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Infertilité: l'élargissement des dons de gamètes, une avancée qui risque de ne pas suffire


Paris, France | AFP | jeudi 15/10/2015 - En élargissant les dons d'ovules et de sperme aux personnes sans enfants, le gouvernement espère raccourcir les délais d'attente pour les couples infertiles, souvent contraints d'aller à l'étranger, mais des spécialistes doutent que cela suffise à résorber les 3.000 demandes en souffrance.

Le nouveau dispositif annoncé jeudi par la ministre de la Santé Marisol Touraine prévoit que les donneurs adultes en bonne santé et sans enfants puissent donner leurs gamètes (ovules ou sperme) jusqu'à 37 ans pour les femmes et jusqu'à 45 ans pour les hommes, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent.

Cet élargissement "très positif était attendu, car cela permettra d'améliorer le recrutement des donneurs et de raccourcir les délais d'attente pour les couples", explique à l'AFP le professeur Nathalie Rives, présidente des CECOS (banques de sperme et d'ovules). Actuellement, 3.000 couples sont sur une liste d'attente.

Comme pour les dons d'organes ou de sang, ceux de gamètes sont anonymes, gratuits et librement consentis. Un entretien préalable obligatoire avec un psychologue contribue à vérifier l'absence de pressions sur les candidats.

Le nouveau texte introduit aussi la possibilité pour le donneur sans enfants de bénéficier plus tard d'une partie des gamètes donnés, mais seulement s'il devient infertile.

Aux yeux de certains spécialistes, ces assouplissements sont insuffisants face à des dons beaucoup trop limités pour répondre aux besoins, avec des délais d'attente pouvant aller jusqu'à deux ou trois ans.

D'abord, "le don d'ovocytes n'est pas aussi simple, que le don, tout aussi noble mais beaucoup plus facile, de spermatozoïdes", remarque le Dr Joëlle Belaïsch-Allart, vice-présidente du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF).

En matière de don d'ovocytes, ce décret apporte "une mauvaise réponse à une bonne question. Il est clairement insuffisant", estime-t-elle.


- Besoin de 900 donneuses -



Cette année, il faudrait 900 donneuses (d'ovules), mais "nous n’avons que 450 dons d’ovocytes", a noté Marisol Touraine Santé dans un entretien à Ouest-France.

Selon l'agence de la Biomédecine, près de 200 enfants naissent chaque année en France grâce à ces dons d'ovules.

A titre de comparaison, en Espagne où les donneuses bénéficient d'une "compensation forfaitaire" de 1.000 euros, les dons d'ovocytes avoisineraient les 16.000 par an, selon la presse. A elle seule, la clinique Eugin à Barcelone a réalisé 3.500 fécondations in vitro avec dons d'ovocytes en 2014, dont 53% sur des Françaises, selon sa directrice médicale, le Dr Valérie Vernaeve.

La fécondation in vitro (FIV) avec don d'ovules, prise en charge par la Sécurité sociale jusqu'à 43 ans, est réservée en France aux femmes vivant en couple hétérosexuel. Elle s'adresse à des femmes sans ovaires (ou dont le fonctionnement est défectueux), ménopausées précocement ou porteuses d'une maladie génétique grave transmissible.

La majorité des candidates à la FIV avec don d'ovules sont des femmes autour de la quarantaine dont les ovaires ne fonctionnent pas correctement, constate le Dr Belaïsch-Allart. Ces quadragénaires se retrouvent le plus souvent contraintes d'aller à l'étranger.

"Si on autorisait les femmes à congeler leurs ovules pour préserver leur fertilité future sans raison médicale, on pourrait résorber en cinq ans une grande part de la liste d'attente des couples demandeurs de dons d'ovules", juge-t-elle.

Le collège de spécialistes français (CNGOF) et la Société européenne de reproduction humaine et d'embryologie (ESHRE) se sont déjà prononcés dans ce sens. Pour le CNGOF, toutes les femmes doivent pouvoir recourir - "à leur convenance" et sans raison médicale - à la congélation de leurs ovules pour préserver leur fertilité future. De nombreux pays acceptent d'ailleurs de le faire.

En pratique, le don d'ovocytes se déroule sur plusieurs semaines (visites médicales, analyses, échographies...). Les soins médicaux sont pris en charge à 100%, mais le dédommagement des frais engagés par la donneuse (transports, garde d'enfants...) est "compliqué et jamais en réalité à 100%", regrette Mme Belaïsch-Allart. "A titre personnel", elle est pour la création d'"une indemnisation forfaitaire de 400 à 500 euros".

Rédigé par () le Jeudi 15 Octobre 2015 à 05:55 | Lu 367 fois