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Des chars israéliens déployés à Rafah, l'accès humanitaire coupé à Gaza


Menahem KAHANA / AFP
Menahem KAHANA / AFP
Rafah, Territoires palestiniens | AFP | mardi 07/05/2024 - L'armée israélienne a déployé des chars mardi dans Rafah et pris le contrôle du passage frontalier avec l'Egypte, dans le sud de la bande de Gaza, coupant l'accès pour l'aide humanitaire au territoire palestinien assiégé.

Sept mois après le début de la guerre avec le Hamas, l'armée a diffusé des images montrant des chars où flottait le drapeau israélien déployés du côté palestinien de la zone frontalière, et affirmé mener une opération de "contreterrorisme" dans "des zones spécifiques" de l'est de Rafah.

Des bombardements pendant la nuit ont fait au moins 27 morts, selon deux hôpitaux de Rafah.

La veille, l'armée avait appelé à évacuer des dizaines de milliers de familles de l'est de la ville, qui abrite au total 1,4 million de Palestiniens, selon l'ONU, en prévision d'une offensive terrestre annoncée par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pour éliminer les derniers bataillons du Hamas.

Les Etats-Unis, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et l'Union européenne avaient appelé Israël à ne pas mettre à exécution sa menace, redoutant un bain de sang et une aggravation de la crise humanitaire.

"Malgré ces avertissements et ces appels, une offensive a été lancée hier soir. Je crains que cela ne fasse à nouveau beaucoup de victimes, des victimes civiles", a déclaré mardi le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell.

"Enterrer l'opération humanitaire"

L'ONU a annoncé mardi que l'accès depuis l'Egypte au point de passage de Rafah, principale porte d'entrée de l'aide humanitaire, vitale pour la population de Gaza, lui était interdit par l'armée.

En Egypte, "des centaines de camions chargés de carburant et d'aide humanitaire sont bloqués", selon des sources égyptiennes, après la fermeture du passage de Rafah et de celui de Kerem Shalom, entre Israël et Gaza, visé par des tirs.

L'ONU a en outre affirmé ne plus disposer que d'un jour de réserves de fuel pour les opérations humanitaires à Gaza.

Si le carburant est bloqué, "ce serait une manière très efficace d'enterrer l'opération humanitaire", a déclaré le porte-parole du Bureau des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), Jens Laerke.

Pendant qu'Israël poursuit ses opérations militaires, de nouvelles discussions doivent avoir lieu au Caire après le feu vert donné par le Hamas à un projet d'accord présenté par les pays médiateurs pour tenter de mettre fin à la guerre, déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent lancée par le mouvement islamiste contre Israël.

Cette proposition est "loin des exigences israéliennes", a affirmé le bureau de Benjamin Netanyahu.

Les autorités du Hamas ont de leur côté accusé mardi Israël "d'exacerber délibérément" la crise humanitaire "en fermant les points de passage de Rafah et Kerem Shalom".

"Partir vers l'ouest"

L'armée a annoncé avoir pris "le contrôle opérationnel" de la partie palestinienne du point de passage avec l'Egypte et annoncé que des troupes au sol avaient commencé une "opération ciblée de contreterrorisme" dans l'est de Rafah.

Des images géolocalisées par l'AFP et diffusées sur les réseaux sociaux montrent des chars déployés à Rafah et des soldats hissant le drapeau israélien.  

Une unité de blindés "a manoeuvré dans la zone" tandis que "des forces spéciales inspectent le point de passage", a ajouté l'armée.

"Nous avions des indices, parmi lesquels les tirs" de roquettes dimanche, contre le point de passage de Kerem Shalom, qui ont tué quatre soldats israéliens, "que la partie gazaouie du point de passage (...) était utilisé par le Hamas à des fins terroristes", a expliqué l'armée.

Mardi, la branche armée du Hamas a annoncé avoir tiré des roquettes "sur un rassemblement de troupes" israéliennes autour de Kerem Shalom.

L'armée a affirmé que ces roquettes avaient été tirées depuis Rafah.

La veille, sommés d'évacuer par l'armée israélienne, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, désespérés, pour beaucoup déjà déplacés par la guerre, avaient emballé à la hâte quelques affaires, sans trop savoir où aller. 

"Nous sommes terrifiés. On va partir vers l'ouest de Rafah, mais on ne sait pas exactement où. Et tout le monde se pose la question", a confié à l'AFP Hanah Saleh, un homme de 40 ans déplacé du nord de la bande de Gaza.

"Pression sur le Hamas"

La guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza ont lancé une attaque dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 35 sont mortes, selon l'armée.

En représailles, Israël a lancé une opération militaire dans la bande de Gaza qui a fait jusqu'à présent 34.789 morts, principalement des civils, dont au moins 54 en 24 heures, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Le feu vert donné lundi par le Hamas au projet de trêve a redonné un moment espoir aux Palestiniens de Gaza. Mais mardi, des rescapés racontaient une nouvelle nuit d'angoisse sous les bombardements. 

"Tout le monde a ressenti une joie indescriptible (...) mais ils ont volé notre joie. Il y a eu des frappes israéliennes avec des avions de chasse et des bombardements d'artillerie. C'était une nuit terrifiante", a témoigné Abu Aoun Al-Najjar, un habitant de Rafah.

Israël a décidé d'envoyer une délégation au Caire, tout en poursuivant ses opérations à Rafah, "afin d'exercer une pression militaire sur le Hamas dans le but de progresser vers la libération des otages et d'autres objectifs de la guerre", selon les services du Premier ministre.

Le Qatar, pays médiateur avec les Etats-Unis et l'Egypte, a lui aussi annoncé l'envoi mardi d'une délégation.

Selon le numéro deux de la branche politique du Hamas à Gaza, Khalil al-Hayya, la proposition comprend trois phases, chacune d'une durée de 42 jours, et inclut un retrait israélien du territoire, le retour des déplacés et un échange d'otages retenus à Gaza et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, dans le but d'un "cessez-le-feu permanent".

Israël s'oppose jusqu'à présent à un cessez-le-feu tant que le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, n'aura pas été vaincu.

Le mouvement islamiste, considéré comme une organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne, exige de son côté un cessez-le feu définitif et un retrait israélien de la bande de Gaza.

le Mardi 7 Mai 2024 à 06:22 | Lu 427 fois