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Fonctionnaires: le gouvernement durcit le ton, les syndicats en colère


Crédit LOIC VENANCE / AFP
Crédit LOIC VENANCE / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 10/04/2024 - Le déficit dérape, la rengaine du "moins de fonctionnaires" revient: le gouvernement a récemment musclé son discours sur le temps de travail et les licenciements dans la fonction publique, une inflexion applaudie par le patronat mais décriée par les syndicats.

Le statut des fonctionnaires "n'a jamais expliqué qu'on ne pouvait pas licencier quelqu’un qui ne fait pas bien son travail", a affirmé mercredi le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini.

Si un licenciement pour "insuffisance professionnelle" existe bien pour les fonctionnaires, le dispositif "est très mal défini et surtout extrêmement peu appliqué", a jugé le ministre sur France Inter.

Selon lui, à peine 13 agents ont été licenciés pour ce motif en 2022 dans la fonction publique d'Etat, qui en compte au total 2,5 millions. 

Quant aux révocations pour faute, seuls 222 fonctionnaires d'Etat auraient subi cette forme alternative de sanction, a précisé le ministre, en s'appuyant sur des données publiées en décembre par l'administration.

Quelques instants plus tôt, le président du Medef Patrick Martin avait déjà pointé sur RMC les "sureffectifs flagrants" de la fonction publique française (5,7 millions d'agents au total) par rapport aux "voisins immédiats" de la France, "l'Allemagne par exemple".

Dans la quête d'économies de l'exécutif, confronté à un dérapage du déficit public à 5,5% du PIB en 2023 contre 4,9% attendu, "on s'occupe beaucoup des salariés du privé, de l'entreprise, et on ne s'occupe pas beaucoup des six millions de fonctionnaires de la fonction publique", a taclé le chef de la première organisation patronale du pays.

Plus direct encore, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a jugé sur BFM TV que "dans la fonction publique, la règle devrait être le contrat", le statut de fonctionnaire devant selon lui "être réservé par exemple aux magistrats, à des fonctions régaliennes."

Les syndicats vent debout

Les syndicats de fonctionnaires, conviés mardi au lancement de la concertation autour de la réforme de la fonction publique, attendue pour l'automne en Conseil des ministres, sont vent debout. 

"Parler du licenciement plutôt que des salaires alors que toutes les règles existent" pour se séparer des fonctionnaires, "c’est détourner l’attention", s'indigne sur le réseau X le secrétaire général de l'Unsa-Fonction publique, Luc Farré.

Cinq ans après la loi de "transformation" de la fonction publique, qui avait élargi le recours aux contractuels, "le ministre Stanislas Guérini est déterminé à ouvrir un deuxième acte du saccage du statut général des fonctionnaires", tempête la FSU.

La réplique de la CGT est elle intervenue sous la forme d'un préavis de grève couvrant notamment les Jeux olympiques et paralympiques de l'été.

"L’année 2024 ne saurait être l'année de la casse du statut de la fonction publique", affirme le premier syndicat de fonctionnaires dans un communiqué.

A l'Assemblée nationale, le Premier ministre Gabriel Attal a tenté de calmer le jeu: le gouvernement laissera "tout le temps à la concertation", de façon à "tout mettre sur la table dans un esprit constructif".

Concernant le temps de travail des fonctionnaires, le gouvernement avait déjà durci son discours fin mars, Stanislas Guerini déplorant lors d'un séminaire gouvernemental sur le travail que "200.000 agents ne (soient) toujours pas aux 35 heures", selon des propos rapportés par le journal Le Parisien et confirmés à l'AFP.

D'après l'administration, le temps de travail hebdomadaire déclaré par les fonctionnaires et les salariés du secteur privé en 2022 était identique (39 heures). 

En revanche, sur une année complète, les agents publics (hors enseignants) ne travailleraient que 1.606 heures en moyenne, contre 1.699 heures pour les salariés du privé, cet écart s'expliquant par le plus grand nombre de congés octroyés aux fonctionnaires.

Confronté à la dégradation des comptes publics, le gouvernement a acté par décret 10 milliards d'euros d'économies sur les dépenses de l'Etat en 2024, et promis 20 milliards de coupes supplémentaires en 2025.

Alors qu'il tablait jusqu'ici sur une réduction du déficit à 4,4% du PIB en 2024, l'exécutif a présenté une trajectoire financière actualisée mercredi après-midi.

Il espère désormais abaisser le déficit à 5,1% du PIB en 2024 et 2,9% en 2027, juste en dessous de l'objectif européen de 3%.

le Mercredi 10 Avril 2024 à 05:28 | Lu 1347 fois