Tahiti Infos

L'économie polynésienne attend encore la reprise


PAPEETE, le 2 juillet 2015 - Dans deux rapports publiés en juin l'IEOM fait le bilan de notre économie jusqu'à 2014. La tendance est à l'attentisme chez les acteurs économiques, qui attendent une vraie sortie de crise pour investir. La comparaison avec la Nouvelle Calédonie est particulièrement difficile.

Les chiffres ont été compilés, les rapports rédigés, et c'est maintenant l'heure du bilan de l'année 2014. L'Institut d'Émission d'Outre-mer, notre banque centrale, a publié son rapport annuel il y a quelques jours. Et pour appuyer là où ça fait mal, l'IEOM a aussi rendu public son "Panorama des activités bancaires de 2003 à 2013" comparant la situation de nos banques –et donc de nos ménages et entreprises– à celles de la Nouvelle-Calédonie.

Et le décrochage de notre économie est spectaculaire et douloureux comparée à celle du Caillou. Nos PIB étaient similaires dans les années 1980, mais ils ont depuis pris beaucoup d'avance. Et elle s'est encore plus vite creusée ces dernières années.

PETIT PASSAGE À VIDE À NOUMÉA, CRISE PROFONDE EN POLYNÉSIE

Car la crise de 2008 nous a bien plus durement touché que cet autre Pays d'Outre-mer, et ça apparait dans le bilan des banques. En Nouvelle Calédonie, il y a eu une baisse en 2013 et 2014, mais la plupart des indicateurs sont revenus au vert en 2015, à part le nickel qui souffre encore de la baisse des cours mondiaux. Chez nous, tout baisse depuis 2008 et la situation s'est juste stabilisée en 2014. Cette situation est claire dans le bilan des banques : en 2013, le taux de créances douteuses chez nos voisins du Pacifique était de 2,7%. En Polynésie, il était de 12,5%, et il a empiré depuis.

Autre exemple de ce décrochage : en 2013 les crédits d'équipement (pour l'investissement des entreprises) totalisaient 173 milliards Fcfp en Nouvelle Calédonie pour 73 milliards en Polynésie. Les crédits à l'habitat (l'investissement des ménages dans l'immobilier) étaient de 303 milliards sur le Caillou contre 165 milliards au Fenua. Par contre, Tahiti dépasse Nouméa sur les crédits de trésorerie… Un signe que nos entreprises ont du mal à payer leurs fournisseurs.

10 000 CHOMEURS INSCRITS AU SEFI

Pour revenir à la Polynésie, le rapport note que fin 2014 il y avait 9 896 demandeurs d'emplois inscrits au SEFI, un chiffre en augmentation notamment grâce à la mise en place de nouveaux emplois aidés, les CAE, en 2014. Le plus frappant dans les chiffres est que l'année dernière, le nombre d'offres d'emplois aidés (3 006) a été plus important que les offres d'emplois normaux (2 396). C'est d'ailleurs la seule chose qui a permis une progression du nombre d'offres d'emplois entre 2013 et 2014.

Et même parmi les emplois "normaux", les postes de fonctionnaires (-18%) ou les CDI (-30%) dans le privé se font de plus en plus rares, montrant une précarisation croissante des salariés. Avec les départs naturels, les fins de contrats à durée déterminée et autres licenciements économiques, le nombre total de salariés a baissé de 1,1% en 2014.

Par contre, les salaires de ceux qui ont conservé leur emploi a augmenté de 0,6% sur les onze premiers mois de l'année. Les prix, eux, ont baissé de 0,2% (ou augmenté de 0,1% pour l'indice ouvrier). Les salariés polynésiens ont donc – en théorie – vu leur pouvoir d'achat augmenter en 2014.

Les exportations de perle et de vanille sont à la peine
Les exportations de perle et de vanille sont à la peine
En 2015 l'économie polynésienne peine à redémarrer

Si 2014 montrait les signes d'une possible reprise, 2015 est pour l'instant très décevant sauf dans l'optimisme des patrons et dans leurs intentions d'investir "à court et moyen terme". Mais sinon, depuis le début de l'année les chiffres mensuels sont dans le rouge pour l'emploi, le tourisme, la consommation, les investissements et le commerce extérieur. Mais plus dans des chutes aussi dramatiques que les années précédentes.

Ce mercredi, les premiers chiffres de l'ISPF pour le mois de mai sont tout de même venus casser encore un peu plus l'optimisme des économistes : les exportations ont encore baissé de 11% en mai, portant le chute à 6,5% sur les cinq premiers mois de l'année. C'est la perle et la vanille qui sont les plus à la traine, pour des raisons différentes (la vanille est dans son cycle normal de régénération, la perle est en chute constante depuis deux décennies).

Le noni, le monoi et le poisson se portent par contre très bien. De plus, les importations hors pétroles (dont les prix sont en forte baisse) sont en augmentation, pouvant être le signe d'une reprise de la consommation ou d'un restockage des entreprises.

Le rendement du livret A jamais aussi bas

En Polynésie comme en Métropole, depuis le 1er aout 2014, les taux du livret A et du livret de développement durable ont été ramené de 1,25% à 1,00%. L'IEOM note "qu’il s’agit du taux le plus bas jamais observé depuis la création du livret A en mai 1818."

Total des actifs financiers des agents économiques en Polynésie. Ménages et entreprises préfèrent laisser leur argent "dormir" que d'investir.
Total des actifs financiers des agents économiques en Polynésie. Ménages et entreprises préfèrent laisser leur argent "dormir" que d'investir.
Ménages et entreprises préfèrent économiser leur argent
Au 31 décembre 2014, l’ensemble des actifs financiers détenus par les agents économiques polynésiens s’élève à 498 milliards Fcfp, en hausse de 25 milliards sur l'année. 71% de ces actifs appartenaient aux ménages. Ils ont placé la grande majorité de leur épargne dans des dépôts à vue ou des placements à court terme. Mais le long terme a aussi eu son succès, avec l'assurance-vie qui fut le placement le plus à la mode l'année dernière avec 7,2 milliards supplémentaires collectés.

Les entreprises, elles-aussi, ont augmenté leurs placements à court terme, de 31,9% l'année dernière. Soit 11,7 milliards de francs qui dorment sur des placements très liquides, indexés sur les marchés. "L’encours des dépôts des sociétés atteint son plus haut niveau depuis cinq ans" note l'IEOM. Un signe qu'elles reconstituent leurs réserves mais veulent garder du cash disponible. Il faudra qu'elles reprennent confiance avant d'investir cet argent dans leur activité…

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 2 Juillet 2015 à 11:05 | Lu 1289 fois
           



Commentaires

1.Posté par J.M. le 02/07/2015 16:08 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Le Points conjoncture de l'ISPF pour le mois de mai indique une chute de -17% du volume des produits de l'industrie agro-alimentaire, avec une baisse globale de -4% en cinq mois. Alors que leur valeur augmente de +4,8%. Des chiffres en valeur en croissance qui dissimulent des baisses importantes en volume de la consommation des ménages. Le gouvernement peut être content, car cette inflation est favorable aux rentrées fiscales ! Mais la population, déjà accablée par le manque d'emplois et un chômage dont on ne donne plus le pourcentage, se voit ainsi agressée par la hausse des prix et se reporte de plus en plus sur les MDD et PPN, des produits dont la qualité médiocre peut aggraver encore les problèmes de santé causés par la malbouffe... A quand les réformes courageuses pour relancer l'économie ? Baisse des taxes, autorité de la concurrence, suppression du protectionnisme clientéliste ? Rêvons un peu ! Ou fuyons...

2.Posté par LEPETANT le 03/07/2015 06:44 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Seule solution : imprimer notre propre monnaie (qu'on pourrait appeler "patu") et embaucher immédiatement 30.000 fonctionnaires à ne rien foutre, afin de supprimer le chômage.

3.Posté par Zorro le 03/07/2015 09:47 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

@Lepetant : comme en Grece finalement.

4.Posté par J.M. le 03/07/2015 14:21 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Tant que des réformes courageuses, attendues depuis des années, ne seront pas lancées, le pays restera enfermé sur lui même, non compétitif sur le marché international du tourisme, et la population prise en otage dans un système ultra-protectionniste fondé sur le clientélisme corrompu du Tahoera'a (protection contre financements occultes). A quand une Autorité de la concurrence, à quand l'abolition des super-taxes "TDL" pour protéger les "amis", à quand donc la baisse des prix pour devenir attrayant au niveau international...et rendre du pouvoir d'achat à la population ? Attendons les prochaines promesses électorales, car c'est dans ces périodes qu'on fait miroiter les réformes dans des déluges de promesses lénifiantes !