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La décharge de Faa'a réserve ses trésors à ceux qui savent chercher


FAAA, le 4 mai 2015 - La beauté est dans l'œil de celui qui regarde. Si la majorité des consommateurs ne voie la décharge que comme un mal indispensable pour se débarrasser des restes de notre mode de vie dilapidateur, d'autres y voient une cache de trésors qui ne demandent qu'à être découverts. Plongée dans un univers de recyclage et de réutilisation, où tout est gratuit.

Cette petite communauté n'aime pas le qualificatif de "chiffonniers". Ils préfèrent "recycleurs de métaux" ou "récupérateurs". Ils sont une dizaine à la décharge de Faa'a, chaque jour de la semaine, à fouiller les déchets de la commune à la recherche de tout ce qui pourra être revendu ou récupéré.

Et il y a parfois de vraies belles trouvailles. Tous nous racontent avoir trouvé des téléphones, des ordinateurs, des télévisions, des aspirateurs… Tous fonctionnels ou facilement réparables. "Une fois j'ai trouvé une parure" s'enorgueillit une jeune femme, qui fait partie de "l'équipe de Papi et Mamie".

Oui, l'équipe, car derrière le décor apocalyptique et chaotique de la décharge de Faa'a, les choses sont très bien organisées. Une demi-douzaine d'équipes se répartissent l'espace pour y construire leurs abris et stocker leurs trouvailles. Certains ont d'ailleurs fait beaucoup plus d'efforts que d'autres pour aménager ce lieu de travail, en construisant de vraies maisons de bric et de broc, avec une décoration 100% recyclée.

Et pour les "valeurs", c’est-à-dire les déchets valorisables, la règle c'est "premier arrivé, premier servi". La mairie refuse d'interdire cette activité qui fait vivre plusieurs familles, et ne met pas son nez dans leurs affaires. Car toute régulation serait fatale à ce petit monde vivant de troc de travail difficile : leur seule obsession à tous, c'est la liberté. Les services de la mairie se contentent donc de s'assurer que les différents qui peuvent émerger sont réglés à l'amiable.

Le cœur du métier : la collecte du cuivre

Justement pour les plus belles "valeurs", les engueulades ne sont pas inconnues, mais il y a toujours un accord à trouver. Et pour les gros lots, là, tout est partagé. Ainsi, ces dernières semaines lorsque plusieurs cartons de tricots neufs, une cargaison de peluches emballées sous vide, ou encore ces cartons de CD vierges, ou de papier à rouler, sont arrivés, ils ont été partagés entre tous les "récupérateurs" présents.

Mais le cœur du métier, c'est le recyclage des métaux : le cuivre dans les fils électriques, l'aluminium, les moteurs… "Quand les télévisions sont venues nous voir, on leur a dit que les entreprises achetaient le cuivre. Après seulement il y a commencé à y avoir des affaires de vol de cuivre au tribunal…" s'amuse l'un des membres de la communauté.

Mais à la décharge rien d'illégal : ce qui n'est pas recyclé aurait été enterré. Et ceux qui ont l'œil pour dégotter des "valeurs" dans les déchets déversés y trouvent aussi un bon gagne-pain. Mais le travail reste difficile, surtout quand les pelleteuses retournent la terre et font remonter les odeurs nauséabondes des déchets en décomposition. Mais les plus anciens affirment ne même plus sentir ces odeurs : "le problème c'est la poussière" nous affirme Bruno !

Mamie nous présente un carton d'ours en peluche neufs qui allaient être jettés
Mamie nous présente un carton d'ours en peluche neufs qui allaient être jettés
Mamie, qui vient à la décharge depuis 2013

"Je suis tout le temps-là, toute la semaine. Il y a aussi ma fille qui vient, après le ménage chez elle, ça lui fait des sous en plus. On dit que je suis la chef d'une équipe, mais non, il y a des gens qui viennent aider, et puis après parfois ils restent... Il y a de tout à récupérer ici. Les pièces détachées, de l'électroménager, des fils de cuivre, des plaquettes… Des fois on trouve des choses qui fonctionnent toujours, des MP3, des téléphones… On les garde, on n'a pas l'occasion d'acheter un truc neuf comme le vôtre (désignant le smartphone du journaliste). On trouve aussi des tablettes ou des ordinateurs, et n'y a que la carte mère qui abimée. Donc on répare et soit on garde, soit on vend."

Mamie est très respectée parmi les recycleurs de Faa'a, tous l'ont désignée comme l'un des chefs naturel de la zone. Mais elle s'en défend : "Il y a sept groupes, certains travaillent seuls, en binômes, en couple. Il y en a qui venaient avant et plus maintenant. On casse leurs cabanes, et d'autres arrivent et construisent leur propre cabane à la place." Le cœur du métier selon elle, c'est le troc, même si : "Tout le monde récupère la même chose et c'est premier arrivé, premier servi…"

Il y a tout de même des camions poubelles qui se prêtent au jeu font déjà un premier tri, en sélectionnant quelques "valeurs" à donner à leurs recycleurs de prédilection. Certains leurs offrent en retour un rafraîchissement, ou une trouvaille précédente…

Le travail est difficile, mais si Mamie reste, c'est aussi pour la communauté : "Il y a des disputes, c'est vrai, mais ça va, après on s'entend. Et il y a des moments on fait la bringue, en fin d'après-midi. Il y a aussi des particuliers qui viennent."



Taote Alain

"A 86 ans je viens explorer la décharge depuis longtemps. Il y a un temps, Oscar a dit 'Oh, le docteur Bouvier a dit que c'était une vraie mine d'or !' C'était vrai. À l'époque c'était fantastique. L'encyclopédie, on la trouvait en entier, moi je les ai. Vous savez, ça fait 55 ans que je suis en Polynésie, et autrefois il y avait peu de choses et tout était à des prix intenables, donc il fallait contourner. Et comme j'ai eu un très bon ami bricoleur, j'ai beaucoup appris avec lui. Lui il récupérait, et il faisait tout avec. Depuis je viens souvent ici, mais il y a 30, 40 ans c'était beaucoup mieux. Mais il n'y avait pas les récupérateurs de métaux, eux ils sont là depuis 5 ans…"

Le docteur s'insurge aussi contre les "odieux préjugés de la société" qui touchent les récupérateurs de la décharge. Et il assure aussi qu'il n'y a pas spécialement de risques pour la santé : "la fréquentation des microbes n'est pas malsaine, elle nous aide à fabriquer des défenses. Ils ne tombent jamais malades ! Par contre, ils attrapent des champignons…"




Bruno et Vincent
Bruno et Vincent
Vincent et Bruno

"Ca fait cinq ans qu'on vient ici, parce qu'on ne travaille pas. Ça rapporte assez pour payer le courant, le mobile… Là on peut dire, finalement, que c'est notre travail, en plus c'est fatigant. Mais les gens sont cool en général. Même si il peut y avoir des rivalités, des engueulades pour des valeurs… Pour moi ça m'a fait changer, j'ai muri. Avant je ne faisais rien du tout, mais là ça motive, c'est fatiguant mais ça rapporte. Après ça rapporte… Ca dépend des valeurs, c'est au poids."

Pour eux, la décharge est un peu une chasse au trésor permanente : "On trouve beaucoup de choses ici, des fois on trouve des sous, des fois des bijoux… Toutes nos affaires ça vient d'ici, la télévision, le frigo, le freezer, la machine à laver, même le linge, il y a juste à relaver. On ne paie que l'eau et l'électricité." Un mode de vie sans gaspillage et complètement écolo finalement…

Ils sont aussi très fiers de leur cabane : "Là c'est chez nous, c'est le plus propre. On est là tous les jours, de lundi à samedi. On se repose un seul jour, c'est le dimanche ! Mais chacun a sa cabane."

Tout le monde peu venir travailler, là un recycleur récupère des cartes électroniques
Tout le monde peu venir travailler, là un recycleur récupère des cartes électroniques

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 4 Mai 2015 à 17:30 | Lu 12792 fois
           



Commentaires

1.Posté par tutua le 05/05/2015 09:42 | Alerter
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bravo aux recycleurs et bravo pour ce reportage !

2.Posté par Pomare Teriihinoiatua Joinville le 05/05/2015 09:53 (depuis mobile) | Alerter
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Voila le Développement conçu par les politiques !

3.Posté par Zikouille le 05/05/2015 11:53 | Alerter
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Le début du recyclage... A ce moment là pourquoi ne pas mettre en place un vrai centre de tri et embaucher les "recycleurs" qui travaillent avec courage.

Mais non c'est Faa'a, la commune d' Oscar !
Dans son Pe'i les gens patauge dans la m.... et son H E U R E U X...c'est le bonheur que le monde entier nous envie ! hahahaha

4.Posté par POWER PLUS le 05/05/2015 15:23 | Alerter
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100% en accord avec toi Joinville....on est malheureusement habitué à voir ce genre de reportage dans les pays du Tiers-Monde mais on devrait tous s'indigner du fait que même au Fenua certains sont contraints de fouiller nos ordures pour gagner de quoi survivre...Surtout qu'on ne vienne pas nous dire que c'est un choix de vie ... histoire de se dégager de toute responsabilité !!!
Il y aurait pourtant plusieurs secteurs d'activité à développer dans le Pays pour relancer l'emploi et notamment dans le domaine de la valorisation des déchets, la production d’énergie propre, le recyclage in situ pour la fabrication de matières premières dérivées etc .... Des nouveaux métiers qui contribuent au développement de ce que l'on appelle l'ECONOMIE VERTE.

5.Posté par naddej 84 le 05/05/2015 21:11 (depuis mobile) | Alerter
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Voilà a loi ressemble le cycle de la vie c''''est tout simplement merveilleux.J''''espère après que le gouvernement ne vont pas facturé les déchets de faaa vu le gros trou qu''''ils ont creusé a la caisse.

6.Posté par tutua le 06/05/2015 09:05 | Alerter
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P2
ce n'est pas un développement voulu par les politiques, ce sont des gens qui se prennent en charge, fouiller les décharges, ce n'est pas nouveau et ils survivent. A lire leur vécu, ils ne se plaignent pas

P3 il y a un centre de tri, mais comme toutes des communes (rurales le + souvent) ne font pas le tri, hé bien, à Paihoro, tout se mélange, les triés et les non triés. A la limite, on pourrait dire que le centre de tri, qui a un coût, pourrait être supprimé puisqu'il ne fonctionne pas bien, autan faire des économies ... mais c'est pas l'idéal

7.Posté par tutua le 06/05/2015 09:18 | Alerter
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P4
je ne sais pas d'où tu sors, mais on dirait que tu découvres. Bien sûr nous sommes du tiers- monde, regarde autour de toi, va dans les communes rurales. Et puis tu te contredis quand tu avances, "valorisation des déchets" , "recyclage", " nouveaux métiers ", mais c'est ce qu'ils font ! sans avoir besoin de passer par les politiques ou les lois, c'est de l'auto entreprenariat et c'est pas nouveau
P5
précise svp, c'est quoi ton trou ? où as tu vu que le gouvernement va facturer les déchets de Faa'a, puisque à Faa'a ça marche sans les politiques, c'est pas ce que vous voulez ?