Détenus radicalisés : les explications du haut-commissaire


PAPEETE, le 2 septembre 2016. Jeudi soir, suite à un article de Tahiti Infos sur un détenu polynésien fiché S, le haut-commissaire a précisé dans un communiqué que trois détenus font l'objet de fiches "S". Vendredi matin, il nous a accordé une interview pour faire un point sur la situation.

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René Bidal, haut-commissaire
"Il est important de saisir ces signaux faibles quand ils apparaissent"


Comment ces trois personnes fichées "S" ont été repérées ?
"Elles ont été remarquées par l'administration pénitentiaire puisqu'elles sont sous écrou. De façon générale, il ne faut pas négliger les signaux faibles même lorsque la caractérisation de la radicalisation ne passe pas par des actes particulièrement signifiants. Ce qui est important par rapport à ses signaux faibles c'est d'intervenir dès le départ. J'avais dit en juillet quand j'ai visité les services de sécurité de l'aéroport qu'il n'y avait pas de personnes fichées S pour la radicalisation sur le fenua.
Sur la prison de Nuutania, on m'a fait état de comportements où l'islam politique était revendiqué. J'ai demandé pour trois détenus concernés par les signalements que m'avait faits l'administration pénitentiaire qu'il y ait des fiches S qui soient rédigées. L'intérêt de ces fiches S c'est que lorsque ces personnes sortiront, un suivi particulier sera mis en place par les services de sécurité. Pendant qu'ils sont incarcérés, les services pénitentiaires auront soin de surveiller et suivre leurs comportement notamment sur ces aspects de radicalisation".

Concrètement, quels sont ces comportements ?
"C'est une évocation au prosélytisme auprès des autres détenus, une évocation de l'islam de Daech, des combats en Syrie. C'est ce que j'appelle des signaux faibles car on n'a pas entendu parler du tout de volonté d'actes de terrorisme. Mais il est important de saisir ces signaux faibles quand ils apparaissent et de faire en sorte que les personnes concernées soient suivies par les services de sécurité."

L'avocate du détenu qui a comparu jeudi a précisé qu'il a été sensibilisé à l'islam radical par un détenu polynésien qui a été incarcéré en métropole. Est-ce que cela va remettre en question le transfert de détenus du fenua en métropole pour les longues peines ?
"Cela ne changera rien concernant les transferts pénitentiaires, ce n'est pas forcément lié à tout cela. La personne qui est passée au tribunal correctionnel ce jeudi n'a pas fait un aller-retour vers la métropole cela ne l'a pas empêchée –même si son profil psychologique et psychiatrique reste à déterminer, de tenir ses propos.
Il faut surtout être vigilant. S'agissant de la Polynésie française qui pour l'instant est un territoire très épargné par tout cela, ces fiches S n'ont pas d'autres significations que de dire on est dans une démarche de prévention d'attention et de surveillance un peu plus appliquée pour des personnes qui rentreraient dans un parcours de radication.

Le personnel pénitentiaire a-t-il reçu une formation pour faire à ce nouveau type de profil au sein des détenus ?
"Ils n'ont guère besoin d'une formation spécifique. Il est évident que cela nécessite une attention particulière. Dans le contexte de Nuutania où il y a une surpopulation importante en attendant Papeari, c'est évident que quand on veut isoler un détenu des autres c'est matériellement plus difficile que dans d'autres centres mais je crois que les choses de ce point de de vue se passent bien. J'ai toute confiance en l'administration pénitentiaire pour faire ce qu'il faut en fonction des comportements qu'ils jugeront déviants sur ce comportement-là.

Rédigé par Mélanie Thomas le Vendredi 2 Septembre 2016 à 11:38 | Lu 4477 fois