Dans le centre-ville, pas de voiture, seuls les vélos et cyclomoteurs sont autorisés. Mais Papy, du haut de ses quatre-vingt-sept ans, ne peut plus se déplacer seul, et pour aller plus vite, je le porte toujours sur mon dos. Heureusement, il n’est pas lourd mon Papy, d’ailleurs, il n’y a presque que des poids plumes de nos jours. Merci à l’inflation, le coût de la vie qui, par exemple, me rappelle que la baguette de pain vaut aujourd’hui 250 f. Chacun doit tant bien que mal rationner ses repas, on ne vit plus, on survit.
1000 f « symbolique », c’est le prix de la poignée de cachet fournie par notre héros du jour.
NUTRISCAN, ce distributeur automatique salvateur, inventé par une firme danoise en 2045, qui a immédiatement été un succès mondial. Implanté localement depuis bientôt deux ans, c’est l’alternative pour les régions coupées du système d’échange agroalimentaire mondial.
On commencera par se faire un garrot avant de se « scanner » la veine du bras. La machine détectera instantanément les carences en nutriments et oligo-éléments essentiels au quotidien. Dans la foulée, chacun pourra décider de se rajouter, ou pas, une touche d’antidépresseur, pour mieux supporter le mal-être engendré par la société moderne, trop moderne.
Ainsi, il en sortira un savant mélange sous la forme de trois cachets, soit un à prendre chaque jour. Mais attention aux effets secondaires de l’antidépresseur, tellement inhibant qu’il atténuera le sommeil, et pas facile le réveil après cinq jours d’insomnie.
Pour ma part, pas d’antidépresseur, six heures de sport hebdomadaire feront l’affaire. L’automate remarque cependant une chute brutale dans mon taux de globules rouges, et je constate par conséquent sur le ticket de rapport d’analyse qu’un apport supérieur en fer m’aura été procuré. Je sentais bien, depuis peu, une petite gêne dans la respiration, sûrement due à la mauvaise oxygénation du sang. NUTRISCAN viendra donc y remédier.
Papy ne prendra pas non plus de ce traitement « anti coup-de-blues », pour lui, ce sera double dose de magnésium, un zeste de potassium, aussi et surtout un gros apport en antioxydants, afin de lutter contre le vieillissement des cellules. D’ailleurs, il est vrai qu’en cinq ans, le taux de décès mondial chez les plus de soixante ans est quasiment devenu nul. L’un dans l’autre, pourvu que le gain de temps avec nos aïeuls n’entraîne pas, dans un futur proche, le manque d’espace pour nos enfants.
Et puis, à quoi bon vivre cent ans, condamné à se nourrir de cachets ?
Bien dommage qu’il n’y ait pas, à la place des palmiers aux allures de Miami Beach, et des lampadaires rétro parisiens, plutôt des bananiers et des papayers sur nos fronts de mers, nos esplanades et avenues.
Peut-être aurions-nous préféré savourer, au quotidien, le côté juteux et coloré de la vie, à la morosité du cycle inévitable du comprimé nutritionnel, sur fond de buildings monotones.
NUTRISCAN, ou la promesse d’une immortalité en noir et blanc.
Auteur : Jean-Charles Amiot
1000 f « symbolique », c’est le prix de la poignée de cachet fournie par notre héros du jour.
NUTRISCAN, ce distributeur automatique salvateur, inventé par une firme danoise en 2045, qui a immédiatement été un succès mondial. Implanté localement depuis bientôt deux ans, c’est l’alternative pour les régions coupées du système d’échange agroalimentaire mondial.
On commencera par se faire un garrot avant de se « scanner » la veine du bras. La machine détectera instantanément les carences en nutriments et oligo-éléments essentiels au quotidien. Dans la foulée, chacun pourra décider de se rajouter, ou pas, une touche d’antidépresseur, pour mieux supporter le mal-être engendré par la société moderne, trop moderne.
Ainsi, il en sortira un savant mélange sous la forme de trois cachets, soit un à prendre chaque jour. Mais attention aux effets secondaires de l’antidépresseur, tellement inhibant qu’il atténuera le sommeil, et pas facile le réveil après cinq jours d’insomnie.
Pour ma part, pas d’antidépresseur, six heures de sport hebdomadaire feront l’affaire. L’automate remarque cependant une chute brutale dans mon taux de globules rouges, et je constate par conséquent sur le ticket de rapport d’analyse qu’un apport supérieur en fer m’aura été procuré. Je sentais bien, depuis peu, une petite gêne dans la respiration, sûrement due à la mauvaise oxygénation du sang. NUTRISCAN viendra donc y remédier.
Papy ne prendra pas non plus de ce traitement « anti coup-de-blues », pour lui, ce sera double dose de magnésium, un zeste de potassium, aussi et surtout un gros apport en antioxydants, afin de lutter contre le vieillissement des cellules. D’ailleurs, il est vrai qu’en cinq ans, le taux de décès mondial chez les plus de soixante ans est quasiment devenu nul. L’un dans l’autre, pourvu que le gain de temps avec nos aïeuls n’entraîne pas, dans un futur proche, le manque d’espace pour nos enfants.
Et puis, à quoi bon vivre cent ans, condamné à se nourrir de cachets ?
Bien dommage qu’il n’y ait pas, à la place des palmiers aux allures de Miami Beach, et des lampadaires rétro parisiens, plutôt des bananiers et des papayers sur nos fronts de mers, nos esplanades et avenues.
Peut-être aurions-nous préféré savourer, au quotidien, le côté juteux et coloré de la vie, à la morosité du cycle inévitable du comprimé nutritionnel, sur fond de buildings monotones.
NUTRISCAN, ou la promesse d’une immortalité en noir et blanc.
Auteur : Jean-Charles Amiot