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Assises : Un meurtrier récidiviste au profil inquiétant face aux jurés


L'arme du crime : c'est avec ce marteau que l'accusé Sébastien T. avait fracassé le crâne de sa victime.
L'arme du crime : c'est avec ce marteau que l'accusé Sébastien T. avait fracassé le crâne de sa victime.
PAPEETE, le 22 février 2017 - L'accusé, qui a déjà purgé dix ans de prison pour sa participation à l'assassinat sanglant d'un commerçant de Raiatea en 1995, comparait cette fois pour le meurtre de son cousin, Loïc, dont il avait explosé la tête à coups de marteau sans mobile apparent, en juin 2015, et toujours sur son île. Son procès, sur deux jours, s'est ouvert ce mercredi.


Sébastien T., 42 ans, a bien tué son cousin un triste jour de juin 2015 à Raiatea. Et comme il faut. Cinq coups de marteau de chantier en pleine tête. Les deux premiers alors que sa victime était encore debout, les trois autres alors qu'elle était à terre. Les faits sont reconnus et n'ont jamais été contestés. Mais pourquoi ? Et pourquoi un tel acharnement ? C'est la question à laquelle la cour d'assises a tenté de répondre, ce mercredi, au fil du premier jour du procès de cet intriguant quadragénaire. Sans trop de succès.

Car savoir ce qu'il se passe dans la tête de Sébastien T. est compliqué. Le teint blafard, un regard un peu fou qu'on n'a pas envie de croiser et sans émotion apparente dans le box des accusés, il lui arrive aussi de se laisser aller à de brefs éclats de rire, en total décalage avec la gravité des questions que la cour lui pose. Sébastien souffre de schizophrénie. S'il est a priori pénalement responsable de ses actes d'après les experts, sa pathologie lui confère néanmoins des "récits vides de toute logique", "des discours sans fil conducteurs", ou "de persécution", "des délires qui lui ont fait acquérir la croyance absolue que sa victime voulait lui nuire, pouvait l'influencer".

Mauvais délires

Le jour du drame, Sébastien terminait d'aider son cousin Loïc dans la finalisation de la construction d'un cabanon de fortune que le malheureux devait occuper. Les deux hommes n'avaient a priori aucun contentieux majeur. Mais pour une raison qui reste encore nébuleuse, l'accusé s'était soudainement emparé d'un marteau de charpentier qu'il utilisera cinq fois pour frapper sa victime à la tête. De condition modeste, et vivants isolés l'un comme l'autre, il avait fallu attendre plusieurs jours que la famille s'inquiète de la disparition de l'un et de l'autre pour lancer l'enquête de gendarmerie.

Sébastien s'en était allé traîner du côté de Bora Bora tandis que le corps du défunt croupissait sur les lieux du crime à Raiatea où il n'avait été retrouvé, en état de décomposition avancé, qu'une quinzaine de jours plus tard. Interpellé dans la foulée par les gendarmes à Bora Bora, Sébastien, d'abord considéré comme un témoin clé du dossier, allait rapidement se retrouver en garde à vue après avoir reconnu, dans un grand calme qui a marqué l'enquêteur, "avoir réglé son compte" à la victime".

Une proposition "malhonnête" ?

Depuis lors, Sébastien multiplie les versions et les délires. Prétendant un jour avoir entendu des voix qui lui demandaient de supprimer ce cousin et sa "mauvaise énergie" sur fond de sorcellerie, le quadragénaire allait raconter le lendemain l'avoir malencontreusement frappé à la tête alors qu'il faisait des étirements… le marteau à la main. Fidèle à lui-même, ou à sa pathologie, l'accusé s'est une nouvelle fois renié en moins de dix minutes ce mercredi à l'audience.

Après avoir juré que sa dernière version en date était la bonne, à savoir qu'il aurait réagi à une provocation de sa victime qui lui aurait donné deux coups de poing au ventre alors qu'il plantait un clou, Sébastien a emboité le pas de l'avocat général qui, lui, suggérait qu'il faille peut-être chercher du côté de la sexualité sans tabou de Loïc pour entrevoir une explication à ce geste fou : "Vous avez dit que Loïc vous parlait souvent de ses expériences sexuelles et que ça vous énervait, il vous a fait des propositions malhonnêtes ? C'est pour ça que vous vous êtes acharné sur lui ? Pouvez-vous nous dire pourquoi vous l'avez tué ce soir-là, la famille est là, elle a besoin de savoir". "Non, je ne sais pas", susurrera Sébastien avant de valider cette nouvelle hypothèse cinq minutes plus tard, à la surprise générale : "Oui, il voulait coucher avec moi ce soir-là, ce n'était pas la première fois et je ne l'ai pas supporté".

Pour approfondir cette ultime piste de réflexion, les jurés pourront se référer aux conclusions de l'expert-psychiatre qui a décelé chez l'accusé une "personnalité ambivalente" notamment sur le champ sexuel, "qui rejette l'homosexualité" mais refoulerait lui-même des orientations de cette nature.

Déjà condamné par une cour d'assises pour l'assassinat en bande organisée d'un commerçant de Raiatea en 1995 (lire ci-dessous), Sébastien avait laissé entendre au cours de l'instruction qu'ils avaient pu agir ainsi car ils suspectaient leur victime de "pédophilie". Le procès s'achève demain jeudi. Sébastien T. encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour récidive de meurtre.



En 1995, un commerçant étranglé et poignardé à Uturoa

Renvoyé devant la cour d'assises de la Polynésie française pour récidive de meurtre, Sébastien T. avait été condamné à 16 ans de réclusion criminelle en 1997 pour l'assassinat d'un commerçant de Raiatea dans son arrière-boutique de Uturoa, le 11 mai 1995. Il avait agi avec la complicité et à l'initiative de son frère et de deux autres individus, eux aussi condamnés.

Habillés en militaires, les quatre hommes avaient réglé son compte à la victime en l'étranglant et en le poignardant à la gorge à six reprises avec un Opinel. Le mobile crapuleux n'a pas été clairement établi et les deux frères ont laissé entendre avoir agi de la sorte pour punir un homme qu'ils accusaient d'actes de pédophilie.


Rédigé par Raphaël Pierre le Mercredi 22 Février 2017 à 19:02 | Lu 5722 fois