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Carnet de voyage - A Rimatara vole l’oiseau arc-en-ciel


Un petit vini ura a été trouvé blessé au bord d’une route. Recueillie, la petite perruche est aujourd’hui habituée aux humains.
Un petit vini ura a été trouvé blessé au bord d’une route. Recueillie, la petite perruche est aujourd’hui habituée aux humains.
RIMATARA, le 22 novembre 2018. A Rimatara, la plus à l’ouest des îles Australes, règne une star incontestée, une petite perruche dont on estime la population à environ 900 individus, soit autant que d’habitants. Particularité de ce petit oiseau appartenant à la vaste famille des perroquets, il ne vit plus chez nous que sur cette minuscule terre de 9 km2 environ. Et il y est protégé par toute la population, un ennemi étant indésirable, le rat noir…

On entend d’abord une sorte de stridulement léger, aigu, un sifflement saccadé ; il suffit alors de stopper et d’ouvrir les yeux ; seul ou en couple, le lori de Kuhl est tout près, sur une fleur de bananier ou sur un jeune fruit de nono.

L’oiseau arc-en-ciel

L’oiseau ne tient pas en place, il paraît butiner à la manière d’un papillon : sa nourriture est d’ailleurs un peu celle des lépidoptères ; nectar et pollen de fleurs, mais aussi, parfois, petites graines, jeunes bourgeons, voire même, peut-être, de petits insectes.

De la famille des Psittacidae (comme les perroquets), le lori de Kuhl (Vini kuhlii), de son nom vernaculaire français, est appelé vini ura ou plus simplement ura à Rimatara.

Particularité de ce petit volatile de moins de vingt centimètres, sa livrée exceptionnelle qui en fait, à coup sûr et pour paraphraser Lafontaine, « le Phénix des hôtes de ces bois »… Ventre et poitrine affichent un rouge presque carmin, alors que le dessus du corps est dominé par de subtiles nuances de vert, agrémentées sur la nuque et la queue de touches de bleu. Toujours sur la queue, du rouge et surtout du jaune sur le croupion, tandis que l’on distingue du « bleu tanzanite » sur la partie supérieure des pattes. Enfin le bec recourbé est d’un magnifique orange vif.

Bref, l’oiseau arc-en-ciel est d’une étonnante beauté et demeure la proie favorite des chasseurs d’images armés d’un solide téléobjectif.

Traqué pour ses plumes rouges

Problème pour le ura, ses plumes rouges ; depuis toujours, les anciens Polynésiens étaient fascinés par cette couleur et étaient, à ce titre, grands consommateurs de plumes rouges pour les ornements de chefs. Or le ura n’a pas une aire de distribution très vaste : pourchassé à l’extrême, il avait disparu des îles Cook et on ne le trouve plus, chez nous, qu’à Rimatara, seule île (avec Ua Huka) où le rat noir n’est pas présent. En 2007, une quinzaine d’individus ont été réintroduits aux Cook, à Atiu, indemne elle aussi du rat noir, une réintroduction qui a été un succès. On trouve enfin des petites perruches rouges sur Teraina (archipel des Kiribati).

Affirmer que la population de Rimatara est mobilisée pour protéger sa perruche n’est pas un mot vide de sens ; un peu partout, des affiches sensibilisent les habitants et les visiteurs au danger que représenterait l’introduction du rat noir sur l’île ; ce rongeur a la capacité de monter le long du tronc des arbres ; or les ura nichent surtout dans des cavités de hotu ou de falcatas et un tel prédateur aurait tôt fait d’éradiquer la petite perruche. D’ailleurs, pour protéger l’habitat de ces oiseaux endémiques, les arbres comportant des nids et des anfractuosités ont tous été marqués d’un triangle ourlé de rouge, stipulant que l’arbre est l’hôte de vini et qu’il est donc interdit de l’abattre.

Whisky en renfort

Enfin la protection du ura a été renforcée depuis quelques années par l’achat d’un chien spécialisé dans la traque des rats : Whisky, c’est son nom, est présent à toutes les arrivées de bateau et aucun container, aucun colis, aucune palette ne touche terre avant que le chien ait fait son inspection. Sage précaution puisque le ratier découvre, régulièrement, des rats noirs qu’il s’empresse de tuer (Whisky est originaire de Nouvelle-Zélande et a été acheté la bagatelle de 2,5 millions de Fcfp). On comprend que Tiraha Mooroa, son maître, guide de randonnée dans l’île, en prenne grand soin.

Si vous avez la chance de vous rendre sur Rimatara, profitez des plages superbes, des randonnées et des paysages, de la cuisine et de l’artisanat local, mais ne ratez surtout pas les petites perruches, fierté de l’île…

Textes et photos : Daniel Pardon

Combien de ura ?

Selon l’association Manu, qui se consacre à la protection des oiseaux sauvages de Polynésie française, on compterait entre 700 et 1 400 perruches rouges à Rimatara et entre 1 000 et 1 600 à Teraina (Kiribati). Sur Atiu, aux îles Cook, la population actuelle serait d’environ une centaines d’individus.

Sauvé par la reine

Le vini ura, c’était écrit, était condamné à disparaître compte tenu de l’attractivité de ses plumes, mais c’est la dernière reine de Rimatara, Tamaeva V qui a posé un tabu sur l’oiseau en 1900, le sauvant ainsi de l’extinction. La chasse, la vente, l’exportation et toute nuisance envers le petit lori seraient sévèrement punis. L’interdit a été respecté jusqu’à nos jours…

La bonne adresse Séjours dans les îles

Pension UeUe, dans la petite capitale Amaru. Quatre bungalows dans un beau jardin arboré, nourriture locale de qualité.
Séjour vol + 3 nuits à partir de 50 718 Fcfp/pers. En demi-pension

-Toujours à Rimatara
Pension La Perruche rouge, sur les hauteurs, près de l’aéroport. Quatre bungalows, nourriture soignée, à proximité du sommet de l’île (84 m).

Sur un nono perché, la perruche exhibe le rouge de son ventre.
Sur un nono perché, la perruche exhibe le rouge de son ventre.

Le petit ura est gourmand des fleurs de bananiers.
Le petit ura est gourmand des fleurs de bananiers.

Le lori de Kuhl se déplace très souvent en couple.
Le lori de Kuhl se déplace très souvent en couple.

Même les abribus, à Rimatara, sont aux couleurs de la perruche rouge.
Même les abribus, à Rimatara, sont aux couleurs de la perruche rouge.

Whisky est le chien acheté en Nouvelle-Zélande pour barrer la route aux rats noirs.
Whisky est le chien acheté en Nouvelle-Zélande pour barrer la route aux rats noirs.

Tous les arbres où nichent les perruches sont protégés.
Tous les arbres où nichent les perruches sont protégés.

Aux entrées de Rimatara (ici le parking de l’aérodrome), des panneaux informent sur les risques que ferait courir le rat noir à l’île.
Aux entrées de Rimatara (ici le parking de l’aérodrome), des panneaux informent sur les risques que ferait courir le rat noir à l’île.

Le ‘oromao ou rousserolle de Rimatara (Acrocephalus rimitarae) est lui aussi endémique de l’île, mais sa livrée terne ne lui a pas apporté la célébrité du ura.
Le ‘oromao ou rousserolle de Rimatara (Acrocephalus rimitarae) est lui aussi endémique de l’île, mais sa livrée terne ne lui a pas apporté la célébrité du ura.

Fumée purificatrice symbolique à chaque arrivée d’avion à Rimatara, l’île qui veut garder sa pureté.
Fumée purificatrice symbolique à chaque arrivée d’avion à Rimatara, l’île qui veut garder sa pureté.

Rédigé par Daniel PARDON le Jeudi 22 Novembre 2018 à 08:22 | Lu 3109 fois