Tahiti Infos

Evasan aux Marquises : les sauveteurs en mer tirent la sonnette d'alarme


L'évacuation sanitaire d'une patiente la semaine dernière (crédit photo : A. Pouzoulet).
L'évacuation sanitaire d'une patiente la semaine dernière (crédit photo : A. Pouzoulet).
PAPEETE, le 11 juillet 2016 - La semaine dernière, une jeune femme de 29 ans originaire de Ua Huka, est décédée en arrivant à Papeete après plus de 15 heures d'évasan. La fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer (FEPSM) n'a pas tardé à réagir.

"Le transport des malades se fait dans des conditions lamentables : dans des petites barques de fortune, sans sécurité, sans protection… Nous sommes en 2016 et aujourd'hui, nous en sommes là." Marc Tarrats, secrétaire adjoint de la Fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer (FEPSM) est dépité. Depuis 2010, la fédération tente d'attirer l'attention des politiques. En vain. "A Ua Huka, on vient de le voir avec l'évasan de la jeune femme, il y a un vrai problème…", insiste le secrétaire général adjoint.

Les bénévoles de la FEPSM militent pour la mise en place de vedettes sanitaires et d'assistance maritimes (VSAM). But de l'opération : mutualiser les moyens pour assurer les opérations de sauvetage en mer et les évacuations sanitaires maritimes. Il y a un peu plus d'un an, en 2015, les bénévoles de la fédération sont allés à la rencontre du ministre de la Santé, Patrick Howell. Dossiers de présentation sous le bras, ils ont détaillé leur plan d'attaque. "Nous essayons de faire bouger les choses depuis 2010, explique Alain Côme, secrétaire général de la FEPSM. L'année dernière, nous avons vu le ministre peu de temps après une évasan suite à un accident de voiture. Celle-ci avait pris beaucoup de temps et la victime était décédée. Nous avions mis notre projet entre les mains du ministre. Il nous a expliqués qu'il enverrait quelqu'un sur place pour calculer le coût de notre proposition et la comparer avec la mise en place d'un hélicoptère. Nous n'avons jamais eu de réponse …"

La "promesse"

L'évacuation sanitaire d'une patiente la semaine dernière (crédit photo : A. Pouzoulet).
L'évacuation sanitaire d'une patiente la semaine dernière (crédit photo : A. Pouzoulet).
Jusqu'à 2007, une société privée a assuré la prise en charge des évasans mais depuis, il n'y a plus d'hélicoptère. "Le ministre avait fait la promesse d'un hélicoptère mais aujourd'hui, cela semble impossible. Quelle société privée voudrait s'installer aux Marquises?", interroge Marc Tarrats. Résultat : les évacuations sanitaires d'urgence sont opérées par des bateaux qui ne sont pas sécurisés et loin d'être homologués. Certains élus des archipels souhaitent revoir un hélicoptère sur le territoire. S'il venait à réapparaître, cela ne règlerait pas le problème des évasans d'urgence de nuit. Le règlement de l'aviation civile n'autorise pas les hélicoptères à voler aux Marquises pendant la nuit en régime de vol à vue, sans repère visuel.

En complément des moyens aériens, les vedettes proposées par la fédération permettraient de relier les îles de l'archipel des Marquises dans des temps corrects : entre 1 heure et 2h30 de trajet dans les îles du nord et du sud et en 4h30 entre Hiva Oa et Nuku Hiva. Celles-ci seraient fabriquées en Polynésie française et leur coût de fabrication et de mise à l'eau ne dépasserait pas 100 millions de francs. Selon les sauveteurs en mer, le financement pourrait être pris à 50 % par l'État et 50 % par le Pays compte tenu du fait que le sauvetage en mer relève de la compétence d'État et les évasans du Pays.

"Le fonctionnement d'aujourd'hui est celui d'un autre temps. Nous proposons des choses avec un budget dérisoire. Ces bateaux représentent un investissement sur 30 ans", martèle le secrétaire adjoint, qui vit aux Marquises. Marc Tarrats est aussi révolté en tant qu'habitant. Il voit ces évacuations se passer dans des conditions périlleuses, mettant en danger la vie de victimes. Pour ce dernier, comme pour Alain Côme, il faut que les choses changent. "C'est honteux de voir ça. En cinq ans, nous n'avons pas avancé, nous avons régressé, ragent-ils. Une telle méprise de la vie humaine, de la santé de ces gens des îles, c'est effarant…"

*CONTACTÉE EN FIN DE JOURNÉE, LA DIRECTION DU CENTRE HOSPITALIER N'A PAS DONNÉ SUITE A NOS DEMANDES.

"L'hélicoptère reste le moyen le plus efficace à l'heure actuelle pour évasaner les gens..."

Trois questions à Félix Barsinas, président de la communauté de communes des Marquises et maire de Tahuata.

Quelle a été la réaction des maires des Marquises suite à l'évasan de la semaine dernière?
Les maires des Marquises ressentent une colère larvée. La plupart des maires sont démunis. Nous sommes dépourvus d'aérodrome dans certaines îles. Quand il y en a, c'est trop petit ou inaccessible. Il y a aussi souvent des pannes. C'est assez fou de ne pas arriver à trouver de solution pour ce problème alors que nous sommes en 2016!

Que souhaitez-vous faire pour résoudre ce problème aujourd'hui?

Je souhaite beaucoup que les choses changent. J'aimerais que le Pays revoie son schéma directeur de l'organisation sanitaire. Cela pourrait peut-être permettre aux sociétés intéressées par l'investissement aux Marquises de le faire. A l'heure actuelle, plusieurs sociétés d'investisseurs privés souhaitent mettre en place un hélicoptère qui pourrait assurer les évasans et aussi, amener des touristes dans les îles.

Que pensez-vous du projet de la Fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer?
Le Pays va mettre en place un bateau pour faire la navette dans les îles du sud de l'archipel à la fin de l'année. C'est très bien, mais cela ne va pas résoudre le problème des malades. Pour les navettes, c'est aussi un projet louable mais cela ne peut pas tout solutionner. L'hélicoptère est le moyen le plus efficace à l'heure actuelle. Pour les évasans, c'est un moyen aérien qu'il faut mettre en place. Cela pourrait permettre de sauver des vies humaines!

Les propositions de la fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer

Schéma proposé d'organisation opérationnelle des évacuations sanitaires maritimes par VSAM (FEPSM).
Schéma proposé d'organisation opérationnelle des évacuations sanitaires maritimes par VSAM (FEPSM).
Dans son rapport la FEPSM expliqu: "l’isolement géographique des îles Marquises et l’absence de moyens nautiques dédiés aux évacuations sanitaires maritimes et au sauvetage en mer sont aujourd’hui une des faiblesses structurelles de l’archipel pour la prise en charge des populations en situation de détresse sanitaire et le développement des activités maritimes."

Objectif du projet :
1. Mettre en place 3 Vedettes de sauvetage et d’assistance médicale (VSAM) : Hiva Oa, Ua Pou et Ua Huka.
2. Permettre des évasans maritimes sécurisées de qualité 24h/24h.
3. S’inscrire dans la maîtrise des coûts de la CPS et des budgets publics.
4. Créer une dynamique éducative par des partenariats avec des structures d’enseignement (Lycée professionnel, SMA…).
5. Élargir la mutualisation aux actions du Pays pour la grande Aire marine protégée des îles Marquises.
6. Accroître la sécurité maritime de l’archipel en lien avec son développement économique touristique.

Rédigé par Amelie David le Lundi 11 Juillet 2016 à 17:37 | Lu 6900 fois
           



Commentaires

1.Posté par yenamarre! le 12/07/2016 09:09 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Le politique et toujours le politique qui ne réagit pas et qui fait les choses selon son bon vouloir !

Si c'était un membre de sa famille, je pense que tous les moyens aurait été mis en place !

L.A.M.E.N.T.A.B.L.E

On vit encore à l'âge de pierre en Polynésie parce que c'est le politique qui décide !

2.Posté par Phil le 12/07/2016 15:39 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Les maires ressentent une colère larvée ! La larve a du mal à devenir adulte en 9 années. Pour le maire de Tahuata, "plusieurs sociétés d'investisseurs privés souhaitent mettre en place un hélicoptère"... Très drôle ! Neuf ans que la place est libre et aucune société ne s'est encore installée ? Que le maire nous donne des noms, que le ministre de la santé les contacte. Mais pour la nuit et sur le maritime, manifestement, on ne fait rien pour améliorer les choses... Question de clientélisme : on protège les propriétaires de bonitiers qui se gavent avec ces évasans. Ce sont des électeurs... et les maires des élus !

3.Posté par Karl Marx le 14/07/2016 12:50 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Phil, en Faranésie on aime bien baratiner au lieux d’agir- on prefère laisser mourir le gens, que mêttre un dispositif correcte -hélicoptère et bateau en place. Il y a un hôpital à Taioha'e, dans laquelle on peux traiter quand même des urgences et plus que ça. Évasaner le gens vers Tahiti doit être toujours le dernier recours. Mais bien sur, avec un centralisme à la Française on n’a depuis des décennies aucun intérêt de développer les archipels. Les médecins, souvent de popa'a grassement payêes préfèrent de se promener en popa'aland, que d'être à la disposition de la population dans les archipels éloignés. Et quelle impertinence de votre part, de prêter de intentions malhonnêtes aux propriétaires des bonitiers, de se gaver avec les évasans...