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Air Tahiti : les rotations vers Moruroa menacées par une grève des PNC


Depuis juin dernier, Air Tahiti effectue une rotation hebdomadaire à destination de Moruroa pour le compte de l'Economat des Armées, dans le cadre du chantier Telsite 2.
Depuis juin dernier, Air Tahiti effectue une rotation hebdomadaire à destination de Moruroa pour le compte de l'Economat des Armées, dans le cadre du chantier Telsite 2.
PAPEETE, 6 octobre 2015 - Le syndicat maison des personnels navigants commerciaux de la compagnie Air Tahiti doit poser mercredi un préavis de grève concernant la rotation sur l’atoll de Moruroa. En question, les craintes du Spencat sur la possible radioactivité d’échantillons transportés en soute lors de certains vols.

Le syndicat des personnels navigants commerciaux d’Air Tahiti, le Spencat, menace d’appeler à la grève sur le vol hebdomadaire Tahiti-Moruroa si aucun accord n’est trouvé d’ici mardi 13 octobre, zéro heure, avec la direction de la compagnie aérienne sur quatre points de revendication.

La compagnie effectue une rotation chaque mardi en direction de ce site des Tuamotu classé Installation nucléaire intéressant la Défense (Inid). Le Spencat demande à ce que le personnel navigant affecté sur ces vols soit exclusivement planifié sur la base du volontariat ; que les transports d’échantillons de sol en provenance de Moruroa ne soit plus réalisé à bord des vols commerciaux d’Air Tahiti ; que tous les employés participant à ces vols fassent l’objet d’une visite médicale systématique à l'issue ; que des plateaux repas soient prévus pour les deux agents de chargement à l’escale de Moruroa.

Les représentants du Spencat sont attendus mercredi matin par la direction générale d’Air Tahiti pour être "rassurés". "On est disposé à les écouter. On va essayer de les convaincre", explique Manate Vivish, directeur général d'Air Tahiti.

Car pour l’heure, aucune avancée majeure n’est envisagée sur l’essentiel des points de revendication. La direction d’Air Tahiti se refuse à envisager sur le vol Tahiti-Moruroa, une organisation du travail des PNC basée sur le volontariat. Contacté mardi par nos confrères de Radio 1, Joël Allain, le président du conseil d’administration de la compagnie aérienne, a réagi sans détour à ce sujet. "Je n’ai jamais vu une société fonctionner sur la base du volontariat", a-t-il répondu avant d’ajouter : "Je veux bien répondre aux caprices d’enfants gâtés, mais à un moment il y a une limite". Pourtant, apprend-on de source syndicale, les deux agents de chargement embarqués sur chaque rotation à destination de Moruroa sont précisément choisis parce que volontaires. "Les agents de chargement sont employés pour travailler à Tahiti : les déplacer même occasionnellement pose une problématique d'ordre contractuel. C'est normal que nous faisions appel au volontariat", justifie Manate Vivish.

Un gros contrat pour Air Tahiti

Concernant le transport d’échantillons de sol (gravats de soupe de corail, résidus de carottage…), une note d’information adressée au personnel le 18 septembre dernier tente de rassurer : "le COMSUP nous a confirmé que les échantillons de sol transportés ponctuellement en fret sont extraits de zones ayant fait l’objet de contrôle de radioactivité préalables. Ceux-ci sont rapatriés à Tahiti par les entreprises de BTP afin de tester leurs propriétés mécaniques. Ils ne sont pas considérés comme marchandises dangereuses".

"S’il y a bien une chose dont on est sûr, venant de Moruroa, c’est qu’on est sûr de rien", nous indique le conseil juridique de la Spencat. "Je peux comprendre leurs inquiétudes, d’autant que l’on sait que le risque zéro n’existe pas. La question est : le transport de matériaux provenant d’un site à risque comme Moruroa peut-il être confié à un transporteur civil ?"

L’armée a planifié de consacrer, au cours des trois prochaines années, près de 12 milliards Fcfp à la rénovation du système de télésurveillance géomécanique de Moruroa. Opérationnel en 2017, le système Telsite 2 permettra de surveiller les signes d’un possible effondrement partiel de la structure corallienne de cet atoll dans les soubassements duquel ont été tirés 138 essais nucléaires entre 1966 et 1996.

Mais d'ici fin 2017, de gros travaux d’infrastructure et de câblage doivent être réalisés sur place. Entre 130 et 150 personnes sont relevées périodiquement de ce chantier, pour le compte de la dizaine d’entreprises du BTP qui y œuvrent. C’est pour le transport de ce personnel et le traitement de tout le fret avion que la compagnie aérienne Air Tahiti opère une rotation hebdomadaire entre Tahiti et l’atoll de Moruroa, depuis le 2 juin dernier à la demande de l’Economat des Armées.

Elle s’est engagée contractuellement à remplir cette prestation de service jusqu’au 7 janvier 2018, date à laquelle l’accord avec la Défense est susceptible d’être reconduit. Le fret et les passagers sans exception, pour un contrat de trois ans. Et le marché est loin d’être négligeable pour la compagnie : entre 150 et 200 millions Fcfp de chiffre d'affaires annuel, pendant trois ans ; chaque passager à destination de Moruroa serait facturé 1800 euros (215 000 Fcfp) à l’Economat des Armées.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 6 Octobre 2015 à 12:58 | Lu 1850 fois