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La réforme fiscale du Pays dévoilée


Tahiti, le 14 novembre 2023 - La réforme fiscale qui sera présentée avec le projet de budget 2024 se base sur l'immobilier. Une fiscalité qui ne fera pas baisser le prix du caddy, mais qui multiplie les rentrées financières.
 
Le conseil des ministres a étudié puis transmis aux élus de l’assemblée de la Polynésie française, lundi en soirée, le projet de budget 2024. Ce budget, que Tahiti Infos s’est procuré (voir par ailleurs), est accompagné par les différentes lois fiscales qui vont rythmer le portefeuille des Polynésiens et des sociétés sur les prochaines années. Premier grand acte du gouvernement Brotherson depuis son élection, ce projet de réforme de la fiscalité prend un tournant très à gauche, prenant le parti d’aller chercher dans les revenus des plus aisés de quoi aider les différents régimes sociaux à destination des moins fortunés. “Sur le volet fiscal, il s’agit de réduire les impôts, droits et taxes qui impactent le plus directement les prix à la consommation, notamment la fiscalité indirecte. L’objectif de justice fiscale est concomitant puisqu’en compensation, il est proposé de développer la fiscalité sur les détenteurs de hauts patrimoines et de hauts revenus”, explique en préambule le projet de réforme.
 
Après la suppression de la contribution pour la solidarité (taxe CPS), dont les effets restent encore à démontrer puisqu’ils sont corrélés avec un fléchissement mondial de l’augmentation du coût de la vie lié à différents paramètres comme la baisse du prix du fret, de nouvelles mesures sont proposées. La chasse aux niches est d’ailleurs lancée par le gouvernement qui souhaite “développer la fiscalité sur le patrimoine et remettre en cause des régimes d’exonérations et avantages fiscaux injustifiés ou non pertinents”.

Piocher dans l’immobilier

La première mesure, déjà évoquée à l’assemblée de la Polynésie française par le ministre des Finances, Tevaiti Pomare, se situe sur la création de la contribution de solidarité sur les patrimoines immobiliers. Le produit de cette nouvelle taxe alimentera les comptes de la protection sociale généralisée. Les contributeurs seront “les propriétaires et autres personnes imposables à l’impôt foncier sur les propriétés bâties”. Toutes les personnes, physiques ou morales, détentrices de biens immobiliers dont la valeur dépasse 50 millions de francs, seront soumises à ce nouvel impôt dont le seuil pourrait bouger lors des débats à l’assemblée. Son barème d’imposition ira de 0,25% pour un bien compris entre 50 à 60 millions, jusque 0,90% pour les biens dépassant 1,2 milliard de francs. 
 
Dans l’immobilier toujours, il sera proposé de supprimer l’exonération à la contribution supplémentaire à l'impôt sur les bénéfices des sociétés et des autres personnes morales des sociétés exerçant une activité d’hébergement touristique. Cette mesure d’exonération fiscale pour booster l’investissement privé dans le secteur hôtelier va donc disparaître alors que dans le même temps, les logements mis en Airbnb vont prendre un coup de fiscalité supplémentaire.
 
Enfin, le gouvernement prend le taureau par les cornes pour réduire les cessions de parts immobilières entre sociétés civiles immobilières. Ces cessions passent jusqu’à présent sous les radars fiscaux, ce qui va être modifié. En revanche, la fiscalité aux primo-acquisitions d’immeubles bâtis ou de terrains à bâtir sera allégée pour aider les jeunes ménages à s’installer. Une mesure existe déjà mais s’avère désormais inefficiente au regard de la flambée des prix ces dernières années. L’assiette d’exonération et de réduction des droits d’enregistrement et de publicité foncière est donc augmentée de 15 millions à 25 millions de francs pour les terrains à bâtir et de 25 millions à 40 millions de francs pour les terrains bâtis ou lots en copropriété et les biens en l’état futur d’achèvement.

Coup de pied dans l’hybride et l’électrique

Complétement à contre-courant de la volonté de développer des transports plus propres, le gouvernement proposera dès l’année prochaine la suppression partielle des avantages fiscaux applicables aux véhicules hybrides et électriques. Un coup dur pour les concessionnaires qui jouent le jeu du développement de ces véhicules moins polluants. Selon la Direction polynésienne de l’énergie, “ les véhicules électriques et hybrides ne permettent pas de réduire de façon significative la consommation de gazole et les émissions de gaz à effet de serre”. Elle préconise l’usage “de véhicules de faible puissance nécessitant moins d’énergie pour se déplacer”.
 
De fait, le gouvernement va remettre en place la TVA à hauteur de 5% et la taxe de mise en circulation sur ces véhicules (3% pour les plus de 4CV).

Coup de frein sur l’investissement touristique ?

La Polynésie vit du tourisme. Alors que ce secteur est en plein essor, le manque de structures hôtelières se fait sentir après les nombreuses fermetures d’hôtels tombés pendant la crise Covid. Mais alors que ces derniers sont nés dans les bras de la défiscalisation, le gouvernement de Moetai Brotherson propose de restreindre ces leviers fiscaux. “Le Pays entend rationaliser les dépenses fiscales et orienter le bénéfice des crédits d’impôt vers des secteurs d’activité considérés comme essentiels pour son développement économique”, explique le rapport.  Aussi, la défisc’ concernant la création d’hôtels et de pensions de famille dans les îles autres que Tahiti, Moorea et Bora Bora passe de 60% à 30%. Est-ce là la mise à mort du programme de Village tahitien ?

Boum boum 10%

Taxe marginale, mais symbolique, celle sur les biens en lien avec les nuisances sonores. Dans l’attente d’une réécriture de la taxe pour l’environnement, l’agriculture et la pêche (TEAP), “les haut-parleurs, échappements de compétitions pour motocycles, pétards, assujettis à la TEAP, passent à l’importation, par les particuliers et les professionnels, d’un taux de 2% à un taux de 10%”, précise le texte.

Les autres propositions
 
  • Suppression de l’exonération à l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers sur les dividendes distribués au titre des parts d’intérêt des sociétés en nom collectif et des sociétés civiles
  • Suppression de la réduction progressive du taux de l’impôt sur les sociétés pour les établissements financiers et de crédit et les sociétés de crédit-bail
  • Reconduction des exonérations à l’importation de certains matériaux de construction
  • Rétablissement dans le code des investissements de la procédure de caducité, du caractère discrétionnaire de la décision d’agrément et modification de l’événement de début de réalisation du programme d’investissement
  • Augmentation de certains tarifs du droit de consommation sur les tabacs
  • Ajustement de la fiscalité sur les meublés de tourisme et les villas de luxe
  • Obligation de conservation des immeubles acquis neufs ou en l’état futur d’achèvement pendant au moins cinq ans

Rédigé par Bertrand PREVOST le Mardi 14 Novembre 2023 à 17:54 | Lu 8710 fois