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Détournement de fonds au cimetière de l'Uranie : le remboursement ou la prison


La régie du cimetière de l'Uranie s'était retrouvée au cœur d'un scandale après la découverte du pot aux roses en 2010.
La régie du cimetière de l'Uranie s'était retrouvée au cœur d'un scandale après la découverte du pot aux roses en 2010.
PAPEETE, le 16 février 2016 - L'ancien régisseur du cimetière de l'Uranie et sa secrétaire ont comparu ce mardi devant le tribunal correctionnel, accusés d'avoir détourné 74 millions de francs d'argent public des caisses de cette sous-régie de la mairie, entre 1989 et 2009. Ils n'ont pas été très bavards à la barre, le premier niant carrément les faits. Le jugement a été mis en délibéré au 22 mars.


Le procureur de la République a requis, ce mardi à l'audience du tribunal correctionnel, une peine de sanction-réparation à l'encontre de l'ancien régisseur du cimetière de l'Uranie, à la retraite depuis le scandale, et sa secrétaire, reclassée à la mairie de Papeete dans un service ou ne circule plus aucun denier public. Le duo est soupçonné d'avoir détourné, entre 1989 et 2009, pas moins de 74 millions de francs des caisses de cette sous-régie communale.

La sanction-réparation consiste dans l'obligation pour le condamné de procéder, dans le délai et selon les modalités fixées par la juridiction, à l'indemnisation du préjudice de la victime. Ici la municipalité de Papeete représentée par son maire, Michel Buillard, partie civile au procès.
Si l'exécution de la réparation n'est pas constatée dans les délais par le parquet, une peine de prison est alors ordonnée. Elle pourrait être de 3 mois ferme si le tribunal venait à suivre les réquisitions du ministère public. Le jugement a été mis en délibéré au 22 mars.

La mairie faisait "confiance", trop peut-être...

L'ancien régisseur nie depuis le début ces détournements. Il n'a pas changé de braquet hier à l'audience. Fatigué par des problèmes de santé, le retraité reconnaît du bout des lèvres avoir, peut-être, mis à gauche 1,5 million de francs. Des avances sur salaires "pour les petites gens", ou pour lui-même, qu'il prélevait mais "oubliait" parfois de redistribuer. Sa secrétaire, elle, a admis s'être mis 4,5 millions de francs dans la poche, qu'elle a commencé à rembourser par des prélèvements sur son salaire… à la mairie. Mais en aucun cas ces 74 millions de francs tel qu'il ressort de l'enquête ouverte après la révélation des faits en 2010. Pour elle, c'est le régisseur le menteur de l'histoire.

Si aucun changement remarquable de leur train de vie n'a été découvert à la faveur de l'enquête, la mairie de Papeete a fait ses comptes et n'en démords pas. On parle bien de 74 millions. "Ils éludent leur responsabilité, ils passaient leur temps à cela, pour la seule année 2009 c'est plus de 7 millions de francs qui avaient été détournés", insiste Me Quinquis, avocat de la marie de Papeete. "La mairie a fait les comptes de ce qui n'a pas été perçu, mais sans pour autant prouver que la totalité de cette somme leur soit imputable", lui a répondu Me Neuffer, prenant la défense du régisseur. "Or on sait par exemple qu'il arrivait à la municipalité elle-même de faire des remises gracieuses". Le parquet, lui, a estimé que la part reconnue des détournements de fonds constituait de toute façon une infraction suffisamment grave s'agissant de fonds publics.

L'enquête a établi que pendant toutes ces années, la secrétaire, qui tenait le registre du cimetière, encaissait en réalité pour son compte une partie des frais de concession ou de déplacement des corps, sans jamais remettre en échange les documents administratifs correspondants aux personnes qui se présentaient à elle. La secrétaire qui s'est dit héritière d'un usage bien ancré à l'Uranie par son supérieur hiérarchique, le régisseur.

Si les administrés de la commune pourront légitimement se poser la question du contrôle de la gestion du cimetière, aveuglément confiée à ces deux fonctionnaires, l'avocat de la commune Me Quinquis a pour sa part insisté sur "la grande liberté de gestion inhérente à ces régies communales" et basée "sur la confiance accordée à ceux à qui l'on en donne la charge, principe sacro-saint en Polynésie". Depuis, la sous-régie de l'Uranie a été dissoute et sa gestion directement rattachée à la régie principale de la mairie de Papeete.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 16 Février 2016 à 17:39 | Lu 6033 fois