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Carnet de voyage - Annonacées : des fruits gourmands dans votre jardin


Sur le même cliché, des rollinia et de pommes cannelles, certainement les meilleurs fruits des Annonacées
Sur le même cliché, des rollinia et de pommes cannelles, certainement les meilleurs fruits des Annonacées
PAPEETE, le 11 janvier 2018. La saison des pommes cannelles a commencé en décembre ; une bonne raison de vous emmener en balade cette semaine pas bien loin, dans votre jardin, afin de vous aider à mieux connaître la famille à laquelle est rattaché ce fruit sucré et parfumé, celle des Annonacées. Gros plan sur des arbres de taille modeste, qui ne prennent pas beaucoup de place et qui produisent en quantité.

Une centaine de genres, deux mille espèces, des formes très variées (arbres, arbustes, lianes), la grande famille des Annonacées comprend des plantes rustiques, cataloguées comme étant très primitives. Rassurez-vous, chez nous, il n'y en a que quelques espèces et ce sont les meilleures. La preuve, suivez-nous pour une découverte gourmande.

La pomme-cannelle

Annona squamosa
Tapotapo


C'est le fruit le plus apprécié de la famille des Annonacées ; on le trouve au marché de Papeete le dimanche de décembre à avril. La pomme cannelle doit être récoltée à maturité, lorsque les interstices entre ses “écailles” commencent à jaunir. Le fruit est encore dur mais peut-être cueilli, il mûrira en deux ou trois jours et se mangera à la petite cuillère.

Le missionnaire Ellis passe pour avoir introduit ce fruit, originaire d'Amérique centrale, en Polynésie en 1817. L'arbuste doit absolument être maintenu par une taille régulière, tous les deux ans par exemple. Il ne dépasse guère huit mètres de hauteur si on le laisse pousser sans le contrôler, mais une hauteur de trois ou quatre mètres, avec une densité de branches plus forte, est bien suffisante et permet des récoltes faciles.

La fleur est assez peu esthétique et passe quasi inaperçue ; la floraison est étalée dans le temps (sur trois ou quatre mois) ce qui permet à l'arbre de produire durant le même laps de temps des fruits de cinq à dix centimètres de diamètre, extrêmement sucrés, emplis d'une pulpe blanchâtre très douce parsemée de nombreuses graines ; celles-ci, une fois râpées très finement, produisent un insecticide biologique très efficace contre les invasions de fourmis, blattes, cafards (la poudre obtenue doit être répandue soigneusement tout autour de la maison).

Si vous aimez préparer de délicieux desserts, extrayez la chair blanche des fruits, passez-la au mixeur et vous obtiendrez la matière première de subtils jus de fruits, sorbets ou glaces.

Le rollinia ou biriba

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Rollinia deliciosa

Appelé aussi biriba, le rollinia est incontestablement le fruit qui monte au marché de Papeete où l'on en voit -et c'est tant mieux- de plus en plus souvent, notamment en mars et en avril.

S'il fallait le décrire, nous pourrions qualifier le rollinia de “pomme cannelle géante”, dans la mesure où le rollinia est beaucoup plus gros et volumineux, puisqu'il peut facilement dépasser un kilo pour un diamètre de 15 à 20 centimètres. Le fruit, à maturité, est d'un beau jaune, mais pour le dégustez, attendez que les protubérances qui le recouvrent se teintent de noir. Vous sentirez sous vos doigts que la chair devient moins ferme ; c'est le moment de le couper en deux et d'en savourer la pulpe blanche parsemée de petites graines noires curieusement plus petites que celles de la pomme cannelle.

A notre humble avis, et ce n'est qu'un avis, le rollinia est bien meilleur encore que la pomme cannelle et sa taille permet de rassasier les gourmands. De cette pulpe si douce et si homogène, on tire également des jus de fruits, des glaces ou des sorbets.

Le rollinia, qui se multiplie à Tahiti ces dernières années, est un arbre de taille moyenne, six à dix mètres. Exactement comme le pommier cannelle, il demande à être taillé pour demeurer dans des proportions raisonnables d'autant que son gros fruit n'est pas forcément facile à cueillir s'il est trop haut perché.

Indubitablement, le meilleur des investissements dans un verger.

Attention toutefois à vos rollinias ; l'arbuste est plus exigeant en terme de qualité de terrain et surtout d'arrosages que le pommier cannelle. Mais ces quelques efforts seront largement récompensés par la récolte de ces fruits savoureux…

Le corossol

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Annona muricata
Torara


Appelé aussi anone ou cachiment, le corossol est un fruit extraordinairement parfumé. Comme les autres Annonacées que nous évoquons dans cet article, il est originaire d'Amérique latine. La taille des corossols varie en fonction de l'entretien apporté au corossolier, les plus gros fruits dépassant 30 centimètres de longueur, pour un poids de 2,5 kilos. Là encore, l'arbre peut très vite partir “en live” s'il n'est pas régulièrement taillé ; sur un terrain bien drainé, votre corossolier aura besoin d'arrosages et d'apports d'engrais réguliers. Vous serez récompensé de vos efforts par sa production, qui s'étale sur toute l'année, ce qui est très appréciable (en saison sèche, le corossolier ne maintiendra sa production de fruits que s'il est arrosé).

Ecorce, feuilles, fruits, tout dans le corossolier se prête à des usages médicinaux, mais attention aux supposées vertus anti cancer du fruit : aucune étude sérieuse, malgré ce que l'on peut lire sur internet, n'a jamais prouvé que le corossol permettait d'enrayer et de combattre efficacement le cancer.
En revanche, et il est bon de le savoir, le corossol fait l'objet d'une étroite surveillance dans la zone Caraïbe où il est parfois consommé abondamment ; les alcaloïdes contenus dans le fruit (et plus généralement dans la plante) peuvent provoquer un dysfonctionnement neuronal et la dégénérescence conduisant à des symptômes de la maladie de Parkinson. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a émis, de son côté, une notre de synthèse en avril 2010 sur la dangerosité potentielle des corossols (et plus généralement des Annonacées) dans la survenue de la maladie de Parkinson. Il en ressort que rien n'est officiellement prouvé et que les quantités absorbées à partir desquelles le corossol pourrait présenter un danger ne sont pas déterminées.

En plus clair, savourez des corossols de manière raisonnable et vous ne risquerez rien, mais n'en faites pas votre dessert quotidien.

Le cœur de bœuf

Annona reticula
Tapotapo, pua'atoro


Le cœur de bœuf, corossol réticulé, est le moins “glamour“ des fruits que nous proposent les Annonacées. Comme son nom vernaculaire l'indique, il ressemble à un gros cœur, vaguement rougeâtre à maturité, et comme facetté (pas de pointes comme sur le corossol ou le rollinia). Le fruit peut atteindre près d'un demi-kilo. La chair blanche renferme un grand nombre de graines, mais il faut bien l'avouer, le cœur de bœuf est loin d'avoir la saveur de la pomme cannelle ou du rollinia. De fait, il est de moins en moins répandu et n'est pour ainsi dire plus planté dans les jardins modernes.

Pour les inconditionnels, mentionnons que la taille de l'arbre reste modeste (une dizaine de mètres) mais que, comme pour le pommier cannelle, si vous voulez un arbuste à feuillage dense et des fruits faciles à cueillir, il vous faudra user du sécateur et de la cisaille régulièrement.

Le chérimolia

Annona cherimolia

Pour mémoire, nous faisons aussi figurer dans cette rubrique le chérimolia (ou chérimole, ou chirimoya), très peu répandu dans nos archipels et qui se plait plus aux Australes qu'à Tahiti.

Ce fruit est sans doute le meilleur de tous les fruits d'Annonacées, et c'est en Amérique latine, au Chili notamment, dans un climat subtropical à méditerranéen qu'il est intensément cultivé, pour la fabrication du plus délicieux des jus de fruits. Le chérimolia avait été introduit à Tahiti en 1846 par l'amiral Legoavant.

Les gros chérimolias peuvent peser plus de 700 grammes. Cueillis verts, ces fruits peuvent se conserver, un peu comme les kiwis, de longues semaines dans des chambres froides. En revanche, ils mûrissent ensuite très vite à température ambiante.

L’ylang ylang

Cananga odorata
Motoi


Voici, en marge des Annonacées à fruits déjà cités, un autre membre de cette famille et pas n'importe lequel puisque l'ylang ylang a une utilisation essentielle dans l'industrie cosmétique et les parfums.

En Polynésie française, malheureusement, apparemment personne n'a jamais appris à tailler les ylangs ylangs et les arbres, généralement abandonnés à leur sort, ne cessent de grandir pour devenir aussi encombrants que peu attractifs puisque leurs inflorescences se retrouvent vite à plusieurs mètres au-dessus du sol, donc inaccessibles. En Polynésie, il n'est pas rare de rencontrer, au hasard de ses promenades, des ylangs ylangs de plus de vingt mètres de hauteur, parfois dépassant même trente mètres. Sachez qu'en réalité, partout où cette plante est exploitée rationnellement, l'ylang ylang, parce que sans cesse taillé, ne dépasse pas deux à trois mètres de hauteur, ressemblant presque à une treille. Ses fleurs sont alors parfaitement accessibles et sont donc très aisément cueillies.

On appelle cette taille l'écimage, opération constamment pratiquée à Mayotte, aux Comores et à Madagascar, l'océan Indien étant devenu le premier producteur d'huile essentielle d'ylang ylang, tirée des fleurs cueillies à l'aube.

L'ylang ylang est originaire d'Indonésie, alors que toutes les Annonacées précédemment citées étaient originaires de l'Amérique centrale ou tropicale.
Les fleurs évoluent ensuite en une infrutescence composée de plusieurs fruits charnus, des baies de couleur vert foncé d'environ 4 cm de longueur, oblongs ou pyriformes, non comestibles, groupés par 6 à 8.

La taille se fait en général trois fois par an et il convient également d'éliminer tous les “gourmands” prenant naissance au pied de l'arbre. L'ylang ylang taillé et écimé sera un trésor dans vos jardins, d'autant qu'il est très rustique et qu'il s'adapte à une très large gamme de sols, allant du sablonneux à l'argileux. Enfin, si vous avez déjà un ylang ylang trop grand et trop haut, n'hésitez pas à le tronçonner à un mètre du sol. Il émettra alors des rejets que vous pourrez contrôler.

Gros plan sur l’étrange fleur du corossolier

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Souvenez-vous que les graines des Annonacées, râpées très finement, constituent un excellent insecticide.

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Des plantes peu difficiles

Les Annonacées que l'on trouve en Polynésie française sont des arbres ou des arbustes robustes, qui supportent parfaitement bien de vivre dans des terrains pauvres et faisant l'objet d'arrosages occasionnels. N'importe quel corossollier ou plus encore pommier-cannelle (appelé aussi attier) parviendra à survivre aux longues sécheresses de l'hiver austral, sur des sols arides, mais bien entendu, la production de fruits s'en trouvera altérée.

Pour vos Annonacées, quelques conseils nous semblent utiles afin d'optimiser la production. En premier lieu, évitez les terrains trop argileux où l'eau a tendance à stagner. Vos Annonacées n'aiment pas vivre les pieds dans l'eau et ne sont pas des fervents amateurs d'humidité. En second lieu, sur des terrains en hauteur, avec du “mamu”, n'hésitez pas, avant de planter le pied que vous venez d'acheter, à creuser un trou bien plus large, pour enrichir ce qui sera l'environnement immédiat des racines de vos arbres ou arbustes. Au fond du trou, placez des billes absorbantes ou un mélange de sable et de débris de corail, avant d'enrichir le “mamu” avec un mélange de terre, de compost et de terreau.

Les Annonacées sont des plantes sobres, certes, mais aussi volontiers gourmandes et si vous enrichissez le sol en fertilisants naturels ou en engrais chimiques, leur croissance s'en trouvera nettement améliorée. Plutôt que de tapisser d'engrais le fond du trou, pensez à apporter ce type de compléments alimentaires régulièrement, notamment au démarrage de la saison de floraison, en octobre-novembre pour les pommes cannelles.

Faut-il les tailler ?

C'est la bonne question que l'on doit se poser si l'on constate que les arbres ou arbustes ont tendance à occuper de plus en plus de place, au détriment des autres plantes de votre jardin et si la récolte des fruits devient trop acrobatique. Naturellement, le pommier cannelle a tendance à se disperser dans l'espace ; ses fruits se forment au bout de branches quasi inaccessibles, le feuillage, jamais très dense, ne présentant aucun intérêt. L'idéal est de tailler ses Annonacées une fois par an, juste après la récolte des fruits, en tous les cas avant la floraison. Cette opération permettra de densifier le feuillage et de conserver aux arbres des tailles raisonnables.

Accompagnez la taille d'apports réguliers en engrais et d'arrosages si le ciel n'est pas généreux, car les Annonacées supportent certes très bien cette remise à niveau, mais elle est un peu traumatisante, et ils ne produiront, l'année suivante, que fort peu de fruits s'ils ne sont pas aidés.








Rédigé par Daniel PARDON le Jeudi 11 Janvier 2018 à 17:00 | Lu 3995 fois