​Près de 100 millions pour des destructions illégales de perles


Tahiti, le 24 mai - En mars 2017, la Direction des ressources marines avaient procédé à la destruction de plusieurs dizaines de milliers de perles alors considérées comme rebus. Mais cette destruction ne reposait sur aucune base légale. Après deux contentieux favorables début 2021, Quinze autres perliculteurs ont attaqué le Pays pour obtenir la réparation de leur préjudice. Une facture pour la collectivité qui pourrait atteindre environ 100 millions de Fcfp.

Le 10 mars 2017, la Direction de ressources marines avait procédé à la destruction des rebuts de perles sur la base d’une délibération de 2005 interdisant la vente et l’exportation de perles imparfaites qui, selon le texte, devaient être “conservées et détruites par le service en charge de la perliculture”. Or, la méthode avait été jugée illégale, seule une loi du Pays pouvait encadrée cette atteinte à la propriété. Le Pays se trouvait dans l’obligation de dédommager les producteurs et négociants sur la base de la valeur de la marchandise d’autant que, quelques mois plus tard, une loi du Pays adopté en juillet 2017 autorisait la commercialisation de ces rebus et donc quelques gains.
 
Des millions de perles concernées
 
En janvier et mars 2021, deux perliculteurs qui avaient déjà obtenu gain de cause dans leur démarche. Plus d’un an plus tard, quinze autres perliculteurs victimes des mêmes pulsions destructrices de la collectivité en mars 2017 ont réclamé la réparation de leur préjudice auprès du tribunal administratif de Papeete. L’indemnisation totale demandée concerne la destruction irréversible de près de 585 000 perles. Un moindre mal pour la collectivité. L’avocat des requérants lésés, Me Poullet-Osier, a ainsi mis en exergue le fait que cette pratique illégale dure depuis des lustres, qu’environ 280 producteurs et négociants auraient pu soumettre une demande d’indemnisation et donc que le nombre de perles ainsi détruites depuis 2005 pouvait être estimé à plusieurs millions.
 
Valeur inestimable
 
Sur les quinze demandes, six ont été écartées par le rapporteur public au motif que les intéressés avaient déjà été indemnisés en 2017. Sur les neufs dossiers restants, la question de la valeur de la marchandise détruite fait débat. Si le tribunal administratif de Papeete avait fixé une valeur de 575 Fcfp l’unité de gramme de perle en mars 2021, la Cour administrative d’appel de Paris avait revu la valeur à la baisse le 11 mai dernier à 250 Fcfp. Un chiffre contesté par Me Poullet-Osier qui a dénoncé le caractère baroque d’un “quantum d’indemnisation fluctuant” selon les années. “La question de la valeur reste tout entière” et seule une expertise, qui fait défaut, aurait pu percer ce mystère. Une réduction de valeur justifiée par la juridiction parisienne par le fait que la loi du Pays sur les produits perliers, promulguée quelques mois plus tard en juillet 2017 et qui devait relancer le secteur de la perle, allait en réalité indubitablement faire chuter les cours. Le rapporteur public a conclu au versement d’indemnisations allant de près d’1 millions à 37 millions de Fcfp selon le professionnel concerné. Si les conclusions du magistrat sont suivies, l’indemnisation totale par le Pays s’élèverait à 96,5 millions de Fcfp. La décision est prévue pour le 7 juin prochain.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 24 Mai 2022 à 19:56 | Lu 1896 fois