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Interview: l'octuple champion du monde Teddy Riner arrive ce soir à Tahiti


photo AFP
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PAPEETE, le 16 décembre 2015- L’octuple champion du monde et champion olympique en titre arrive ce soir au fenua. Juste avant de partir, il a accordé à Tahiti Infos un peu de son temps dans un agenda surchargé.

Le portrait

Personne ne résiste à Teddy Riner.Invaincu depuis plus de 100 combats, le poids lourd dantesque a rendu la tache impossible à ses adversaires pour s'offrir cette année un 8e titre mondial.

Et oui, tout paraît facile pour Teddy Riner. Depuis sa défaite en septembre 2010 -sur décision des arbitres-, il a toujours gagné.
Un enchaînement exceptionnel de victoires qui tend à banaliser la performance de cet athlète hors normes dans tous les secteurs, du physique à la technique en passant par le mental.

Huit fois champion du monde de suite, aucun judoka n'avait réussi pareil exploit dans l'histoire, ni chez les hommes ni chez les femmes. Et dans aucune catégorie.

"Avant de faire tout ça, il a été tous les jours à l'entraînement pendant un an. Et puis il y a des phases de doute. Quand il n'est pas content, il va faire le truc en plus, il va cogiter, ne pas dormir de la nuit. Comme un champion qui se remet en question. Et il bosse. Et sur les stages de préparation, il est capable d'en faire dix fois plus que les autres. Il a besoin de se nourrir de ça", commente son coach.

Sa 8e médaille d'or mondiale lui a ouvert les portes de la légende. Homme de records, il n'a pourtant pas savouré ce moment inédit.

C'est un peu son revers de la médaille. Seul sur sa planète, il bataille avec lui-même, entre prises de poids excessives qui affectent son incroyable vélocité, et pépins physiques qui altèrent son judo. Et parfois, comme aux Championnats du monde fin août à Astana, il souffre d'un manque de sensations.

Pour que les jeux Olympiques de Rio en août 2016 soit une fête complète, le Guadeloupéen a repris l'entraînement cette saison bien plus tôt que prévu. En quête de sensations.

Au Brésil, il ira chercher un deuxième sacre olympique en +100 kg. Une prouesse rare qu'il entend réaliser dans un pays où il est une star.
"Il est très apprécié. Il a fait plusieurs actions dans les favelas, c'est un +Black+ et les Brésiliens aiment bien les sports de combats. Ca fait 2 fois qu'il gagne là-bas. Il est connu et reconnu. C'est une terre qui lui réussit. Pourvu que ça dure !", souhaite le coach du champion d'exception.


photo AFP
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L'Interview exclusive

Entre deux entraînements à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) et à quelques jours de son départ pour Tahiti, l’octuple champion du monde et champion olympique en titre a accordé à Tahiti Infos un peu de son temps dans un agenda surchargé. Championnats du monde en août dernier, Jeux Olympiques de Rio l’été prochain, séjour à Tahiti… Teddy Riner, toujours souriant, passe en revue son actualité. Sans langue de bois.

2016 arrive à grands pas, quel bilan faites-vous de cette année 2015 ?
« Au final cette saison aura été superbe. Même si elle avait vraiment mal débutée. En février, je me fais opérer du coude et, lorsque je suis prêt à revenir, c’est mon orteil qui me fait défaut. Je reviens sur le tard et malgré tous ces soucis, je réussis à dérocher cette sublime médaille d’or. »

Et vous devenez à cette occasion le judoka le plus titré avec huit titres de champion du monde.
« C’est vrai qu’après ce début d’année, c’était inespéré. Mais c’est déjà du passé. Aujourd’hui mon regard se porte vers Rio. »

b[En novembre dernier, vous signiez également un record avec votre centième victoire d’affilée [sa dernière défaite remonte à septembre 2010, NDLR]. Vous êtes-vous rendu compte de ce que vous veniez de réaliser ?]b
« Aujourd’hui, je ne m’en préoccupe pas. Une fois ma carrière terminée c’est effectivement quelque chose dont je me souviendrai. C’est à ce moment que je commencerai à réaliser. »

Un deuxième titre olympique après celui de Londres, c’est désormais votre nouvel objectif ?
« C’est un nouveau challenge qui s’ouvre à moi. Je veux terminer cette nouvelle olympiade invaincu. Pour le moment, je ne regarde pas plus loin que Rio. Je veux ce titre et je vais tout faire pour y arriver car je n’aime pas perdre. »

Vous dites « pour le moment ». C'est-à-dire ?
« Rio est mon prochain objectif. Mais il est vrai que pour un judoka, terminer sa carrière sur un titre olympique au Japon [les Jeux Olympiques 2020 auront lieu à Tokyo, NDLR], ce serait extraordinaire. Et si par hasard il y a une bonne surprise pour 2024… On ne sait jamais (rires). Mais pour l’instant c’est Rio et seulement Rio. »

Revenons à ces Jeux qui n’arriveront que dans huit mois…
« Je suis déjà dedans, matin, midi et soir. Lorsque je ressens un coup de fatigue, je pense aux Jeux pour me remettre dans le coup. Une minute de plus passée à l’entraînement sera une minute de plus dans ma préparation pour ce nouveau titre olympique. Il n’y a que l’or qui compte. Ma personnalité, c’est la gagne. Lorsque je vois ce que je peux faire à l’entraînement, que je ne lâche rien, ce n’est pas pour tout rater après. »

Vous semblez être plus déterminé que jamais dans cette quête olympique.
« C’est ma mentalité. Chacun a sa vision du haut niveau. Tous, on se dit que l’on veut y arriver. Après, certains mettent plus que d’autres aux entraînements. Je ne perds pas une seconde de mon temps pour atteindre mon but. Beaucoup disent qu’ils veulent être champions mais ne font pas tout ce qu’il faut pour. Moi, je suis parti de loin. Alors peut-être suis-je né sous une bonne étoile, mais je vais tout faire pour atteindre mon but. »

Comment allez-vous articuler cette saison 2016 ?
« Après mes vacances, je reprends tout de suite avec le tournoi de Bercy les 6 et 7 février. Derrière, il y aura les championnats d’Europe du 21 au 24 avril. Le tout agrémenté de nombreux stages à l’étranger. Ce sont des stages qui nous permettent de nous jauger face à des adversaires qui sont sur le circuit mondial. »

En avril 2014, vous êtes devenu papa d’un petit Eden. La paternité a-t-elle eu des effets sur votre vie, votre carrière ?
« Je suis papa. Quand j’ai terminé mon entraînement, je file à la maison. C’est le plus important. Il m’arrive d’écourter des rendez-vous car il se fait tard et je ne veux pas juste rentrer à la maison pour le faire dormir. Je veux le faire manger, jouer avec lui... Prendre du temps pour lui. Oui, la paternité m’a changé. Mais lorsque l’on a une rigueur, on la reproduit. Tout est matière d’organisation. Ce sont des moments de pur bonheur qui me donnent une force supplémentaire. »

Dans quelques jours, vous vous envolez pour Tahiti. Enfin des vacances avant de réattaquer cette nouvelle saison ?
« Tahiti, ce sera effectivement l’occasion de faire un break. Mais là-bas, je vais également faire beaucoup d’échanges avec les jeunes. Et pas seulement ceux qui pratiquent le judo. J’ai envie de passer un bon moment avec les jeunes de Tahiti, d’aller à leur rencontre pour parler, les écouter. »

En parlant de jeunesse, on constate que la violence gagne les rangs d'une jeunesse désœuvrée et en mal de repères, même à Tahiti, où des combats de rue sont fréquents et la primo délinquance augmente. En quoi le sport peut-il lutter contre ce fléau ?
« Le sport, c’est un code moral, une façon de vivre la vie. Le sport est là pour apprendre le respect de l’autre, le contrôle de soi. En général, lorsque l’on fait un sport de combat, cela nous apprend la maîtrise, la modestie. »

Quel serait votre message pour ces jeunes ?
« Le message ? Soyez cool, vivez votre vie. N’essayez pas de vous confronter aux autres, de vous battre. La vie est bien trop courte. Les événements nous le rappellent tout le temps. Il faut « kiffer » sa vie. C’est compliqué, mais on doit garder la tête haute et ne pas abandonner, ne rien lâcher. »

Pour vous, le sportif peut définitivement avoir un rôle à jouer pour aider la jeunesse ?
« Complètement. Le message que vous transmettez est important car, pour beaucoup, vous êtes un exemple. À chaque fois, faites-vous plaisir, quoique vous fassiez. Car vous, les jeunes, vous êtes l’avenir. Alors si vous commencez à faire des trucs que vous n’aimez pas, vous n’irez pas loin. »

On parle de cette jeunesse, mais quel genre d’enfant étiez-vous ?
« J’avais besoin de me dépenser. Jeune, je faisais énormément de sport. De l’athlétisme, de la natation, du football, du judo, du squash, de l’escalade, du tennis, du golf et du modern jazz. J’ai choisi le judo car j’aimais cette notion de combat où tu te retrouves seul face à l’adversaire. J’étais tellement débordant d’énergie, le judo m’a canalisé. »

Propos recueillis par David Dybman

En Polynésie, joindre l’utile à l’agréable

Durant son séjour en Polynésie, Teddy Riner rencontrera les judokas lors de manifestations organisées à Tahiti et Moorea. Nos jeunes sportifs, et les moins jeunes, se réjouissent de pouvoir rencontrer "leur champion" sur les tatamis et bien sûr tout le monde pourra le voir lors de ces manifestations.

Trois journées lui seront consacrées à Tahiti, dans le cadre du Maeva I Tahiti Judo 2015, à la salle de sport Babo Aitamai de la Fautaua, à Pirae les 21, 22 et 23 décembre :
– de 16 à 18 heures pour les enfants de moins de 12 ans (participation de 500 francs) ;
– de 18 à 20 heures pour les plus de 12 ans (participation de 1 000 francs) ;
– pour le public non judoka qui souhaite voir Teddy à l'entraînement avec les judokas un droit d'entrée de 500 francs sera demandé.
Il est également prévu une rencontre avec les judokas sur Moorea (renseignements auprès des clubs sur place).

C'est la première venue de Teddy Riner dans la région Pacifique sud et la fédération polynésienne de judo est très fière d'en être l'organisatrice. Cela fait plusieurs années qu'un des membres de la fédération, Arnaud Bertrand, est en relation avec ce champion d'exception afin de le faire venir au fenua, mais un tel déplacement demande un gros budget. Aussi les membres organisateurs de la fédération de judo ont trouvé l'appui de nombreux sponsors, qu'ils en soient remerciés, car grâce à tous ces efforts, nos judokas vont avoir un superbe cadeau de Noël.

Teddy Riner arrivera ce soir sur le vol d'Air Tahiti Nui, venez nombreux l'accueillir pour lui montrer à quel point nous sommes fiers de le recevoir en Polynésie et lui faire découvrir la chaleur de l'accueil du fenua.

Rédigé par Propos recueillis par David Dybman le Mercredi 16 Décembre 2015 à 05:52 | Lu 1181 fois