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Anne Akrich, l'écrivaine polynésienne qui monte


Anne Akrich dédicace son livre à sa sœur Kim, qui est photographe au fenua.
Anne Akrich dédicace son livre à sa sœur Kim, qui est photographe au fenua.
PAPEETE, le 12 janvier 2017. Anne Akrich vient de publier "Il faut se méfier des hommes nus". Un roman salué par la critique. Elle y raconte l'histoire d'une demie polynésienne qui revient à Tahiti pour écrire un synopsis sur la vie de l'acteur Marlon Brando.

Dans son deuxième roman, « Il faut se méfier des hommes nus », Anne Akrich, qui fêtera bientôt ses 31 ans, a choisi deux grands personnages : la star hollywoodienne Marlon Brando et Tahiti. Cet ouvrage de 300 pages raconte l'histoire de Cheyenne. Comme Anne Akrich, sa mère est polynésienne et son père tunisien. "Comme elle, j'ai aussi travaillé pour le cinéma", décrit Anne Akrich. "Il y a beaucoup de vrai mêlé à beaucoup de faux."

Cheyenne est chargée d'écrire un scénario sur la vie de Marlon Brando et doit retourner à Tahiti où elle est née. Anne Akrich raconte alors avec justesse l'image connue de Marlon Brando et de Tahiti mais dévoile aussi les aspérités moins connues du grand public de ses deux personnages, Marlon Brando et Tahiti. En revenant sur son île natale, Cheyenne va aussi se retrouver confrontée à un traumatisme qu'elle avait probablement essayé d'oublier en partant d'abord à New York puis à Paris.

L'ouvrage d'Anne Akrich a reçu de nombreux critiques positives par les journalistes littéraires depuis sa sortie au début du mois. La jeune Polynésienne avait été lauréate en 2015 de la bourse écrivain de la Fondation Jean-Luc Lagardère pour pouvoir écrire ce livre. "Son ouvrage est inclassable. Il relève du roman naturaliste, de la biographie, du livre de voyage, et montre la grande connaissance qu'a l'auteure du milieu du cinéma", écrit Jérôme Béglé dans Le Point.
Pour écrire son livre, Anne Akrich est revenue à Tahiti pour se documenter et s'est aussi plongée dans tous les ouvrages sur Marlon Brando et a regardé tous ses films. Puis, "comme une étudiante, lorsque j'écris, je vais travailler à l'Académie française, dans la bibliothèque Mazarine. J'y travaille de 10 à 18 heures."

Pourtant rien ne prédestinait Anne Akrich à devenir une grande écrivaine. Quand elle était petite, les livres ce n'était pas son truc. Ses parents la forçaient à lire. "Je suis une non-lectrice contrariée", souligne-t-elle. A 12 ans, elle arrive pour vivre au fenua avec ses parents et ses deux sœurs. "J'étais très contente de venir vivre à Tahiti. J'y venais déjà régulièrement pour passer les vacances. Pour moi, Tahiti c'était ma famille que j'adorais et des bons moments." Mais à cette époque, pas d'internet. La jeune adolescente s'ennuie et se plonge alors dans la lecture. "Je lisais les livres du programme scolaire : Maupassant, Flaubert, Balzac… Puis je me suis intéressée à autre chose, aux auteurs contemporains. J'ai découvert que la littérature pouvait aussi parler du monde d'aujourd'hui. D'ailleurs, à ceux qui lisent peu, je conseille de lire des romans de Bret Easton Ellis." Anne Akrich quitte ensuite Tahiti pour faire des études littéraires à l'âge de 17 ans.

Parmi ses derniers coups de cœur, Anne Akrich cite Tropique de la violence de Nathacha Appanah, Double Nationalité, de Nina Yargekov, et les derniers ouvrages de Virginie Despentes.
Anne Akrich prépare déjà son prochain romain. "Ce sera une saga familiale qui racontera l'histoire de deux familles entre la France et l'Algérie." L'écrivaine prévoit ensuite de situer son ouvrage suivant au fena. "Le cadre de la Polynésie intéresse énormément. Tahiti reste un lieu très fascinant. Même quand on en vient, c'est très intéressant", indique-t-elle. "Marlon Brando est une figure imposante. Avec 300 pages, je n'ai pas eu suffisamment de place pour Tahiti, il y a encore beaucoup à dire." En attendant, on lit avec plaisir ce roman qui alterne entre l'histoire de Cheyenne et le scénario que celle-ci élabore. Une construction intéressante. Un livre qui se lit d'une seule traite.

"Il faut se méfier des hommes nus", d’Anne Akrich. Julliard.


Morceaux choisis

"Je portais gentiment mon prénom, comme une dizaine d’autres petites filles sur l’île et tout allait bien tant que Cheyenne était la jolie petite fille de Marlon Brando et de Tarita Teriipaia, sa compagne polynésienne. Brando l’avait rencontrée sur le tournage des Révoltés du Bounty et il est, pour dire les choses simplement, tombé amoureux tout autant de la femme que de son île. Selon l’adage optimiste, à l’amour succède toujours la catastrophe, ça n’a pas loupé. Leur fille, Cheyenne, s’est suicidée quand elle avait vingt- cinq ans."

"Au lieu de me remplir de joie, d’émotion ou de je ne sais quel bonheur, l’idée de retrouver mon île natale me fait ressentir un sentiment typiquement tahitien. Je suis fiu.
Fiu. Adjectif invariable. Mot polynésien. Être fiu, être en proie à une grande lassitude ; en avoir assez.
On ne peut pourtant pas dire que j’ai eu une activité débordante aujourd’hui. J’ai considéré la proposition qui m’a été faite, j’ai envisagé la possibilité de retourner à Tahiti, de revoir les miens, j’ai feuilleté des livres sur Brando, j’ai dormi.
Je soupire. Aue tataue ! Quelle lassitude !"

Rédigé par Mélanie Thomas le Jeudi 12 Janvier 2017 à 13:13 | Lu 9551 fois