Téléphonie : Vini a 3 mois pour "déverrouiller le marché"


PAPEETE, 7 juin 2018 - L’Autorité polynésienne de la concurrence laisse trois mois à la société Vini pour remédier à ses pratiques anticoncurrentielles sur le marché de détail de la téléphonie mobile : exit la différenciation tarifaire abusive en fonction des opérateurs, sur le marché local ; fin également d’une politique de fidélisation visant à "verrouiller les clients".

La décision rendue jeudi par l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC) fait suite à une saisine assortie de la demande de mesures conservatoires formulée par la société PMT-Vodafone, le 17 octobre dernier. Cette saisine du gendarme de la concurrence dénonce diverses pratiques mises en œuvre par l'Office des postes et télécommunications (OPT) et sa filiale Vini, en abus de position dominante sur le marché polynésien de la téléphonie mobile.

> Décision n° 2018-PAC-01 du 6 juin 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle

> Voir la synthèse de la décision : ICI

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Dans les faits cette saisine dénonçait d'une part l'abus fait par la SAS Vini, de sa position dominante sur les marchés de la distribution des abonnements et des cartes prépayées. L’accès des concurrents à ces marchés étant empêché par l’intermédiaire de contrats d’exclusivité avec ses revendeurs. Ensuite, il était aussi reproché à Vini d'abuser de sa position dominante sur le marché de détail de la téléphonie mobile. D'abord, en pratiquant une discrimination tarifaire selon que ses clients adressent des SMS aux abonnés de son réseau ou aux abonnés des réseaux concurrents. Et d’autre part, en limitant la mobilité des abonnés vers l’opérateur concurrent, notamment par le biais d’une période minimale d’abonnement lors de la souscription des contrats et d’une obligation de réengagement en cas de migration en cours de contrats entre ses différentes offres.

L'APC constate que ces pratiques commerciales par la SAS Vini sur un marché aujourd'hui "mature", en Polynésie française, affaiblissent la capacité des concurrents à animer la concurrence, à conquérir des parts de marché, à investir, et qu'elles protègent ainsi artificiellement la position dominante de l'opérateur historique. Des pratiques qui ont pour conséquence d'augmenter artificiellement le coût des concurrents, rendent les clients captifs et élèvent artificiellement des barrières à l'entrée sur le marché polynésien de la téléphonie mobile. La fait est que cinq ans après l'arrivée de la concurrence de Vodafone, la SAS Vini détient toujours 85 % des parts sur ce marché.

"Le développement de Vodafone, moins important que ce qu’elle prévoyait, résulte de sa seule stratégie (capacités techniques, couverture du réseau, types d’offres proposées, etc.), tacle l'OPT, jeudi.

Pour échapper à une procédure contentieuse, l'opérateur historique a cependant pris sept engagements (voir encadré) "dans une démarche d’ouverture pour le plus grand bénéfice des consommateurs", souligne l'OPT dans un communiqué diffusé jeudi après-midi. L'APC lui donne en attendant trois mois, d'ici le 7 septembre prochain, pour les mettre en application. La SAS Vini restera en outre sous surveillance de l'APC pendant 10 ans.

Surtout, dans la décision rendue jeudi l'APC établit une chronologie pour en garantir l’efficacité : "il convient d’articuler la mise en œuvre des engagements définitifs de Vini en deux temps ; dans un premier temps, il convient de déverrouiller le marché, c’est-à-dire d’y rétablir un degré de fluidité suffisant, notamment en rendant aux consommateurs une possibilité d’arbitrage et de faire jouer la concurrence. La mise en œuvre des engagements n° 2 à 7 contribuent à atteindre cet objectif. Dans un second temps, sur le marché qui sera alors davantage propice à l’exercice de la concurrence, les consommateurs seront en mesure d’accueillir de nouvelles offres de la part de Vini, prévues par l’engagement n° 1, et pourront arbitrer entre ces offres et celles des concurrents de Vini. Le regain de fluidité du marché obtenu dans le premier temps permettra en outre de faciliter la migration des clients de Vini qui le souhaitent vers ses concurrents. Cette chronologie de mise en œuvre des engagements est d’autant plus nécessaire que le marché est mature et que, sur un tel marché, la conquête de clients se fait davantage auprès de la clientèle des concurrents qu’auprès d’une demande jusqu’à lors non satisfaite", précise la décision rendue jeudi à l'encontre de la société Vini.

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Les engagements de Vini

La SAS Vini a pris sept engagements pour remédier à des pratiques commerciales reconnues par l’APC comme étant des abus de position dominante sur le marché de la téléphonie mobile polynésien.

1. Commercialiser des nouvelles offres dans lesquelles les minutes d’appels et les SMS proposés en illimité vers Vini seront aussi valables vers Vodafone.

2. Tous les clients des gammes Premium, Izi, Taurea et Metua qui ne sont plus sous engagement bénéficieront automatiquement des nouvelles offres équivalentes.
3. Pour les clients encore sous engagement, les bonus voix et SMS inclus dans les gammes Premium, Izi, Taurea et Metua seront également valables vers Vodafone grâce à une option gratuite activée automatiquement sur la ligne du client.
4. Les points de bienvenue du programme Vini Ura pourront être utilisés à la fois pour l’acquisition d’un téléphone subventionné contre réengagement mais aussi pour bénéficier de cadeaux non réengageant comme des minutes, des SMS, de la data offerts.
5. Lors de l’achat d’un nouveau téléphone subventionné en utilisant les points de fidélité de plusieurs lignes, seule la ligne bénéficiant du transfert de points sera réengagée.
6. Les points de fidélité pourront être utilisés en contrepartie d’une subvention sur un téléphone avec ou sans réengagement.
7. Vini fera bénéficier ses clients s’engageant ou se réengageant sur 12 mois, sans bénéficier d’une subvention pour l’achat d’un téléphone, d’une heure gratuite de communication vers Vini ou vers Vodafone pendant les trois premiers mois d’abonnement ou de réabonnement.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 7 Juin 2018 à 12:43 | Lu 25618 fois