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"Je suis née morte", un petit éloge à la vie


PAPEETE, le 22 août 2016 - Le "feel good book" de la rentrée ! Je suis née morte est un témoignage touchant, parfois bouleversant, parfois émouvant, que rapporte la jeune auteure polynésienne Nathalie Salmon-Hudry, sous une plume fluide et légère, toujours sincère et authentique. C’est le parcours atypique d’une jeune femme qui se plie à l’exercice de confier ses expériences et ses anecdotes de vie, en oubliant presque de mentionner son handicap.

Suite à une erreur médicale lors de sa venue au monde, Nathalie Salmon-Hudry est infirme moteur cérébral. Accompagnée et entourée d’une mère au profil de battante, institutrice de formation, Nathalie enchaîne dès le plus jeune âge les apprentissages communs à tout enfant : couleurs, formes, écriture... Avec une volonté implacable, la mère et la fille franchissent les obstacles les uns après les autres, toujours avec humilité et détermination. Témoignage d’une mère, qui alterne entre réjouissances et déceptions, entre sursauts de bonheur et périodes d’angoisses et de préoccupations. Témoignage d’une jeune femme au parcours de vie bien singulier.

Plaidoyer pour la vie

Ce récit, sincère dans les moindres détails, nous amène à partager des moments bienheureux, des anecdotes insoupçonnées -une handicapée motrice en Harley Davidson, sur une patinoire, au théâtre dans le rôle d’une prostituée- et des bonheurs anodins qui prennent immédiatement une ampleur décuplée, lorsque l’on y porte un regard complice. Fan de littérature, Nathalie Salmon-Hudry a entrepris des études de journalisme et n’hésite pas à dénoncer les défaillances du système administratif quant à l’intégration sociale, scolaire et professionnelle des handicapés dans notre société. C’est avec beaucoup d’aplomb qu’elle contribue à briser les stéréotypes si communs -et souvent, si maladroits- en nous invitant à faire preuve de tolérance et d’entraide mutuelle, notamment envers les plus fragiles et dépendants. Nathalie nous inspire un profond respect pour sa manière philosophique épicurienne de croquer la vie avec enthousiasme et simplicité.

La rédemption par l'écriture

Véritable invitation à faire preuve d’empathie -au sens littéral-, cet ouvrage nous amène adroitement à réfléchir en profondeur sur notre niveau de conscience et notre vision de l’handicap, dans un sens général, commun et populaire. Leçon d’humilité, fraîcheur et auto-dérision, la protagoniste nous offre un contenu pétillant, en traitant pourtant un sujet des plus sérieux. L’oxymore comme figure de style -opposition réunissant deux termes opposés l’un à côté de l’autre- choisi dans le titre même de l’ouvrage atteste de l’humour enjoué de l’auteure, tout en soulignant la gravité de la situation, la sienne comme celle de ses semblables.

Car nous sommes loin de nous imaginer de la difficulté, en même temps que du profond respect, qu’inspire le fait d’affronter la vie avec un tel handicap, dur à vivre et à assumer au jour le jour... De l’enfance -ses étapes d’éveil progressif et de construction identitaire- à l’âge adulte, en passant par l’inébranlable adolescence -et son conflit identitaire, morale comme physique. D’autant que c’est à cette période charnière que les choses empirent : apparition des raideurs chroniques, gestes spasmodiques... Et le corps qui continue de se développer, tout en prenant véritablement conscience de la réalité implacable que représente le handicap... à vie. Et le regard d’autrui "pitié, dégoût, curiosité malsaine". Les problématiques liées à l’handicap dans une situation d’éloignement insulaire rajoute qui plus est une difficulté supplémentaire à surmonter, à accepter un tel sort. Mais à en croire Nathalie Salmon-Hudry, tout est possible pour qui y met du cœur et garde espoir !

Au Vent des îles

Crédit : Éric Bonamy.
Crédit : Éric Bonamy.
Nathalie, le cœur sous la plume

Nathalie Salmon-Hudry, cette jeune femme d’aujourd’hui 33 ans, nous émeut avec ce premier ouvrage auto-biographique (éditions Au vent des îles), en nous faisant vivre des anecdotes et épisodes de son quotidien, parfois une confidence, puis un aveu... Mais il est d’autant plus étonnant de savoir qu’elle s’exprime à l’écrit grâce à un mécanisme dit ‘licorne’ : imaginez un casque posé sur la tête, sur lequel est fixé un manche dont l’embout sert à taper touche par touche. Chaque lettre est le résultat d’un effort qui se converti en mots, phrases, paragraphes... Jusqu’à remplir d’émotion les 154 pages de ce récit au contenu sensible, hors du commun et tout du long, captivant. Le choc de la réalité s’adoucie avec la fraîcheur des anecdotes et le positivisme ambiant. Avec Je suis née morte, Nathalie a reçu le Prix Vi Nimo décerné par les lycéens de Noumea lors du dernier Salon International du Livre d’Océanie (SILO) en octobre dernier, une première depuis la création de ce prix littéraire qui n’avait jusqu’alors jamais été remis à un auteur hors Nouvelle-Calédonie.


Rédigé par Au Vent des îles le Lundi 22 Août 2016 à 09:18 | Lu 3009 fois