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Crash d'Air Moorea : les victimes réclament 2,4 milliards au civil en attendant le procès au pénal


Jeudi à l'issue de l'audience sur les intérêts civils du crash d'Air Moorea. Les victimes demandent plus de 2,4 milliards Fcfp de préjudice moral.
Jeudi à l'issue de l'audience sur les intérêts civils du crash d'Air Moorea. Les victimes demandent plus de 2,4 milliards Fcfp de préjudice moral.
PAPEETE, 26 février 2015 – Les avocats des proches des victimes du crash d’Air Moorea ont demandé un peu plus de 2,4 milliards Fcfp de préjudice, ce jeudi à l’audience sur les intérêts civils liés à la catastrophe qui avait coûté la vie à 20 personnes en août 2007. Le jugement sera rendu le 1er avril. Un procès au pénal pourrait avoir lieu début 2016.

Le jeudi 9 août 2007 vers midi, le Twin Otter DHC6-300 immatriculé F-OIQI de la compagnie Air Moorea qui assurait la liaison Moorea-Papeete s'est abîmé en mer une minute après son décollage. Les dix-neuf passagers et le pilote n'ont pas survécu à l'accident ; ils ont eu 18 secondes pour constater le caractère inéluctable de leur fin.

Sept ans et demi après le crash, la première évocation en justice de la catastrophe aérienne aura été, jeudi, un débat visant à évaluer le montant du préjudice moral et psychologique que sont en droit de demander les proches des victimes. Des indemnisations dont la charge incombe à la compagnie d’assurance Axa.

Toutes les personnes présentes à l'audience civile ont, un autre jeudi d'août 2007, été confrontées à l'effroi de la perte brutale et irrémédiable d'un proche : préjudice d’affection ; dommages psychologiques ; préjudice permanent et exceptionnel ; préjudice d’angoisse ; préjudice d’attente et d’inquiétude ; préjudice de perte d’aide et d’accompagnement. "Nous avons expliqué au président du Tribunal que chaque victime devait avoir droit à réparation de tous ces dommages", a souligné Me Lienhard à l’issue d’une audience civile lors de laquelle avec son confrère, Me Montigny, ils venaient de justifier à la barre la demande d’un peu plus de 20 millions d’euros (2,4 milliards Fcfp) de dommages et intérêts pour les victimes et leurs ayants-droits.

De l’autre côté de la barre, pour justifier les propositions d’indemnisation faites par Axa et refusées par les victimes, l’avocat de la compagnie d’assurance s’est appuyé sur les critères d’indemnisation du préjudice moral appliqués pour indemniser les victimes de l’accident du Mont Saint-Odile, près de 100 fois inférieures. "Leurs propositions étaient insuffisantes sur les montants et sur les postes et elle ne tient pas compte des nouveaux préjudices", a contesté Me Lienhard avant d’insister : "La jurisprudence évoquée du Mont Saint-Odile est aujourd’hui ancienne. Il y a eu des avancées en matière aérienne. Et ce que nous demandons ici est actualisé par rapport à ces nouvelles jurisprudences et notamment par la décision rendue la semaine dernière par le Tribunal d’Aix-en-Provence dans le crash de la Yemenia Airways (au large des Comores, en juin 2009, NDLR). Il y a 20 ans des principes ont sans doute été posés ; mais depuis 20 ans les juges ont amélioré la mise en œuvre, beaucoup plus fine, de la réparation".

Procès pénal fin 2015, début 2016

S’ajoutent aux demandes de réparation des victimes, les prétentions de deux tiers payeurs pour leur préjudice économique : la Caisse de prévoyance sociale pour le remboursement de 400 millions Fcfp de frais de prise en charge engagés consécutivement à la catastrophe ; et la Commission européenne pour le paiement de 4 millions d’euros (479 millions Fcfp) de pensions de réversion aux ayants-droits de deux fonctionnaires de l’Union européenne victimes du crash. Le Tribunal pourrait surseoir à statuer, sur ce dernier point, en attendant que la justice fixe les responsabilités pénales.

Le jugement est mis en délibéré et sera rendu le 1er avril prochain.

Mais dans ce dossier, les familles attendent surtout depuis bientôt huit ans le renvoi en correctionnelle des personnes inquiétées en termes de responsabilité. Ce procès au pénal pourrait au mieux avoir lieu fin 2015 et "raisonnablement au premier semestre 2016", a estimé Me Montigny, jeudi.

Le rapport du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) communiqué en décembre 2008 a établi que "l’accident est dû à la perte de contrôle en tangage de l’avion consécutive à la rupture à faible hauteur du câble à cabrer de la commande de profondeur, au moment de la rentrée des volets". Ce rapport a mis en évidence plusieurs problèmes liés aux procédures et à la fréquence des opérations de maintenance observées par la compagnie Air Moorea sur cet avion. Autant d’éléments mettant en cause la responsabilité des dirigeants de la compagnie aérienne et des autorités de contrôle de l’époque, notamment de l’Aviation civile. Sept personnes ont été mises en examen dans ce dossier.

"Qu’ils viennent au moins demander pardon aux familles ; mais là, je ne les vois pas dans la salle", s’est indignée visiblement très émue Marthe Taputuarai, à l'issue de l'audience sur les intérêts civils. Elle a perdu son fils de 38 ans lors du crash. La blessure est encore vive. "Sept ans et demi, c’est long ! Il faut que ça finisse. Lorsque j’entends qu’un avion a eu un accident dans un autre pays, ça me fait mal. Je me dis : « Oh, là là ! C’est à leur tour maintenant de souffrir. Des cas comme ça, on ne peut pas oublier", finit-elle en sanglots. "On ne peut pas oublier ça ! On ne peut pas oublier..."

Si l’évocation d’un dédommagement pécunier des victimes de cette catastrophe aérienne représente une première étape dans le processus de reconnaissance judiciaire du traumatisme qui les a frappés, elles attendent depuis bientôt huit ans le procès des responsables d’une douleur existentielle qui ne s’effacera peut-être jamais.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 26 Février 2015 à 17:41 | Lu 2316 fois