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À Paea, le permis de construire annulé : une bataille citoyenne qui paie


Les riverains vivaient dans la peur qu’un caillou dévale un jour sur leur maison. ©Tim McKenna
Les riverains vivaient dans la peur qu’un caillou dévale un jour sur leur maison. ©Tim McKenna
Tahiti, le 5 décembre 2025 - Est-ce le drame d’Afaahiti, la persistance des riverains ou simplement un travail de fond des services de l’État ? Le résultat est là : le permis de construire du chantier controversé du PK 26 à Paea vient d’être annulé pour fraude, après huit mois de nuisances et d’alertes répétées de la part des habitants. 
 
Depuis mars, les riverains d’une servitude du PK 26, à Paea, dénoncent un chantier dont le vacarme dépassait régulièrement les 100 décibels. Deux marteaux-piqueurs opéraient en continu, alors que l’arrêté n’en autorisait qu’un seul. Ce qui était présenté comme un simple aménagement de chemin pour un fa’a’apu a rapidement éveillé les soupçons : les habitants y ont vu une extraction commerciale déguisée.
 
Appuyé par la fédération Tāhei ’Auti ia Moorea et le bureau d’études Vetea, le collectif affirme avoir découvert une “sous-évaluation flagrante des volumes” déclarés dans le permis de construire, un élément déterminant qui, selon lui, constituait une fraude. Un courrier a été adressé à plusieurs autorités, exigeant l’annulation du permis.
 
Pour Tim McKenna, l’un des porteurs du collectif, la tournure des événements a été inattendue. “J’étais à l’étranger quand tout s’est débloqué. Je ne m’attendais pas à ce que tout aille aussi vite”, raconte-t-il. À son retour, un rendez-vous en mairie de Paea lui est proposé ce jeudi. “Je pensais voir seulement le maire, mais il y avait le directeur de la DCA (Direction de la construction et de l’aménagement, NDLR), un technicien, quelqu’un du ministère… Ils m’ont dit clairement qu’il y avait eu des erreurs dans le permis.”
 
Selon les informations communiquées lors de cette réunion, l’extraction réalisée sur le terrain atteindrait plus de 7 000 m³, bien au-delà des 1 800 m³ déclarés. “Les services du Pays sont venus avec des drones Lidar et ont constaté les volumes réels. C’était impossible à nier”, explique Tim McKenna.
 
Antony Géros, tāvana de Paea, confirme que le chantier “a été autorisé de la manière la plus légale possible conformément aux documents présentés lors de la demande de permis de construire” mais qui “malheureusement ne s'est pas déroulé de la manière la plus correcte possible”. “Suite à un contrôle fait tout récemment, il y a eu des décisions administratives qui risquent d'aller au pénal contre ces travaux”, précise-t-il, en insistant sur le fait “qu'en tant que tāvana, on n'a pas de marge de manœuvre en termes de compétences”


Une gêne sonore et un réel danger 
 
Pour les riverains, la situation avait dépassé la simple gêne sonore. L’ampleur des terrassements exposait certaines habitations à un risque réel. “Ma voisine vivait dans la peur qu’un caillou dévale un jour sur sa maison. C’est pour elle que je me suis battu”, confie Tim McKenna. 
 
Le chantier a été stoppé il y a une dizaine de jours, avant même la notification officielle. Le permis, jugé frauduleux du fait des volumes sous-déclarés, est devenu caduc. Le propriétaire pourra théoriquement redemander un autre permis. 
 
Au terme de huit mois de combat, d’échanges tendus sur les réseaux et de démarches administratives parfois vaines, Tim McKenna reconnaît un certain soulagement. “Je suis content que ce soit fini – surtout pour les voisines.”
 
Reste désormais à sécuriser le site, encore instable selon les constats officiels, et à déterminer d’éventuelles responsabilités. Les riverains, eux, espèrent que ce dossier servira d’électrochoc. “Il y a un vrai problème de contrôle en Polynésie. Les services sont en sous-effectif. C’est pour ça que je dis aux gens : faites vérifier les permis, demandez de l’aide, ne vous laissez pas marcher dessus”, conclut-il.
 
Interrogé sur ce dossier, le ministère du Foncier et du Logement, responsable de l’aménagement, et ses services, n’ont pour l’instant pas donné suite à nos sollicitations.

Rédigé par Darianna Myszka le Vendredi 5 Décembre 2025 à 13:27 | Lu 350 fois