Pour Jacques Brel, le tour du monde s’est arrêté à Hiva Oa, gagné par la maladie, refusant de rejoindre l’Europe et le show-business. (AFP)
Tahiti, le 23 novembre 2025 - Il y a cinq ans, France Brel, fille du chanteur Jacques Brel, sortait un documentaire, Chronique d’une vie, et s’arrêtait sur les dernières années du plus grand chanteur belge. À l’approche des 50 ans de la disparition du Grand Jacques, cette dernière revient avec quatre documentaires pour détailler la vie de son père.
En 1974, Jacques Brel quitte sa Belgique natale pour un tour du globe en voilier. Une aventure unique, un tour du monde de quelques années, qui s’achèvera aux Marquises, à Hiva Oa. S’en suivra pour le chanteur poète une succession d'allers et retours vers l'Europe, malade et en proie à de “profonds tourments”.
En 2021, France Brel, sa fille, confessait déjà vouloir “inscrire dans l’Histoire” un moment controversé et longtemps tu de la vie de son père.
Avec ses souvenirs, ceux de dizaine de proches et des échanges épistolaires du chanteur avec sa famille, France Brel retrace les derniers moments de la vie de Jacques Brel. Des moments aussi heureux que tristes. Une paix intérieure retrouvée loin des projecteurs et du star-system qui l’ont toujours écœuré, mais aussi l’épreuve de la maladie.
En juillet 1974, dans le port belge d'Anvers, l'auteur de Ne me quitte pas lève l'ancre avec sa compagne Maddly Bamy, une actrice guadeloupéenne rencontrée trois ans plus tôt sur le tournage du film de Claude Lelouch L'aventure c'est l'aventure.
Mais Brel a aussi promis le voyage à France, la deuxième des trois filles qu'il a eues avec son épouse Thérèse Michielsen, alias “Miche”.
Selon son récit, France découvre au dernier moment que la rivale de sa mère partagera aussi la cabine de l'Askoy, un voilier imposant de 19 mètres.
En janvier 1975, l’ambiance à bord est délétère et France débarque en Martinique… Elle ne verra pas les Marquises avec lui.
Aujourd’hui, France Brel rattrape le temps, retrouve les Marquises, à travers une série de documentaires. Depuis Anvers, elle nous explique sa démarche.
“Je ne réalise pas un seul film. C’est sous la forme d’une série de documentaires”, nous confie-t-elle au téléphone. “Je me suis rendu compte qu’il y avait une période de la vie de mon père qui était très mal connue du public, c’est son séjour aux Marquises. Il n’y a pas eu de témoignages directs de sa vie sur place”, poursuit-elle. “Je me suis rendu compte qu’il y a des choses qui n’étaient pas tout à fait exactes.”
Au début des années 2000 sort alors Chronique d’une vie. Un film d’une heure trente environ projeté au musée Brel à Bruxelles. Mais France Brel souhaite aller plus loin concernant celui qui s’était alors retiré de la scène et qui n’avait pas connu le même succès dans la réalisation au cinéma.
“Nous avons énormément de documents à la fondation Brel, alors j’ai décidé de faire ces films. Il y en a quatre. Celui dont nous parlons, c’est le troisième, qui est en train d’être mis en post-production. Mon père a acheté son bateau à Anvers. Nous sommes partis pour faire ce tour du monde, qui n’en a pas été un finalement.”
Ce tour du monde s’arrêtera aux Marquises à cause de sa grippe tenace, pense-t-il alors, ne sachant pas que déjà le crabe s’est installé en lui.
En 1974, Jacques Brel quitte sa Belgique natale pour un tour du globe en voilier. Une aventure unique, un tour du monde de quelques années, qui s’achèvera aux Marquises, à Hiva Oa. S’en suivra pour le chanteur poète une succession d'allers et retours vers l'Europe, malade et en proie à de “profonds tourments”.
En 2021, France Brel, sa fille, confessait déjà vouloir “inscrire dans l’Histoire” un moment controversé et longtemps tu de la vie de son père.
Avec ses souvenirs, ceux de dizaine de proches et des échanges épistolaires du chanteur avec sa famille, France Brel retrace les derniers moments de la vie de Jacques Brel. Des moments aussi heureux que tristes. Une paix intérieure retrouvée loin des projecteurs et du star-system qui l’ont toujours écœuré, mais aussi l’épreuve de la maladie.
En juillet 1974, dans le port belge d'Anvers, l'auteur de Ne me quitte pas lève l'ancre avec sa compagne Maddly Bamy, une actrice guadeloupéenne rencontrée trois ans plus tôt sur le tournage du film de Claude Lelouch L'aventure c'est l'aventure.
Mais Brel a aussi promis le voyage à France, la deuxième des trois filles qu'il a eues avec son épouse Thérèse Michielsen, alias “Miche”.
Selon son récit, France découvre au dernier moment que la rivale de sa mère partagera aussi la cabine de l'Askoy, un voilier imposant de 19 mètres.
En janvier 1975, l’ambiance à bord est délétère et France débarque en Martinique… Elle ne verra pas les Marquises avec lui.
Aujourd’hui, France Brel rattrape le temps, retrouve les Marquises, à travers une série de documentaires. Depuis Anvers, elle nous explique sa démarche.
“Je ne réalise pas un seul film. C’est sous la forme d’une série de documentaires”, nous confie-t-elle au téléphone. “Je me suis rendu compte qu’il y avait une période de la vie de mon père qui était très mal connue du public, c’est son séjour aux Marquises. Il n’y a pas eu de témoignages directs de sa vie sur place”, poursuit-elle. “Je me suis rendu compte qu’il y a des choses qui n’étaient pas tout à fait exactes.”
Au début des années 2000 sort alors Chronique d’une vie. Un film d’une heure trente environ projeté au musée Brel à Bruxelles. Mais France Brel souhaite aller plus loin concernant celui qui s’était alors retiré de la scène et qui n’avait pas connu le même succès dans la réalisation au cinéma.
“Nous avons énormément de documents à la fondation Brel, alors j’ai décidé de faire ces films. Il y en a quatre. Celui dont nous parlons, c’est le troisième, qui est en train d’être mis en post-production. Mon père a acheté son bateau à Anvers. Nous sommes partis pour faire ce tour du monde, qui n’en a pas été un finalement.”
Ce tour du monde s’arrêtera aux Marquises à cause de sa grippe tenace, pense-t-il alors, ne sachant pas que déjà le crabe s’est installé en lui.
Témoignages de l’intérieur
France Brel est la garante de la mémoire de Jacques Brel. Elle anime le musée qui lui est consacré à Bruxelles. (DR)
“J’ai rencontré énormément de témoins”, poursuit France Brel au téléphone. “Le principal témoignage, c’est celui de ma mère, qui ne parle jamais.”
De témoignages en relecture de courriers, les documentaires ont commencé à se constituer. “Dans la famille, on a vécu cette période d’une certaine manière avec des circonstances dont nous n’avons jamais parlé”, confie-telle. “On ne voulait pas faire part de notre quotidien. Mon père a toujours souhaité que la famille soit discrète. Mais je vieillis, et je me suis dit qu’il fallait parler de cette période.”
Jacques Brel n’a jamais été très bavard sur sa vie personnelle et la documentation sur sa vie aux Marquises n’est que parcellaire. Les courriers qu’il envoyait à sa famille complètent les documentaires. “Nous avons énormément de correspondances, de lettres de mon père. On voit vraiment son état d’esprit. Mon père était un peu fanfaron. Il montrait toujours sa bonne humeur, mais parfois il avait de la tristesse, de la nostalgie. J’ai eu envie de raconter tout ça pour que je puisse dormir tranquillement dans ma tombe.”
Beaucoup de personnes prennent donc la parole pour compléter ce nouveau film qui sera diffusé au musée Brel à Bruxelles, mais pourrait aussi être mis en ligne une fois la post-production terminée. “Le chanteur Antoine a témoigné parce qu’il y a des choses fausses qui ont été racontées à l’époque et qu’il voulait les préciser. Je donne la parole aux gens, à Isabelle, ma sœur, qui a vécu cette période différemment. Je voulais avoir les témoignages de ceux qui étaient restés à quai. De ce qu’ils pensaient de ce départ. J’ai aussi des témoignages d’époque de Guy Rauzy, des sœurs, des gens qui sont partis là-bas pour le voir. On a le témoignage de son ami, Serge Lecordier, à Hiva Oa.” Une succession de portraits qui en dévoileront plus sur le Jacques Brel qui voulait se cacher des projecteurs.
Le premier film s’appelle L’Atlantique puisqu’il s’agit de l’achat du bateau et de la traversée de l’Atlantique. Le deuxième film s’appelle Le Pacifique.
“C’est une fois à Hiva Oa qu’il va décider de vendre son bateau et de passer sa licence de pilote d’avion”, poursuit France Brel.
Le troisième film s’appelle L’Alizée. Il se déroule quand il est aux Marquises. “C’est là qu’il répond à une demande d’Eddie Barclay de faire un disque. Il lui dit à l’époque qu’il est dans la m…, que sa société va très mal, mais que s’il refaisait un disque, ça l’aiderait beaucoup”, assure France Brel. C’est pour ça que Jacques Brel rentre à Paris pour enregistrer un disque. “Mais cette ambiance de show-business l’énerve tellement qu’il part très vite”, explique-t-elle.
De témoignages en relecture de courriers, les documentaires ont commencé à se constituer. “Dans la famille, on a vécu cette période d’une certaine manière avec des circonstances dont nous n’avons jamais parlé”, confie-telle. “On ne voulait pas faire part de notre quotidien. Mon père a toujours souhaité que la famille soit discrète. Mais je vieillis, et je me suis dit qu’il fallait parler de cette période.”
Jacques Brel n’a jamais été très bavard sur sa vie personnelle et la documentation sur sa vie aux Marquises n’est que parcellaire. Les courriers qu’il envoyait à sa famille complètent les documentaires. “Nous avons énormément de correspondances, de lettres de mon père. On voit vraiment son état d’esprit. Mon père était un peu fanfaron. Il montrait toujours sa bonne humeur, mais parfois il avait de la tristesse, de la nostalgie. J’ai eu envie de raconter tout ça pour que je puisse dormir tranquillement dans ma tombe.”
Beaucoup de personnes prennent donc la parole pour compléter ce nouveau film qui sera diffusé au musée Brel à Bruxelles, mais pourrait aussi être mis en ligne une fois la post-production terminée. “Le chanteur Antoine a témoigné parce qu’il y a des choses fausses qui ont été racontées à l’époque et qu’il voulait les préciser. Je donne la parole aux gens, à Isabelle, ma sœur, qui a vécu cette période différemment. Je voulais avoir les témoignages de ceux qui étaient restés à quai. De ce qu’ils pensaient de ce départ. J’ai aussi des témoignages d’époque de Guy Rauzy, des sœurs, des gens qui sont partis là-bas pour le voir. On a le témoignage de son ami, Serge Lecordier, à Hiva Oa.” Une succession de portraits qui en dévoileront plus sur le Jacques Brel qui voulait se cacher des projecteurs.
Le premier film s’appelle L’Atlantique puisqu’il s’agit de l’achat du bateau et de la traversée de l’Atlantique. Le deuxième film s’appelle Le Pacifique.
“C’est une fois à Hiva Oa qu’il va décider de vendre son bateau et de passer sa licence de pilote d’avion”, poursuit France Brel.
Le troisième film s’appelle L’Alizée. Il se déroule quand il est aux Marquises. “C’est là qu’il répond à une demande d’Eddie Barclay de faire un disque. Il lui dit à l’époque qu’il est dans la m…, que sa société va très mal, mais que s’il refaisait un disque, ça l’aiderait beaucoup”, assure France Brel. C’est pour ça que Jacques Brel rentre à Paris pour enregistrer un disque. “Mais cette ambiance de show-business l’énerve tellement qu’il part très vite”, explique-t-elle.
Pour son public
Les enfants de Hiva Oa avaient commémoré les 40 ans de la disparition du chanteur en 2018. (archives TI)
France Brel n’a aucun intérêt personnel dans ces tournages. Ces nouveaux documentaires, elle les réalise pour son public et les amoureux du Grand Jacques. “Ces films, je ne les fais pas pour faire plaisir à mon père. Là où il est, il s’en moque bien”, rit-elle. “Je les fais pour son public” et aussi pour rétablir quelques faits. “J’ai lu tellement de choses fausses. Quand mon père part sur son bateau, il n’a pas du tout l’intention d’aller aux Marquises. Il voulait faire un tour du monde. Il ne voulait plus faire de films, plus faire de disques non plus. Il voulait faire une pause. Mais il est tombé malade. C’est à cause de ça qu’il s’arrête aux Marquises.”
C’est la maladie qui l’incite à se retirer aux Marquises, loin de tout ce bruit médiatique, loin du fiasco de son nouveau film, Far-West, et loin de la tristesse d’avoir perdu son grand ami Jojo.
“Il voulait juste voyager pendant trois ans et faire le point au bout de son périple. Mais les choses se sont enchaînées très vite. On part en juillet 74, et au mois de novembre, il se fait déjà opérer de son cancer. C’est allé très vite. Il y a eu la mort de Jojo, son cancer, son opération, plein de choses… On assiste alors à son changement d’état d’esprit. Il n’avait plus envie de voir personne, il ne voulait pas revenir en Belgique, mais il restait généreux, comme il l’a toujours été.”
Jacques Brel sera inhumé à Hiva Oa, à quelques mètres de son ancienne maison, le 12 octobre 1978.
C’est la maladie qui l’incite à se retirer aux Marquises, loin de tout ce bruit médiatique, loin du fiasco de son nouveau film, Far-West, et loin de la tristesse d’avoir perdu son grand ami Jojo.
“Il voulait juste voyager pendant trois ans et faire le point au bout de son périple. Mais les choses se sont enchaînées très vite. On part en juillet 74, et au mois de novembre, il se fait déjà opérer de son cancer. C’est allé très vite. Il y a eu la mort de Jojo, son cancer, son opération, plein de choses… On assiste alors à son changement d’état d’esprit. Il n’avait plus envie de voir personne, il ne voulait pas revenir en Belgique, mais il restait généreux, comme il l’a toujours été.”
Jacques Brel sera inhumé à Hiva Oa, à quelques mètres de son ancienne maison, le 12 octobre 1978.