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CTA, les braises se consument avant l'audience au tribunal administratif


Le 16 avril prochain, plusieurs affaires concernant des demandes des agents du centre technique des appels de Arue seront examinées par le tribunal administratif. Crédit photo : Archives TI.
Le 16 avril prochain, plusieurs affaires concernant des demandes des agents du centre technique des appels de Arue seront examinées par le tribunal administratif. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 10 avril 2024 - En juillet 2023, les agents du Centre de traitement des appels (CTA) étaient montés au créneau contre leurs “conditions de travail déplorables”, allant même jusqu'à déposer plusieurs requêtes devant le tribunal administratif en novembre dernier. Dossiers qui seront examinés mardi prochain. Avant la date fatidique de l'audience, les deux parties tiennent des discours contradictoires. D'un côté, Me Bourion, l'avocat des pompiers, affirme que “presque rien n'a changé”, tandis que de l'autre, le directeur général des services de Arue, commune où est implanté le CTA, assure que “les choses ont bien évolué”.
 
Les pompiers du Centre de traitement des appels, basé à Arue, vont bientôt être fixés sur leur bras de fer engagé l'année dernière avec la commune de Teura Iriti, qui gère ce service. En effet, en juillet 2023, Tahiti Infos avait révélé le malaise des soldats du feu du CTA, qui, lassés de leurs “conditions de travail déplorables”, ont engagé un avocat, Me Bourion, pour tenter de bousculer la mairie afin de rétablir un environnement professionnel “décent”, chose essentielle pour un centre qui gère les appels d'urgence des communes de Arue, Pirae, Punaauia et Hitia’a, soit plus de 50 000 personnes. Ainsi, par l'intermédiaire de Me Bourion, cinq des dix pompiers professionnels du CTA ont fait parvenir trois mises en demeure, par huissiers, restées “sans réponse”, avant de déposer formellement des requêtes devant le tribunal administratif de Papeete. Des demandes qui seront donc examinées par le tribunal dans quelques jours, le 16 avril prochain.
 
On demande plusieurs choses. D'abord de reconstituer la carrière de certains pompiers, d'enjoindre la mairie de prendre de nouvelles dispositions pour réorganiser le temps de travail des agents, d'enjoindre toujours la commune à instaurer des indemnités spécifiques venant récompenser le travail les dimanches et jours fériés, les primes de panier repas... On a aussi déposé une injonction pour qu'il prenne en urgence toutes les mesures utiles aux risques professionnels, psychologiques ou physiques”, détaille pour Tahiti Infos Dominique Bourion. Selon lui, rien n'a bougé depuis la montée au créneau des agents en juillet dernier et depuis le dépôt des requêtes. “Il y a eu quelques micro-réunions, avec de micro-changements... mais sur le plan pratique, on n'a rien eu de ce que l'on a demandé. Presque rien n'a changé, c'est fou. Il y a toujours un manque d'effectif, une mauvaise organisation du temps de travail, un non-paiement des heures supplémentaires, des congés pas soldés. Mais également un problème d'installation avec des locaux pas adaptés, bruyants...”, révèle l'avocat, également bâtonnier du barreau de Papeete.
 
Arue sort la lance à incendie
 
Du côté de la commune de Arue, si l'on attend avec décontraction l'audience imminente et la décision du tribunal administratif, on réfute totalement les déclarations de l'avocat de la partie adverse. “Ce n'est pas vrai, il y a des choses qui ont bien évolué. Il n'y a quasiment plus de gardes avec une personne, on a installé du nouveau mobilier, on a changé l'organisation. Pour les effectifs, on vient de recruter sept nouveaux sapeurs-pompiers volontaires qui vont renforcer l'équipe”, nous affirme le directeur général des services (DGS) de la mairie, John Toromona, que nous avons rencontré ce mercredi et qui est formel sur ce point-là : “Nous n'avons pas attendu la décision du tribunal pour agir.” D'autant que pour lui, la plupart des requêtes déposées par les pompiers ne relèvent pas de sa compétence. “Ils contestent le fait, par exemple, qu'ils n'ont pas suivi de formation, mais c'est le CGF (centre de gestion et formation, NDLR) qui s'occupe de ça, ce n'est pas de compétence communale. On nous reproche aussi de ne pas les avoir fait évoluer dans leur carrière, mais là encore, la sécurité civile, c'est très particulier, il y a des prérequis, comme des formations obligatoires, qui n'ont pas pu être mises en place par le CGF.”
 
La situation qui entoure le CTA est donc extrêmement floue avec, d'un côté, John Toromona, qui n'hésite pas à affirmer qu'en interne, tout “est en train de changer” au CTA – considérant même “qu'aujourd'hui, les agents ne déposeraient aucune requête. Si la procédure est encore en cours, c'est une question financière, car ils veulent désormais se faire rembourser leurs frais d'avocat” – et de l'autre, Me Bourion, porte-parole de ces pompiers, qui lui n'hésite pas à attester “qu'ils sont en déprime, ils en ont ras le bol de ne pas se sentir considérés. Ils sont vraiment mal traités.”
 
Attention au retour de flamme
 
Un imbroglio qui, au-delà d'une simple querelle interne, impacte les projets d'évolution globaux du CTA, qui est à l'heure actuelle un “simple” service communal. En effet, après avoir reçu une subvention de 30 millions de francs de l'État l'an passé, et rien de la Polynésie, la volonté de la commune est de faire passer le centre en établissement public d'incendie et de secours (Épics), qui serait donc administré par le Pays. “On voudrait rassembler les communes, toutes celles de Polynésie. Le CTA ne devrait d'ailleurs pas fonctionner en communal, en métropole ça ne l'est pas par exemple. Il devrait évoluer en Épics. La Direction de la protection civile approuve d'ailleurs ce projet. On est arrivé à une situation où les quatre communes associées ne peuvent plus porter ce centre d'appels”, confie John Toromona, “mais on a de vraies difficultés à convaincre les communes, et ce genre de requête au tribunal administratif n'aide pas”. La situation énoncée par le DGS de Arue porte donc une lourde responsabilité sur le Pays quant au maintien à long terme d'un CTA en Polynésie, qui est un service de secours essentiel, permettant de coordonner les différents services et de répondre efficacement aux urgences, souvent vitales. Si le CTA venait à disparaître, la Polynésie serait la seule collectivité d'outre-mer à ne pas être dotée d'un centre d'appels d'urgence.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 10 Avril 2024 à 17:06 | Lu 2780 fois