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A Nice, les pêcheurs dénoncent la "trahison" de l'Etat


XAVIER LEOTY / AFP
XAVIER LEOTY / AFP
Nice, France | AFP | jeudi 21/09/2023 - Les pêcheurs ont dénoncé jeudi la "trahison" du gouvernement après la fin annoncée de l'aide au gazole, qualifiée de "cataclysme" pour une filière qui "joue sa survie", au premier jour de leurs assises à Nice.

"Cette filière est au bout du bout. Le soutien n'est pas à la hauteur", a martelé à la tribune le président du comité national des pêches, Olivier Le Nezet, appelant le secrétaire d'Etat à la Mer Hervé Berville à "assumer un cataclysme qui sera la fin de la filière halieutique française". 

M. Berville est attendu vendredi matin à Nice. Samedi dernier, il avait confirmé que les aides à la trésorerie de 20 centimes (hors taxe) par litre de gazole cesseraient le 15 octobre. 

Les mesures, reconduites à plusieurs reprises pour un montant total de 75 millions d'euros, avaient été prises en mars 2022 pour aider les pêcheurs à faire face à la flambée du prix du gazole après l'invasion russe de l'Ukraine.

Mercredi, les principales organisations représentant le secteur de la pêche ont dénoncé le "désengagement" de l'Etat, rappelant la succession de crises subies par les pêcheurs, du Covid à cette flambée des coûts de l'énergie, en passant par le Brexit.

"Provocation"

"On est en train de rayer d'un revers de main l'identité maritime de la France. On est là pour nourrir la population. Il faut arrêter de se foutre de la gueule du monde", a tempêté le président du comité national.

"En agriculture, on est capable quand il y a une crise du porc de mettre 270 millions d'euros sur la table. Et on n'est pas capable de mettre 50 ou 60 millions sur l'ensemble d'une filière (pêche) ?", a-t-il maugréé.

Pourtant, "il y a des solutions", a assuré Olivier Le Nezet, jugeant qu'il revenait à l'Etat de "prendre ses responsabilités".

Le président du comité reproche au gouvernement de ne pas avoir suffisamment plaidé la cause des pêcheurs à Bruxelles, notamment pour obtenir le relèvement du plafond des aides au carburant.

M. Berville avait expliqué mercredi ne plus pouvoir les prolonger "car le régime européen qui permettait ces aides s'arrête cette année".

"Ce n'est pas à l'Etat de se substituer tout le temps à la responsabilité de tous les acteurs de la filière", avait-il également estimé dans un entretien à Ouest-France et TV-Rennes.

Une déclaration perçue comme "une provocation" par les professionnels. "On est pris en étau entre le cours du gazole et le cours du poisson, qui est très bas", a témoigné auprès de l'AFP Christophe Collin, directeur de l'Armement bigouden au Guilvinec (Finistère), qui a déjà envoyé deux de ses neufs navires à la casse après le Brexit.

La semaine dernière, un bateau est revenu au port avec 43.000 euros de poissons pour une dépense exorbitante de 23.000 euros de gazole, a-t-il affirmé.

"Les pêcheurs sont payés à la part. On fait le compte des ventes, on déduit les charges et on partage le reste: deux parts pour le patron de pêche, une pour chaque matelot", a expliqué à l'AFP Stéphane Le Doaré, président LR de la communauté de communes du Pays bigouden sud (Finistère). 

"A 70 centimes le litre, on équilibre, à 90 centimes, on n'est pas sorti du port qu'on a déjà perdu de l'argent", a-t-il ajouté.

"Pitoyable"

La flotte française, troisième de l'Union européenne derrière l'Espagne et le Danemark avec quelque 6.500 navires, a diminué de plus d'un quart en 20 ans. Ses armements sont vieillissants, comme ses marins, dont près de la moitié partiront à la retraite d'ici à cinq à dix ans.

La succession de crises l'a encore fragilisée: au moins 90 navires (dont 45 en Bretagne) devraient partir à la casse dans le cadre d'un "plan d'accompagnement individuel" post-Brexit, destiné aux pêcheurs n'ayant plus accès aux eaux britanniques.

Au fil des tables rondes, l'exaspération est montée. L'absence du Secrétaire d'Etat à la Mer est soulignée. Celle du directeur général des affaires maritimes à une table ronde est mal vécue. 

"Je vois des chaises vides devant, je trouve ça pitoyable", s'est agacé à la tribune Bernard Pérez, président du comité des pêches d'Occitanie. 

"On a besoin de la parole de l'Etat, a-t-il ajouté. Est-ce qu'il veut garder une filière pêche? Qu'il nous dise oui ou non mais il faut qu'on l'entende".

le Jeudi 21 Septembre 2023 à 23:28 | Lu 388 fois