​Plus de 7 000 personnes marchent contre l'ice


Recueillement à la cathédrale de Papeete (Crédit photos : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 7 septembre 2025 – De Papeete jusque dans les îles, la marche contre l’ice organisée par la Fédération citoyenne polynésienne de lutte contre les drogues et la toxicomanie a rassemblé plusieurs milliers de personnes, ce samedi. Associations sportives, culturelles et de jeunesse, confessions religieuses, représentants politiques, familles, tous ont manifesté en faveur de la prévention et de l’accompagnement, mais aussi de plus d’actions et de sanctions. Le Pays a déjà annoncé plusieurs mesures, tandis qu’une table ronde avec les services de l’État devrait intervenir mi-septembre.
 

Lancé sur les réseaux sociaux, l’appel de la Fédération citoyenne polynésienne de lutte contre les drogues et la toxicomanie à une mobilisation massive contre l’ice a résonné dans les rues de Papeete, ce samedi 6 septembre 2025. Vêtus de blanc, les participants ont afflué au stade Willy-Bambridge, où le coup d'envoi de la manifestation pacifique a été donné vers 9 heures, bloquant temporairement l’entrée de la capitale.
 

La foule réunie au stade Willy-Bambridge avant le départ.

“Brisons la glace, pas nos vies”


“Non à l’ice, oui à la vie”, “Brisons la glace, pas nos vies”, “Pas besoin de cristal pour briller, ton mana suffit” : voici quelques-uns des slogans qui ont été brandis sur des pancartes, des banderoles et des tee-shirts. Les confessions religieuses et les associations sportives, culturelles et de jeunesse ont répondu présentes, comme les joueurs du club de football Tefana, emmenés par le coach et champion Pascal Vahirua. “C’est un acte de loyauté par rapport à nos enfants. Je n’ai jamais touché aux drogues : ça n’est pas compatible avec les valeurs du sport et nos valeurs en tant que Polynésiens”, insiste-t-il. Rassemblés à la pointe Vénus, les rameurs de la Super Taho’e ont affiché leur soutien sur leurs pirogues.
 
Parents et enfants, de nombreuses familles avaient fait le déplacement. Averii Pied est venue de Paea avec sa belle-mère, sa mère et sa fille de 6 ans : “C’était important de venir toutes ensemble, parce que je suis impliquée dans la lutte contre toutes formes de drogues à travers des groupes de parole. J’ai un proche qui a été dans la consommation d’ice et c’est pour ça que je me lève depuis quelques mois pour lutter contre ce fléau et aider les familles.”
 

Parents et enfants ont adressé des messages forts.

​À Tahiti et dans les îles


Diverses personnalités publiques se sont mobilisées, comme Mister Tahiti 2024. “Ce qui se passe en ce moment, ça me touche énormément. Je pense à ce jeune homme entre la vie et la mort à cause de cette drogue. Je souhaitais moi aussi dire non à l’ice et encourager les gens à préserver leur santé”, nous a confié Karl Chung-Tan.
 
Le cortège était encadré par les forces de l’ordre, mais certains représentants de la profession ont participé à titre personnel, comme les membres de la police municipale de Punaauia. “On est confronté à l’ice au quotidien en tant qu’agents de terrain. Depuis deux bonnes années, on observe clairement une recrudescence. On n’est pas là que pour sanctionner, on est aussi là pour la prévention”, remarque Étienne Iotefa, directeur des services de proximité de la commune.
 
L’initiative a trouvé un large écho dans les îles, de Raiatea à Bora Bora en passant par Tubuai, Hao ou encore Nuku Hiva. Des délégations avaient également fait le déplacement jusqu’à Papeete, dont Moorea ou encore Huahine, comme Judith Maro-Lemaire, représentante d’une association de protection de l’environnement : “Je voulais absolument être là aujourd’hui pour montrer à tout le monde qu’on ne veut pas de cette drogue affreuse sur notre Fenua. Sur notre île aussi, nous sommes concernés, même si les gens ont honte de l’avouer. Tout ce que j’espère, c’est que cette marche va toucher tout le monde, et surtout le cœur des dealers. Ça suffit, il faut arrêter !”
 
Le cortège a fait une première halte à la cathédrale pour un temps de recueillement autour de l’intervention de Mgr Cottanceau. La foule a ensuite investi l’avenue Pouvana’a a Oopa, entre le haut-commissariat et le monument aux morts, qui a accueilli plusieurs témoignages. La troupe de danse Teva i Tai a interprété un ‘aparima sur le thème de la résilience, tandis que le chanteur-compositeur Teiho Tetoofa a dévoilé un titre écrit pour l’occasion par Teiva Manutahi. “L’objectif de ce morceau, c’est d’apporter de l’amour et de l’espoir aux familles pour soutenir cette cause. La musique, c’est un bon moyen pour faire passer des messages positifs. J’espère avoir touché le cœur des gens”, remarque l’artiste.
 

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Papeete.

​Quelles réponses politiques ?


De nombreuses personnalités politiques se sont jointes à l’initiative, des maires jusqu’aux représentants à l’assemblée, ainsi que plusieurs membres du gouvernement, dont la vice-présidente et ministre des Solidarités, Minarii Galenon. “Après des problèmes de communication, aujourd’hui, on se donne la main, tous ensemble, car ce n’est pas une cause politique, c’est vraiment une cause humanitaire pour sauver notre Pays. On veut tous aider nos familles et notre population. On va continuer à travailler dans ce sens-là.”
 
Depuis les îles Salomon, où va débuter le forum des îles du Pacifique, le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, a salué “une marche utile et nécessaire” et “un sursaut citoyen”, tout en évoquant “un train de mesures” à venir entre le renforcement annoncé de la prise en charge spécialisée aux urgences de Taaone et l’interdiction de la commercialisation des “pipes” dédiées à la consommation d’ice.
 
Au terme de la manifestation, les membres de la fédération ont remis des résolutions et une lettre à la directrice de cabinet par intérim du nouveau haut-commissaire, Alexandre Rochatte. L’occasion de dresser un premier bilan avec la présidente, Kathy Gaudot : “La DTPN (Direction territoriale de la police nationale, NDLR) estime à 7 000 le nombre de participants, donc on doit être autour de 10 000 en comptant les îles. C’est une mobilisation générale et une prise de conscience par rapport à ce fléau qui gangrène notre Fenua. On espère que ça pourra peser dans nos échanges avec le Pays et l’État.”
 
Une table ronde en présence du haut-commissaire devrait avoir lieu mi-septembre, “si possible avec toutes les parties prenantes, comme la gendarmerie et des représentants de la justice”. Mais avant, la fédération se mobilise aux côtés d’André Vohi et son équipe pour rallier Tahiti à Bora Bora à la rame dans le cadre de l’opération Va’a Freedom, à laquelle participent plusieurs anciens consommateurs d’ice.
 

Des résidents de Moorea solidaires de l’événement.

Le chanteur-compositeur Teiho a interprété un titre écrit pour l’occasion.

'Aparima des danseurs de Teva i Uta sur l’avenue Pouvana’a a Oopa.

La fédération a remis ses doléances à la directrice de cabinet par intérim du haut-commissaire.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Dimanche 7 Septembre 2025 à 16:39 | Lu 2058 fois