jean-Louis Chailly qui tacle le gouvernement sur la réalité de son plan de transition énergétique, alors que à Tahiti, depuis le début des années 2000, la consommation de fioul pour répondre aux besoins d'électricité est repartie à la hausse. Ceci dit, Froid de Polynésie qui se targue de pouvoir fournir du froid à un tarif plus de 30% moins cher que via l'électricité, n'a pas tenté non plus de développer son propre projet de Swac en dehors du réseau de l'hôpital, vers des clients privés. Aucune étude de marché sérieuse n'a été effectuée alors que de gros consommateurs de climatisation (des hypermarchés, des écoles notamment) ont fait, entre temps, le choix de s'équiper en centrales photovoltaïques pour réduire leur consommation électrique. "Notre modèle opérationnel inclut l'hôpital. Le CHPF fait partie de notre rentabilité économique" répète Jean-Louis Chailly admettant au passage que pour l'heure la société, qui attend de se lancer dans la construction de ce Swac depuis plusieurs années, n'a finalement en mains qu'une concession dans la passe du Taaone.


(*) lire aussi sur le sujet : Swac de l'hôpital du Taaone, un quatrième essai à confirmer CLIQUER ICI .


Depuis juillet 2011, une concession pour 30 ans d'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public maritime de 2250 m2 a été consentie par le Pays dans la passe de Taunoa au profit de la société Froid de Polynésie "pour l'implantation d'un réseau de prise d'eau de mer profonde".
Depuis juillet 2011, une concession pour 30 ans d'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public maritime de 2250 m2 a été consentie par le Pays dans la passe de Taunoa au profit de la société Froid de Polynésie "pour l'implantation d'un réseau de prise d'eau de mer profonde".

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 10 Mars 2016 à 12:02 | Lu 2283 fois