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Ebola: tardive et difficile course aux traitements et vaccins


PARIS, 13 septembre 2014 (AFP) - La course contre la montre engagée par une poignée de laboratoires pour mettre au point traitements et vaccins contre le virus Ebola arrive tardivement et avec difficultés face à l'emballement de l'épidémie en l'Afrique de l'Ouest.

Le nombre de victimes ne cesse de grimper au Liberia, Sierra Leone et Guinée, les trois principaux pays touchés, avec "plus de 2.400 morts", selon le bilan au 12 septembre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), deux fois plus qu'un mois avant (1.000 décès).

Cette "flambée de fièvre hémorragique" a beau être, de loin, la plus sévère jamais enregistrée depuis l'apparition de la maladie en 1976 dans l'ex-Zaïre, "il n'y a pas de marché", déplore Noël Tordo, directeur de l'unité Stratégies antivirales de l'Institut Pasteur.

Le nombre de cas avoisine désormais les 5.000 et la moitié des personnes infectés décèdent du virus: malgré tout "ce ne sont pas franchement des chiffres énormes", estime le Dr Tordo.

Même son de cloche pour le co-découvreur du virus Ebola, le belge Peter Piot: "Avant cette épidémie en Afrique de l'Ouest, Ebola n'était pas un problème de santé publique mais une maladie très rare".

"Il y avait jusqu'à présent très peu d'intérêt à tous les niveaux et pas seulement dans l'univers pharmaceutique", souligne celui qui dirige l'Ecole d'hygiène et médecine tropicale de Londres.

Jusqu'alors le virus avait fait en l'espace d'une quarantaine d'année "moins de 2.000 morts au fin fond de l'Afrique" et "tout le monde s'en fichait un peu" commente le spécialiste français Sylvain Baize (Pasteur/Inserm).

- Bio-terrorisme -

Et très peu d'équipes dans le monde avaient pu travailler sur ce virus car il nécessite une enceinte de confinement spéciale (laboratoires dits "P4") en raison de sa dangerosité, souligne ce responsable du Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales de Lyon.

La crainte d'une menace bio-terroriste en particulier après le 11 septembre 2001 a permis de "dynamiser" la recherche car "on s'est dit qu'Ebola pourrait servir à des groupes terroristes", explique le Dr Baize qui a été le premier à déterminer la souche virale responsable de l'actuelle épidémie.

C'est principalement des Etats-Unis, du Pentagone mais aussi des Instituts américains de la santé (NIH) que sont venus les financements dans le recherche et la mise au point de vaccins et traitements.

Mais depuis le démarrage de l'épidémie en Afrique de l'Ouest en début d'année, le regard des grandes compagnies pharmaceutiques sur la maladie a évolué, assure le Pr Piot.

"Les choses changent et deux grandes compagnies investissent sur des vaccins: GSK et Janssen" souligne le spécialiste.

Un candidat vaccin de la firme anglaise GSK sera testé pour la première fois auprès de volontaires à partir de septembre tandis que le groupe américain Johnson & Johnson, maison-mère de Janssen annonce l'accélération du "développement d'un programme prometteur de vaccin".

Ce dernier programme bénéficie du soutien financier de l'Institut national contre les allergies et les maladies infectieuses (NIAID, Etats-Unis).

Son directeur, Anthony Fauci explique à l'AFP: "avant il n'y avait aucune incitation mais maintenant tout le monde voit qu'il y a un gros problème et on a de plus en plus de compagnies impliquées".

Plusieurs sociétés travaillent parallèlement à l'élaboration de traitements curatifs, là aussi souvent avec l'aide de financements publics: ZMapp (USA), Avigan (Japon) ou TKM-Ebola (Canada).

Mais ces traitements sont encore expérimentaux, non homologués et la question du financement se posera au moment de leur mise en production puis de leur distribution, souligne la spécialiste britannique des questions de bioéthique Annette Rid (King's College).

"L'argent public y jouera vraisemblablement un rôle majeur" estime Mme Rid pour qui Ebola est et restera "une maladie orpheline".

Rédigé par AFP le Samedi 13 Septembre 2014 à 08:55 | Lu 552 fois