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Cyber-attaques: 2016 est un simple avant-goût, les experts inquiets


Davos, Suisse | AFP | vendredi 20/01/2017 - L'année 2016, avec l'intrusion de cyber-attaques, de piratage informatique et de divulgation de secrets dans la campagne électorale américaine, est un simple avant-goût d'inquiétants phénomènes à venir, estiment tous les experts réunis à Davos.

Réunis en table ronde au Forum économique mondial sur le thème des "Cyber-guerres", ces spécialistes ont alerté vendredi les pays européens, à commencer par la France et l'Allemagne où vont avoir lieu en 2017 d'importantes élections, qu'ils pourraient être les prochaines cibles de pirates difficiles à identifier mais terriblement efficaces et politiquement motivés.

"Je pense que 2016 a donné une idée de ce qui nous attend", estime Tom Donilon, ancien Conseiller à la sécurité nationale du président Obama, désormais dans le secteur privé. "Nous avons vu la frontière entre la guerre et la paix s'estomper".

"L'exemple le plus flagrant a été l'effort important que la Russie a exercé pour influencer le résultat de l'élection américaine", dit-il. "Il s'agit d'un État-nation qui est passé au-delà du simple espionnage. Les nations vont continuer à s'espionner et à se voler des secrets, mais là nous avons vu le vol de secrets puis leur publication stratégique en vue d'obtenir l'effet désiré".

"C'est une tentative par un État-nation d'influer sur une élection et nous devons nous concentrer sérieusement sur le genre de réponse à y apporter", poursuit Tom Donilon. En Europe, il faut que les pays "prennent ça en compte dans le cadre de leurs processus électoraux".

David Rothkopf, président et rédacteur en chef de l'influente revue Foreign Policy, estime pour sa part que le piratage et la diffusion de messages de responsables du parti démocrate ont certainement favorisé Donald Trump, qui prête serment vendredi comme 45ème président des États-Unis. Cette attaque qu'il attribue sans équivoque à Moscou constitue un première dans l'histoire, selon lui.

"Il y a une forte probabilité pour que cela ait fait pencher la balance et donc que l'homme qui va être placé à la tête de la plus riche et la plus puissante nation au monde le soit à cause de cyber-actions menées contre les États-Unis. C'est une sorte de cyber-Pearl Harbor, vous ne trouvez pas?", demande-t-il.

- 'Pas les mots pour décrire' -
Pour Tom Donilon, "d'importantes élections vont avoir lieu en Europe en 2017, c'est là un avant-goût du genre de menace dont l'Europe doit se méfier à l'avenir" et "il y a des signes qui montrent que ça a déjà commencé".

Des dirigeants du Vieux continent ont déjà fait part de leur inquiétude: début décembre le directeur du renseignement intérieur allemand, Hans-Georg Maassen, a évoqué une campagne de piratages et de désinformation dirigée par Moscou afin de "déstabiliser" l'Allemagne.

Et le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg se dit "extrêmement inquiet" de la hausse de 60% l'an dernier des cyber-attaques contre l'Alliance. La question de la cyber-défense tiendra d'ailleurs une place importante lors du prochain sommet de l'Otan à Bruxelles en 2017, selon lui.

"Le 11 septembre 2001 et Al Qaïda nous ont appris ce qu'était la guerre asymétrique", ajoute Moises Naim, du Carnegie Endowment for International peace. "Maintenant WilkiLeaks et le Kremlin nous apprennent ce qu'est la cyber-guerre asymétrique. Désormais, les cyber-attaques ont des conséquences politiques".

"Les démocraties libérales sont désavantagées dans les cyber-conflits", ajoute-t-il. "Les régimes autocratiques et les dictateurs ont davantage de capacités. Si vous regardez la liste des cibles de cyber-attaques, ce sont pour la plupart des démocraties libérales. Nous devons nous adapter: nous n'avons même pas les mots pour décrire exactement ce qui est en train de se passer et comment réagir. Les menaces, les potentialités, les victimes changent toutes les quinze minutes".

Pour les experts, les démocraties libérales ne consacrent pas assez de ressources à leurs cyber-défenses. "Nous devons et pouvons faire beaucoup mieux", conclut Tom Donilon.

Rédigé par () le Vendredi 20 Janvier 2017 à 05:35 | Lu 533 fois