​Ca pousse pour le paka thérapeutique


Tahiti, le 16 septembre 2020 - L'expérimentation sur l'usage thérapeutique du cannabis devrait démarrer en 2021. Ce sont en tous cas les conclusions de la mission d'information parlementaire à laquelle a participé le député polynésien, Moetai Brotherson. "Elle a déjà pris suffisamment de retard, maintenant il faut passer aux actions", affirme le rapporteur général de la mission, le député Jean-Baptiste Moreau.
 
Cela fait plus de deux ans que le sujet de l'usage thérapeutique du cannabis est à l'étude au niveau national. Mais aujourd'hui, le rapport de la mission d'information sur la règlementation et l'impact des différents usages du cannabis demande d'accélérer. Chercheurs, médecins, patients et familles sont unanimes. Ils attendent notamment un nouveau traitement pour soulager les douleurs, comme l'indique le rapport d'étape sur cette expérimentation. Les 30 députés membres de la mission, parmi lesquels Moetai Brotherson ou encore l'ancienne ministre des Outre-mer George Pau-Langevin, se sont exprimés à l'unanimité en faveur de cette expérimentation thérapeutique. Le président de la mission d'information Rodin Reda affirme que les patients atteints de maladies graves et qui en souffrent "n'ont pas d'autres solutions pour se soigner, pour soulager leurs douleurs que d'essayer de nouvelles formes de traitements, qui par ailleurs sont déjà autorisées à l'étranger".

"Trop de retard"

Rodin Roda considère que les choses ont pris "trop de retard" et qu'il faut accélérer ce processus pour "permettre enfin à la médecine moderne d'aller vers une amélioration du traitement pour les patients atteints d'une maladie grave". Une analyse que partage le député Moetai Brotherson, membre de la mission : "c'est évident que le cannabis a un potentiel qu'il soit récréatif, thérapeutique, dans toutes ses composantes. Mais il faut être réaliste. On a déjà dix trains de retard par rapport au reste du monde et ça c'est un syndrome bien français". Même le rapporteur général de la mission Jean-Baptiste Moreau explique que ce dossier a "déjà pris suffisamment de retard, maintenant il faut passer aux actions". Et pour que cette expérimentation devienne réalité, il affirme qu'il faut "un véritable financement" pour acheter les différents produits, et éviter les dons pour ne pas qu'il y ait d'ambigüités et conflits d'intérêts. Il rappelle qu'une évolution législative doit avoir lieu pour pouvoir "exploiter l'intégralité de la plante et notamment la fleur pour pouvoir mettre en place une vraie filière française d'approvisionnement sur le cannabis thérapeutique".

​"Il ne faut pas tout mélanger"

L'expérimentation thérapeutique devait démarrer en septembre dernier, mais elle a été décalée avec la crise sanitaire du Covid. Elle devrait durer deux ans et la mission d'information devra ensuite formuler des recommandations. Cette expérimentation concernera aussi les habitants des outre-mer. En effet, sur un total de 3 000 patients sur l'ensemble du territoire de la République, la Polynésie devrait compter une dizaine de patients, assure Moetai Brotherson. "L'idée serait d'avoir deux personnes par catégorie de pathologie". Le député polynésien regrette qu'aucun mineur ne soit prévu dans cette expérimentation : "ce que l'on peut trouver dommage, notamment pour certaines pathologies qui touchent les enfants. Mais c'est comme cela pour l'instant".
 
C'est un sujet compliqué et "il ne faut pas tout mélanger" assure le député, Moetai Brotherson. Et si le plan de relance Cap 2025 du gouvernement Fritch évoque dans sa partie "adaptations législatives de l'économie verte" le sujet du "cannabis thérapeutique", Moetai Brotherson reste dubitatif. "Ils ont mal lu les textes, puisque ce n'est pour l'instant pas réaliste. Cela ne dépend pas uniquement de la législation polynésienne. Cela dépend vraiment de la loi nationale. Et inclure cela dans le plan de relance, c'est de la communication à pas cher et c'est mentir aux gens".
 
Pour que l'expérimentation puisse débuter en janvier prochain, il faut au préalable qu'un décret soit pris avant la fin de cette de cette année.

Moetai Brotherson : "On a déjà dix trains de retard"

La Polynésie pourrait-elle devenir une filière d'approvisionnement ?
"Pour l'instant ce n'est pas prévu (…). Ce sont des sociétés suisses allemandes, israéliennes et même le Canada car ils le font déjà depuis longtemps. En plus ici, c'est considéré comme un produit illégal. Tous ceux qui en cultivent sont dans l'illégalité. Et ils ne peuvent pas se mettre au standard requis car ce sont des plantations sous serre, en atmosphère contrôlée digne de la Nasa. Car un médicament doit être productible des millions de fois, donc pas de variance dans la teneur en tétrahydrocannabinol (THC) ou en cannabidiol (CBD) présents dans la plante. On n'est pas dans l'artisanat. Il y a quelques personnes sérieuses en Polynésie qui se sont formées en Nouvelle-Zélande pour atteindre ce niveau-là, mais aujourd'hui on en est très loin (…). En plus, il y a des velléités à développer la filière du chanvre chez nous (…). Alors qu'on peut faire des matériaux de constructions, des aliments les humains, des fibres textiles, pour l'industrie automobile, ce ne sont pas des produits expérimentaux ce sont des produits vendus aujourd'hui en Europe. Comme les portières des voitures de luxe en Allemagne (…). C'est plus rigide, plus solide que les matières synthétiques. Et nous par rapport à cela, on peut se positionner".

 
La Polynésie pourrait-elle en tirer profit ?
"Oui effectivement, mais nous ne sommes pas indépendants. On est "autonomes". Il y a toute une partie de la législation qui n'est pas prise ici, notamment tout ce qui est autour des stupéfiants et de la loi sur les stupéfiants. Il y a une partie qui dépend de la Polynésie, il y a certaines choses qu'on peut faire mais c'est à titre temporaire et à titre d'expérimentation uniquement. De plus, les récentes déclarations du ministre de l'Intérieur ne sont pas très optimistes là-dessus. (…) Oscar Temaru en a parlé il y a quelques années et on s'était moqué de lui. Et aujourd'hui on l'inclut dans le plan de relance, c'est bien… C'est évident que le cannabis a un potentiel, qu'il soit récréatif, thérapeutique, dans toutes ses composantes, mais il faut être réaliste. On a déjà dix trains de retard par rapport au reste du monde et ça c'est un syndrome bien français".
 

MIC-cannabis_rapport_etape_therapeutique.pdf  (719.32 Ko)


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 16 Septembre 2020 à 20:35 | Lu 4025 fois