Prêt AFD, loi électorale, prison de Papearii…Le Haut-commissaire a accepté d’aborder toutes ces thématiques avec Tahiti Infos. Pendant plus d’une heure, Richard Didier nous aura livré son analyse sur une situation économique et politique morose en Polynésie. Conscient de marcher sur des œufs, le « Haussaire » est prudent, mais pas timoré. Sur le contrat de projet par exemple, il dresse un constat sans appel : « ça ne marche pas ». Les crédits prévus pour le logement social pourraient donc être redéployés en faveur des établissements scolaires. Voici l’interview dans son intégralité.
Vous avez été nommé Haut-commissaire de la République en Polynésie française il y a près de trois mois. Quel premier bilan faites-vous ?
Un bilan, ce serait un peu présomptueux. Je me suis surtout rendu compte, en me déplaçant dans les communes et dans les archipels, que la Polynésie est beaucoup plus diverse que ce qu’on pourrait croire. J’ai vu aussi que la crise est différemment vécue dans les îles et à Tahiti. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de crise aux Marquises ou aux Australes, mais elle n’est pas la même et elle est ressentie de façon tout à fait différente. Mon action en Polynésie tiendra compte de cette diversité de situation. Je pense à la crise économique, je pense au logement…
Justement, en parlant de logement, le contrat de projet 2008-2013 prévoyait une grosse enveloppe pour le logement social. Seulement 4% de cette somme ont été utilisés aujourd’hui. Que va devenir cet argent ?
Nous avons entamé une phase de renégociation de ce contrat de projet. Il était prévu dès le début dans ce contrat signé par le pays et par l’Etat de faire un point à mi-parcours. On va rentrer dans ces discussions à l’été. Mais le constat est simple : ça ne marche pas. Seulement 4% des crédits ont été engagés, or la partie logement représente près de 60% du total de ce contrat de projet ! Toutes les opérations qui ne seront pas entamées concrètement cette année ne pourront pas être achevées d’ici 2013. Donc l’idée c’est de dire : finissons ce qui est lancé, et redéployons tous les crédits libres ailleurs. Sur ce thème l’Etat aura une proposition à faire : c’est de tout miser sur l’école. C’est-à-dire la construction d’établissements scolaires, et leur mise aux normes. On dispose de dossiers techniques déjà constitués, on connaît les besoins, donc ces projets peuvent démarrer très vite. J’en ai déjà parlé avec le gouvernement Temaru.
Et la construction de logements sociaux ?
Ce peut-être l’objet d’un prochain contrat de projet, d’autant qu’en 2013, il y aura probablement un deuxième opérateur de logement social en Polynésie. Mon constat sur cette problématique, c’est que l’offre n’est pas adaptée et que les gens ne se reconnaissent pas dans les programmes de logements sociaux qui sont proposés. Je prendrai l’exemple de Mahina où l’on tente de convaincre des pêcheurs (les habitants de Hitimahana ndlr) d’aller vivre en montagne ! Il y a là un échec collectif, et probablement l’Etat a sa part de responsabilité.
Vous dites que vous êtes d’accord avec Oscar Temaru sur ce point. Vous entretenez de bonnes relations avec lui ?
On est capable lorsqu’il y a un respect mutuel, de travailler avec un président indépendantiste. Nous avons des réunions régulières avec ses ministres. Nous avons en commun d’être au service d’une population, avec un niveau de responsabilité différent.
Vous avez été nommé Haut-commissaire de la République en Polynésie française il y a près de trois mois. Quel premier bilan faites-vous ?
Un bilan, ce serait un peu présomptueux. Je me suis surtout rendu compte, en me déplaçant dans les communes et dans les archipels, que la Polynésie est beaucoup plus diverse que ce qu’on pourrait croire. J’ai vu aussi que la crise est différemment vécue dans les îles et à Tahiti. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de crise aux Marquises ou aux Australes, mais elle n’est pas la même et elle est ressentie de façon tout à fait différente. Mon action en Polynésie tiendra compte de cette diversité de situation. Je pense à la crise économique, je pense au logement…
Justement, en parlant de logement, le contrat de projet 2008-2013 prévoyait une grosse enveloppe pour le logement social. Seulement 4% de cette somme ont été utilisés aujourd’hui. Que va devenir cet argent ?
Nous avons entamé une phase de renégociation de ce contrat de projet. Il était prévu dès le début dans ce contrat signé par le pays et par l’Etat de faire un point à mi-parcours. On va rentrer dans ces discussions à l’été. Mais le constat est simple : ça ne marche pas. Seulement 4% des crédits ont été engagés, or la partie logement représente près de 60% du total de ce contrat de projet ! Toutes les opérations qui ne seront pas entamées concrètement cette année ne pourront pas être achevées d’ici 2013. Donc l’idée c’est de dire : finissons ce qui est lancé, et redéployons tous les crédits libres ailleurs. Sur ce thème l’Etat aura une proposition à faire : c’est de tout miser sur l’école. C’est-à-dire la construction d’établissements scolaires, et leur mise aux normes. On dispose de dossiers techniques déjà constitués, on connaît les besoins, donc ces projets peuvent démarrer très vite. J’en ai déjà parlé avec le gouvernement Temaru.
Et la construction de logements sociaux ?
Ce peut-être l’objet d’un prochain contrat de projet, d’autant qu’en 2013, il y aura probablement un deuxième opérateur de logement social en Polynésie. Mon constat sur cette problématique, c’est que l’offre n’est pas adaptée et que les gens ne se reconnaissent pas dans les programmes de logements sociaux qui sont proposés. Je prendrai l’exemple de Mahina où l’on tente de convaincre des pêcheurs (les habitants de Hitimahana ndlr) d’aller vivre en montagne ! Il y a là un échec collectif, et probablement l’Etat a sa part de responsabilité.
Vous dites que vous êtes d’accord avec Oscar Temaru sur ce point. Vous entretenez de bonnes relations avec lui ?
On est capable lorsqu’il y a un respect mutuel, de travailler avec un président indépendantiste. Nous avons des réunions régulières avec ses ministres. Nous avons en commun d’être au service d’une population, avec un niveau de responsabilité différent.
"La Polynésie doit prouver qu'elle s'engage dans une démarche vertueuse"
M. Temaru est actuellement en métropole pour négocier un prêt avec l’Agence Française de Développement. On a le sentiment que l’Etat se sert de l’AFD pour forcer la Polynésie à se réformer…
Premièrement, et on ne l’a pas assez dit, les conditions posées par l’AFD pour l’obtention de ce prêt sont les mêmes que celles qui avaient été posées au président Tong Sang. Il l’avait décliné dans un premier temps, avant de le demander à nouveau. Précisons aussi que l’AFD n’a pas changé les conditions de son prêt, malgré la dégradation de la note de la Polynésie. De plus, l’engagement de l’AFD est un engagement global. Elle accepte d’accompagner la Polynésie dans son plan de redressement, car il faut le dire, ce n’est pas que d’un prêt de 5 milliards qu’il s’agit. En contrepartie, l’AFD demande à la Polynésie de prouver qu’elle s’engage dans une démarche vertueuse. 95% des conditions sont remplies, mais il reste un constat : la Polynésie possède un actif qui ne sert pas, ou peu, l’immeuble du boulevard Saint-Germain. Il y a là un symbole : aucune autre collectivité d’Outre-mer ne possède un bien pareil ! Il est totalement surdimensionné par rapport aux besoins. Or l’argent de cette immeuble permettrait d’injecter directement du cash dans l’économie. Il s’agit là de faire des économies sur le fonctionnement, au profit de l’investissement. A Paris de voir si ce point est négociable.
L’AFD demande également à la Polynésie de proposer un plan de relance avant le 30 juin. Le pays vous semble-t-il capable de remplir cette condition ?
Je pense que c’est tout à fait faisable, et le gouvernement propose déjà un certain nombre de réformes - comme la fusion de la direction de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire - qui semblent aller dans le bon sens. Si le pays montre sa capacité à mettre en œuvre cette démarche financière vertueuse, les partenaires financiers autres que l’AFD répondront présent.
On dirait presque que pour l’Etat, la communication passe mieux avec le gouvernement Temaru qu’avec le gouvernement Tong Sang ? Notamment sur la question d’un impôt sur le revenu ?
(Il marque une pause). Le gouvernement Temaru n’en est qu’à ses débuts. Et ce n’est pas à l’Etat de dire à la Polynésie quels impôts il faut mettre en place. Nous, nous proposons de mettre en place une assistance technique avec l’aide de l’administration des impôts en métropole. Mais à notre sens, un impôt sur le revenu sera compliqué et long à mettre en place.
Un mot sur la réforme de la loi électorale. Une procédure d’urgence a été déclenchée : la loi sera examinée le 30 mai au Parlement. Cette précipitation signifie-t-elle qu’on s’achemine vers des élections anticipées ?
Avant on nous disait qu’on prenait du retard. Maintenant qu’on rattrape ce retard on nous dit qu’on accélère. Non. Je crois qu’il y a un eu un temps de la concertation qui a été assez long, c’est un processus qui prend du temps. Cette loi suit tout simplement son cours et on n’en est pas à parler d’élections anticipées. La tradition en France, c’est de mener les mandats à leur terme, sauf en cas de blocage des institutions.
Mais la Polynésie pourrait encore beaucoup souffrir de l’instabilité politique d’ici 2013 ?
On ne veut pas non plus qu’on nous accuse de fausser les règles du jeu. Les partis politiques doivent avoir le temps de s’organiser en vue des prochaines élections. Il n’y a pas de précipitation à avoir.
Le président de la République a fait de 2011 l’année des Outre-mer en France. On parle peu de la participation de la Polynésie à ces festivités. Notre pays a-t-il raté une occasion de faire parler de lui en bien ?
Oui je le pense. Il n’y a pas eu de prise de conscience locale sur ce que pouvait apporter cette année des Outre-mer à la Polynésie. Je regrette que cette occasion ait été manquée. Il y aura tout de même de beaux échanges, grâce au départ du Centre des Métiers d’Arts dans le Sud de la France pour des échanges autour de la sculpture. Mais il est dommage qu’il n’y ait pas eu d’initiative globale des Outre-mer du Pacifique.
Vous allez rencontrer dans quelques heures (mercredi après-midi) le collectif qui défend les intérêts de la commune de Papearii, où l’Etat va construire une prison. Les négociations avancent-elles ?
Je préfère parler de centre de détention du Sud. Les habitants de Papearii ne veulent pas être associés à une prison, et on peut les comprendre. On s’est mis d’accord pour se voir toutes les six semaines, afin de faire le point sur les compensations qui seront apportées à la commune. Une installation de ce type créé des perturbations locales, il faudra d’ailleurs probablement retracer la route, installer des abribus…Mais rappelons que c’est LE grand projet de l’Etat en Polynésie pour ces prochaines années, et que cette construction à elle seule va engendrer la création de 300 emplois directs. Et que la prison de Nuutania sera également rénovée.
Avez-vous visité Nuutania ? Quelle a été votre impression ?
C’est objectivement indigne. Mais à la décharge de l’Etat, l’augmentation de la population carcérale n’avait pas été anticipée. Ensuite, la construction d’un nouveau centre de détention prend du temps, ne serait-ce que pour trouver le foncier… Mais il y a eu un manque d’anticipation, c’est certain.
Une dernière question. Comment définissez-vous votre rôle en Polynésie ?
Comment je définis mon rôle…(il marque une pause). Un rôle d’accompagnateur tout simplement. L’Etat est un partenaire comme un autre, pour le bien des Polynésiens.
Premièrement, et on ne l’a pas assez dit, les conditions posées par l’AFD pour l’obtention de ce prêt sont les mêmes que celles qui avaient été posées au président Tong Sang. Il l’avait décliné dans un premier temps, avant de le demander à nouveau. Précisons aussi que l’AFD n’a pas changé les conditions de son prêt, malgré la dégradation de la note de la Polynésie. De plus, l’engagement de l’AFD est un engagement global. Elle accepte d’accompagner la Polynésie dans son plan de redressement, car il faut le dire, ce n’est pas que d’un prêt de 5 milliards qu’il s’agit. En contrepartie, l’AFD demande à la Polynésie de prouver qu’elle s’engage dans une démarche vertueuse. 95% des conditions sont remplies, mais il reste un constat : la Polynésie possède un actif qui ne sert pas, ou peu, l’immeuble du boulevard Saint-Germain. Il y a là un symbole : aucune autre collectivité d’Outre-mer ne possède un bien pareil ! Il est totalement surdimensionné par rapport aux besoins. Or l’argent de cette immeuble permettrait d’injecter directement du cash dans l’économie. Il s’agit là de faire des économies sur le fonctionnement, au profit de l’investissement. A Paris de voir si ce point est négociable.
L’AFD demande également à la Polynésie de proposer un plan de relance avant le 30 juin. Le pays vous semble-t-il capable de remplir cette condition ?
Je pense que c’est tout à fait faisable, et le gouvernement propose déjà un certain nombre de réformes - comme la fusion de la direction de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire - qui semblent aller dans le bon sens. Si le pays montre sa capacité à mettre en œuvre cette démarche financière vertueuse, les partenaires financiers autres que l’AFD répondront présent.
On dirait presque que pour l’Etat, la communication passe mieux avec le gouvernement Temaru qu’avec le gouvernement Tong Sang ? Notamment sur la question d’un impôt sur le revenu ?
(Il marque une pause). Le gouvernement Temaru n’en est qu’à ses débuts. Et ce n’est pas à l’Etat de dire à la Polynésie quels impôts il faut mettre en place. Nous, nous proposons de mettre en place une assistance technique avec l’aide de l’administration des impôts en métropole. Mais à notre sens, un impôt sur le revenu sera compliqué et long à mettre en place.
Un mot sur la réforme de la loi électorale. Une procédure d’urgence a été déclenchée : la loi sera examinée le 30 mai au Parlement. Cette précipitation signifie-t-elle qu’on s’achemine vers des élections anticipées ?
Avant on nous disait qu’on prenait du retard. Maintenant qu’on rattrape ce retard on nous dit qu’on accélère. Non. Je crois qu’il y a un eu un temps de la concertation qui a été assez long, c’est un processus qui prend du temps. Cette loi suit tout simplement son cours et on n’en est pas à parler d’élections anticipées. La tradition en France, c’est de mener les mandats à leur terme, sauf en cas de blocage des institutions.
Mais la Polynésie pourrait encore beaucoup souffrir de l’instabilité politique d’ici 2013 ?
On ne veut pas non plus qu’on nous accuse de fausser les règles du jeu. Les partis politiques doivent avoir le temps de s’organiser en vue des prochaines élections. Il n’y a pas de précipitation à avoir.
Le président de la République a fait de 2011 l’année des Outre-mer en France. On parle peu de la participation de la Polynésie à ces festivités. Notre pays a-t-il raté une occasion de faire parler de lui en bien ?
Oui je le pense. Il n’y a pas eu de prise de conscience locale sur ce que pouvait apporter cette année des Outre-mer à la Polynésie. Je regrette que cette occasion ait été manquée. Il y aura tout de même de beaux échanges, grâce au départ du Centre des Métiers d’Arts dans le Sud de la France pour des échanges autour de la sculpture. Mais il est dommage qu’il n’y ait pas eu d’initiative globale des Outre-mer du Pacifique.
Vous allez rencontrer dans quelques heures (mercredi après-midi) le collectif qui défend les intérêts de la commune de Papearii, où l’Etat va construire une prison. Les négociations avancent-elles ?
Je préfère parler de centre de détention du Sud. Les habitants de Papearii ne veulent pas être associés à une prison, et on peut les comprendre. On s’est mis d’accord pour se voir toutes les six semaines, afin de faire le point sur les compensations qui seront apportées à la commune. Une installation de ce type créé des perturbations locales, il faudra d’ailleurs probablement retracer la route, installer des abribus…Mais rappelons que c’est LE grand projet de l’Etat en Polynésie pour ces prochaines années, et que cette construction à elle seule va engendrer la création de 300 emplois directs. Et que la prison de Nuutania sera également rénovée.
Avez-vous visité Nuutania ? Quelle a été votre impression ?
C’est objectivement indigne. Mais à la décharge de l’Etat, l’augmentation de la population carcérale n’avait pas été anticipée. Ensuite, la construction d’un nouveau centre de détention prend du temps, ne serait-ce que pour trouver le foncier… Mais il y a eu un manque d’anticipation, c’est certain.
Une dernière question. Comment définissez-vous votre rôle en Polynésie ?
Comment je définis mon rôle…(il marque une pause). Un rôle d’accompagnateur tout simplement. L’Etat est un partenaire comme un autre, pour le bien des Polynésiens.