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La concession de l'aéroport de Faa'a doit être résiliée


PAPEETE, le 3 avril 2017 - - La cour administrative d'appel de Paris a annulé la concession de 2010 qui attribuait l'exploitation de l'aéroport de Faa'a à la société Aéroport de Tahiti (ADT) pour 30 ans. Sans appel d'offres ni publication du marché, la procédure administrative n'est pas respectée et la concession sera remise en jeu dans l'année qui vient.

Dans une décision rendue jeudi dernier et révélée par nos confrères de Radio 1, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la concession de l'aéroport de Faa'a qui avait été attribuée à la société Aéroport de Tahiti (ADT) en 2010. La concession devait durer 30 ans, mais sera finalement résiliée cette année pour ouvrir la voie à un appel d'offres en bonne et due forme.

ADT gère les aéroports de Faa'a, Bora Bora, Rangiroa et Raiatea. C'est une société par actions simplifiée qui appartient à 49 % au Pays et à 51 % à l'État via la Caisse des dépôts et consignations et l'Agence française de développement (AFD). Un contrôle total de l'État sur ADT devait permettre l'attribution de l'exploitation du seul aéroport international de Polynésie sans appel d'offres. L'actionnariat du Pays était alors considéré comme un geste politique, la collectivité demandant depuis longtemps à récupérer ces aéroports. Mais cette décision se retourne aujourd'hui contre l'État, puisque le contrat devra être résilié dans les douze mois, pour lancer une procédure de mise en concurrence.

SEPT ANS DE PROCÉDUREs PORTEES PAR LA COMMUNE DE FAA'A

Ce camouflet intervient après un combat judiciaire de sept ans mené par la commune de Faa'a, qui avait porté l'affaire devant le tribunal administratif de la Polynésie française dès 2010. Les juges avaient alors rejeté la requête, au motif que la commune n'avait pas d'intérêt à agir (donc que cette affaire ne la concernait pas). Une décision confirmée par la cour administrative d'appel de Paris en 2013.

Mais Faa'a n'a pas baissé les bras, allant jusque devant la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d'État. En bon choix puisqu'il donne tort à toutes les juridictions précédentes. Ce qui permet un nouvel examen de l'affaire, cette fois définitif, devant la cour administrative d'appel de Paris. Dans cette dernière requête, la commune se réjouit de préciser que "sa demande était recevable dès lors qu’elle justifie d’un intérêt à agir à l’encontre d’une décision qui autorise l’amélioration et la gestion d’un ouvrage situé sur son territoire et qui entraîne des nuisances".

Cette dernière décision est donc la fin de ce marathon judiciaire. De façon compréhensive, ni ADT ni le haut-commissariat ne parlent pour l'instant, à cause de la période de réserve électorale. Mais la direction de l'Aviation civile avait déjà préconisé dans un rapport d'organiser un appel d'offres blindé légalement, auquel participerait ADT.



Le jugement se base sur… la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1789
La cour rend un jugement très intéressant, en commençant par rejeter la plupart des textes avancés par les deux parties. D'abord, la loi de 1993 sur la prévention de la corruption "qui impose une mise en concurrence préalable au choix d’un délégataire de service public, n'est pas applicable en Polynésie française". Dans l'autre sens, le statut d'autonomie de la Polynésie française de 2004 ne couvre pas les concessions octroyées par l'État, même si elle autorise ce genre d'attributions sans concurrence pour les communes et le Pays.

Le texte de référence est finalement bien plus ancien : la Déclaration universelle des droits de l'homme : "Les principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures de passation des contrats publics qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 sont en revanche applicables sur ce territoire."

Dernier argument de l'État qui sera rejeté : si la société ADT avait été totalement sous le contrôle de l'État au point d'être assimilable à "ses propres services", la concession aurait été légale. Mais l'État n'a pas réussi à prouver qu'il avait donné à ADT "les moyens de s’assurer du strict respect de son objet statutaire".

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 3 Avril 2017 à 17:37 | Lu 11361 fois