“L'exploitation minière commerciale risque de déchirer les fonds marins avant même que l'on ait une compréhension de base de ce qui sera détruit”, prévient cette étudfe de l’Université de Columbia. (Photo AFP)
Tahiti, le 24 septembre 2025 - La Délégation aux affaires internationales européennes et du Pacifique a publié mercredi sur son site le rapport par la School of International and Public Affairs (SIPA) de l’Université de Columbia de New York. Un document qui s’intéresse à l’exploitation des fonds marins en Polynésie française et à ses conséquences. L’étude met en avant “les risques majeurs” liés à cette activité minière.
La Polynésie française a bénéficié de plusieurs études conduites par des étudiants dans le cadre notamment de projets Capstone. Un atelier Capstone est un exercice essentiel pour la validation du cursus des étudiants de la School of International and Public Affairs (SIPA). Encadrée par un professeur, une équipe d’étudiants s’attaque à une problématique concrète, dans le but de proposer des analyses innovantes et des recommandations pratiques adaptée.
En 2025, le Professeur Radon et la SIPA ont reconduit un projet Capstone qui a abouti à la production du rapport critique intitulé “Sirens in the deep : a critical juncture for seabed mining”.
Ce rapport analyse les enjeux liés à l’exploitation minière des fonds marins, en particulier pour la Polynésie française, qui dispose de la plus grande zone économique exclusive (ZEE) du Pacifique. Alors que cette activité est souvent présentée comme une opportunité économique et un levier pour la transition énergétique, l’étude démontre qu’elle comporte des risques majeurs. “L'objectif de ce travail est de donner à la Polynésie française, nation profondément liée à l'océan et dotée de la plus grande zone économique exclusive du Pacifique, les moyens de devenir un leader sur cette question et, peut-être, de rassembler les nations insulaires du Pacifique qui ont le plus à perdre”, explique le rapport.
“L'exploitation minière des fonds marins est un enjeu crucial pour tous ceux qui dépendent de l'océan. L'extraction de métaux des fonds marins est présentée comme nécessaire aux technologies énergétiques et de défense, et comme une opportunité lucrative pour les petits États insulaires en développement du Pacifique. En réalité, l'exploitation minière des fonds marins comporte des risques économiques, environnementaux et sociaux importants”, prévient le rapport dans sa synthèse. “L'exploitation minière commerciale risque de déchirer les fonds marins avant même que l'on ait une compréhension de base de ce qui sera détruit.”
Plus qu’un rapport de constat, l’étude produite avec l’aide de l’Université de Colombia propose de “prévenir une tragédie des biens communs dans l'océan Pacifique, tout en soutenant un développement économique durable sur la voie de son indépendance”. En effet, selon cette étude, “la Polynésie française est l'un des pays les plus susceptibles d'être touchés par les conséquences néfastes potentielles de l'exploitation minière en eaux profondes”. Le combat de Moetai Brotherson pour interdire l’exploitation des nodules polymétalliques dans la ZEE de la Polynésie française, et plus largement dans tout le Pacifique Sud a probablement trouvé là un allié de poids. Reste à convaincre le président de son parti, Oscar Temaru, qui resasse à longueur de conférence de presse qu’au contraire, cette exploitation doit se faire et que cette dernière “rendra possible l’indépendance de ce pays” et “fera milliardaires tous les Polynésiens”.
La Polynésie française a bénéficié de plusieurs études conduites par des étudiants dans le cadre notamment de projets Capstone. Un atelier Capstone est un exercice essentiel pour la validation du cursus des étudiants de la School of International and Public Affairs (SIPA). Encadrée par un professeur, une équipe d’étudiants s’attaque à une problématique concrète, dans le but de proposer des analyses innovantes et des recommandations pratiques adaptée.
En 2025, le Professeur Radon et la SIPA ont reconduit un projet Capstone qui a abouti à la production du rapport critique intitulé “Sirens in the deep : a critical juncture for seabed mining”.
Ce rapport analyse les enjeux liés à l’exploitation minière des fonds marins, en particulier pour la Polynésie française, qui dispose de la plus grande zone économique exclusive (ZEE) du Pacifique. Alors que cette activité est souvent présentée comme une opportunité économique et un levier pour la transition énergétique, l’étude démontre qu’elle comporte des risques majeurs. “L'objectif de ce travail est de donner à la Polynésie française, nation profondément liée à l'océan et dotée de la plus grande zone économique exclusive du Pacifique, les moyens de devenir un leader sur cette question et, peut-être, de rassembler les nations insulaires du Pacifique qui ont le plus à perdre”, explique le rapport.
“L'exploitation minière des fonds marins est un enjeu crucial pour tous ceux qui dépendent de l'océan. L'extraction de métaux des fonds marins est présentée comme nécessaire aux technologies énergétiques et de défense, et comme une opportunité lucrative pour les petits États insulaires en développement du Pacifique. En réalité, l'exploitation minière des fonds marins comporte des risques économiques, environnementaux et sociaux importants”, prévient le rapport dans sa synthèse. “L'exploitation minière commerciale risque de déchirer les fonds marins avant même que l'on ait une compréhension de base de ce qui sera détruit.”
Plus qu’un rapport de constat, l’étude produite avec l’aide de l’Université de Colombia propose de “prévenir une tragédie des biens communs dans l'océan Pacifique, tout en soutenant un développement économique durable sur la voie de son indépendance”. En effet, selon cette étude, “la Polynésie française est l'un des pays les plus susceptibles d'être touchés par les conséquences néfastes potentielles de l'exploitation minière en eaux profondes”. Le combat de Moetai Brotherson pour interdire l’exploitation des nodules polymétalliques dans la ZEE de la Polynésie française, et plus largement dans tout le Pacifique Sud a probablement trouvé là un allié de poids. Reste à convaincre le président de son parti, Oscar Temaru, qui resasse à longueur de conférence de presse qu’au contraire, cette exploitation doit se faire et que cette dernière “rendra possible l’indépendance de ce pays” et “fera milliardaires tous les Polynésiens”.
Tordre le cou à l’impératif
Pour justifier l’exploitation des fonds marins, de nombreux pays ont placé comme impératif cette course à l’armement technologique afin de ne pas rater le coche international. Malgré les louages de ces exploitations à venir, le rapport est plus circonspect sur trois points. En premier lieu, “les risques économiques”, avec “la volatilité des marchés miniers”. Il suffit de voir ce qu’il s’est passé à Makatea, à Nauru ou encore Nouvelle-Calédonie pour s’en convaincre. Pour ne pas transformer le Pacifique sud en nouveau “Germinal”, les chercheurs conseillent de raison garder, d’autant que les flous juridiques sur l’exploitation restent autant de verrous dont il faut se méfier.
Le rapport prend pour témoin le cours du lithium qui, après une hausse spectaculaire en 2021 et 2022, “lorsque les prix du lithium ont atteint huit fois leurs niveaux précédents”, a chuté de plus de 80 %, tandis que d'autres minéraux comme le nickel, le cobalt et le graphite ont vu leurs prix chuter d'environ 50 %. Un yo-yo spéculatif qui peut rendre la Polynésie française aussi puissante que misérable. “Pour les pays insulaires du Pacifique, dont les marges de manœuvre budgétaires sont limitées et dont la dette est déjà lourde, ancrer leur croissance future dans un marché aussi volatile est non seulement risqué, mais aussi imprudent sur le plan budgétaire”, observe cette étude.
D’autre part, les risques environnementaux sont aussi évoqués dans le rapport qui met en avant “les dommages potentiels des activités minières commerciales” comprenant “la destruction des habitats, la perte de biodiversité et les menaces pour la sécurité alimentaire et la santé humaine”.
Enfin, le rapport interroge : Faut-il se livrer à corps perdu dans cette nouvelle bataille commerciale ? “Les données actuelles suggèrent que l'extraction en eaux profondes n'est pas nécessaire pour répondre à la demande”, explique le rapport qui poursuit : “Les prévisions à court terme concernant les minéraux clés présents dans les nodules polymétalliques ont ralenti, tandis que des alternatives viables, telles que les sources terrestres, le recyclage et l'innovation dans les chaînes d'approvisionnement, restent disponibles.”
Les chercheurs préfèrent proposer à la Polynésie française de “donner la priorité à l'innovation dans les chaînes d'approvisionnement et aux infrastructures de recyclage”.
Le rapport prend pour témoin le cours du lithium qui, après une hausse spectaculaire en 2021 et 2022, “lorsque les prix du lithium ont atteint huit fois leurs niveaux précédents”, a chuté de plus de 80 %, tandis que d'autres minéraux comme le nickel, le cobalt et le graphite ont vu leurs prix chuter d'environ 50 %. Un yo-yo spéculatif qui peut rendre la Polynésie française aussi puissante que misérable. “Pour les pays insulaires du Pacifique, dont les marges de manœuvre budgétaires sont limitées et dont la dette est déjà lourde, ancrer leur croissance future dans un marché aussi volatile est non seulement risqué, mais aussi imprudent sur le plan budgétaire”, observe cette étude.
D’autre part, les risques environnementaux sont aussi évoqués dans le rapport qui met en avant “les dommages potentiels des activités minières commerciales” comprenant “la destruction des habitats, la perte de biodiversité et les menaces pour la sécurité alimentaire et la santé humaine”.
Enfin, le rapport interroge : Faut-il se livrer à corps perdu dans cette nouvelle bataille commerciale ? “Les données actuelles suggèrent que l'extraction en eaux profondes n'est pas nécessaire pour répondre à la demande”, explique le rapport qui poursuit : “Les prévisions à court terme concernant les minéraux clés présents dans les nodules polymétalliques ont ralenti, tandis que des alternatives viables, telles que les sources terrestres, le recyclage et l'innovation dans les chaînes d'approvisionnement, restent disponibles.”
Les chercheurs préfèrent proposer à la Polynésie française de “donner la priorité à l'innovation dans les chaînes d'approvisionnement et aux infrastructures de recyclage”.
Pour le Professeur Radon et la SIPA, Oscar Temaru fait fausse route au sujet de l’exploitation des nodules polymétalliques dans les eaux polynésiennes. (Photo : BP)Pour le Professeur Radon et la SIPA, Oscar Temaru fait fausse route au sujet de l’exploitation des nodules polymétalliques dans les eaux polynésiennes. (Photo : BP)
Le spectre d’un nouveau CEA
Sans le nommer dans aucune ligne de son rapport de 109 pages, le spectre du CEA (Centre d’Expérimentation Atomique) fait son retour dans le projet d’exploitation minière sous-marine.
Emplois de basse qualité, mal rémunérés, bafouant les règles et les codes locaux sur le droit du Travail sont évoqués tout au long du rapport.
Surtout, l’étude de l’Université de Columbia pointe du doigt les risques sanitaires pour les travailleurs : “L'ampleur réelle des risques pour la santé reste incertaine”, estime le rapport. “Il est clair que le potentiel d'exposition des travailleurs aux matières radioactives constitue une préoccupation importante qui n'a pas été pleinement évaluée. Tout cadre réglementaire relatif à l'exploitation minière en eaux profondes doit tenir compte de ces risques pour la santé au travail en mettant en œuvre des mesures de protection rigoureuses pour les travailleurs impliqués dans le traitement, le stockage et le transport des nodules polymétalliques.”
Cet aspect toxicologique est aussi repris dans le volet environnemental. “Les interactions complexes des écosystèmes seront également affectées, la toxicité potentielle des métaux libérés lors de la perturbation des sédiments posant des menaces écologiques importantes. (…) Les métaux toxiques libérés lors des activités minières s'accumulent dans les organismes marins, affectant potentiellement les pêcheries et le réseau trophique marin au sens large.”