Tahiti Infos

Inflation : L'épicerie pas vraiment très fine


Tahiti, le 16 avril 2020 - Après les fruits et légumes et les produits d'entretien et d'hygiène, Tahiti Infos se penche aujourd'hui dans ce troisième volet sur les prix relevés par la Direction générale des affaires économiques (DGAE) au rayon épicerie des magasins de Tahiti et Moorea. Un rayon qui n'échappe pas aux hausses constatées par ailleurs depuis plusieurs mois.
 
La DGAE réalise régulièrement des relevés de prix sur quinze à vingt points de ventes et sur plusieurs paniers de produits. Produits frais, congelés, articles d'hygiène et poissons font ainsi l'objet de collectes régulières et de publication dans Tahiti Infos. Pour le rayon épicerie, deux paniers distincts ont ainsi été élaborés par le service administratif qui procède ainsi, à fréquence régulière, au recueil des données en alternant les paniers de référence. Un exercice qui a ainsi été répété cinq fois en 2019 et en mars et avril 2020 et qui permet d'observer une évolution défavorable des prix d'une cinquantaine de produits répondant aux besoins de consommation des ménages polynésiens.
 
'ete meurtrier : +7% en un an
 
En mars et mai 2019, les 50 produits représentaient pour les ménages tahitiens un ticket de caisse de 15 775 Fcfp. En septembre et novembre, le même panier atteignait 16 582 francs. Une hausse de +5,1% sur un semestre qui dépassait allégrement le taux d'inflation. Le dernier relevé effectué il y a quelques jours porte désormais le même chariot à 16 864 Fcfp. En un an, les produits d'épicerie ont donc augmenté de près de 7%. Faute de relevés de prix réalisés cette année dans les petits magasins, seule la comparaison entre supermarchés et hypermarchés est possible. Elle révèle un écart de 1 000 Fcfp entre les deux types d'établissement, 16 138 Fcfp pour les grandes surfaces contre 17 151 pour les enseignes de taille inférieure. Au niveau global, si quelques produits ont vu leur prix moyen baisser depuis novembre comme le sel, la sauce soja, les biscuits secs ou le lait en poudre, plusieurs hausses sont notables dans le 'ete de la ménagère.
 
Le pua'atoro insensible aux cadeaux
 
En février 2019, la boîte de corned beef avait été retirée de la liste des Produits de première nécessité (PPN) pour intégrer celle moins stricte des produits de grande consommation (PGC). Le choix gouvernemental était alors dicté par un impératif purement sanitaire, le produit étant en effet jugé trop gras pour les artères des Polynésiens. Le punu pua'atoro connaissait alors quelques hausses de prix ainsi qu'une réduction des ventes de la production locale au profit des boîtes importées. Le ministère de l'Economie admettait cinq mois plus tard que “peut-être qu’on a été un peu vite en la matière” s'agissant d'un “aliment phare dans l’alimentation des Polynésiens” dont les artères semblaient alors moins fragiles. Face aux difficultés d’écoulement de la production locale, le conseil des ministres décidait ainsi en août dernier d'exonérer de droits de douane certaines matières premières destinées à la production et de réduire la marge de détail maximale à 15%. Un dispositif qui assurera une rentabilité améliorée et une réduction des prix en rayon” selon le communiqué de l'époque. La comparaison des prix moyens des trois punu pua'atoro locaux juste avant la mesure à ceux de mars-avril 2020 laisse songeuse : Ils ont en effet augmenté de +0,7%, +9% et +23,3%. Le constat qui alimentera donc plus facilement les conversations des consommateurs polynésiens, toujours plus enclins à discuter le bout de gras, que leurs assiettes.
 
Un petit-déjeuner plus cher
 
Si les prix du café soluble et du chocolat en poudre ont ainsi pas ou peu variés, le paquet de céréales de référence et le lait en brique ont grimpé respectivement de 9,6% et 11,4%. Pour les deux parfums de confiture qui font l'objet des relevés de la DGAE, les prix ont augmenté depuis la fin de l'année dernière de +23,1 et +26,6%. Compte tenu du niveau de prix atteint, il est peu probable que l'on en donne au cochon. Le beurre de cacahuètes de marque, riche en protéine, est pauvre en promotion. Le pot de quelque 500 grammes, commercialisé en mai dernier à 530 Fcfp en moyenne, se vend désormais autour de 556 Fcfp. Des hausses qui s'ajoutent à celle du prix de la baguette de 53 à 57 francs, actée par le conseil des ministres en novembre dernier. Petit-déjeuner mais désormais avec maxi-budget.
 
Cerise sur le gâteau
 
Objet d'une frénésie particulière en cette période de confinement, notamment avec des enfants à occuper, la confection de gâteaux est devenue plus onéreuse. Beaucoup plus onéreuse. Si le prix des œufs est resté inchangé depuis 2018, date de sa dernière modification par le conseil des ministres, la hausse relevée par ailleurs sur le prix du lait touche à peu près toutes les composantes d'une pâtisserie faite maison. Ainsi, en moins de six mois, la farine sans et avec levure a augmenté respectivement de +17,1 et +20,7%, des hausses supérieures à celles du beurre (+1,1%), de l'huile (+11,2%) et sucre blanc (+11,4%), On ignore par contre qui des importateurs ou des magasins touchent la plus grosse part du gâteau.
 
La Presqu'ile 5% moins chère, Moorea 7% plus cher
 
Les relevés effectués par la DGAE fin mars et début avril permettent également d'opérer plusieurs comparaisons géographiques. Ainsi, pour acheter ce panier identique d'une cinquantaine de produits, il vous en coûtera en moyenne près de 7% de plus à Moorea qu'à Tahiti. Une moyenne qui nécessite cependant d'affiner la comparaison, il n'y a aucun hypermarché sur l'île sœur. En ne prenant en compte que les petits magasins, supérettes et supermarchés présents sur les deux iles, le différentiel de prix est moins important et atteint +3,9%. Par contre, il serait plus avantageux de s'approvisionner à la presqu'ile pour les mêmes articles. Les prix étiquetés au rayon épicerie y sont en effet en moyenne 5% moins chers que ceux pratiqués pour les consommateurs de l'agglomération de Papeete. Pour ces derniers, cela est cependant insuffisant pour penser s'approvisionner à Taravao. L'écart de 850 Fcfp sur le panier de référence représente peu ou prou la dépense de carburant pour réaliser l'aller-retour.

Rédigé par Sébastien Petit le Vendredi 17 Avril 2020 à 00:36 | Lu 5501 fois