Tahiti, le 26 avril 2021 - Après 14 années de “silence éditorial”, la 6e édition du Dossier d’archéologie polynésienne permet de restituer au grand public le bilan des fouilles entre 2005 et 2015. Dix ans de recherches pour mieux “comprendre notre histoire”, soit l’équivalent de 85 opérations archéologiques sur toute la Polynésie.
Si la crise du Covid a mis un coup de frein aux fouilles archéologiques et à la venue de chercheurs, elle a mis un coup d’accélérateur au bouclage du dossier d’archéologie polynésienne. Après 14 années de “
silence éditorial”, le voici, fraîchement sorti de l’imprimante en 500 exemplaires et fièrement présenté aux médias hier à l’occasion d’une conférence de presse à la présidence. Après “
cette très longue pause” il était temps de “
diffuser la restitution des travaux au plus grand nombre” introduit le ministre de la Culture, Heremoana Maamaatuaiahutapu.
Outil de synthèse de 350 pages, cette 6
e édition compile les recherches de 2005 à 2015. “
Une période riche, marquée par l’avènement et le perfectionnement d’une archéologie moderne et pluridisciplinaire” note l’article d’introduction du bilan. Dix années pour mieux “
comprendre qui nous sommes”, d’où nous venons et répondre aux questions qui subsistent sur le peuplement de la Polynésie, les réseaux d’échange et les pratiques religieuses pré-européennes. “
C’est quelque chose qui méritait d’être vulgarisé pour le rendre accessible” reprend le ministre.
Les Marquises, les Australes, les Tuamotu, les îles du Vent ou les îles Sous-le-Vent : de 2005 à 2015, 85 opérations archéologiques ont été autorisées sur toute la Polynésie, avec un focus sur 13 îles en particulier, témoignant d’un certain dynamisme de la discipline en Polynésie.
“Ça nous a demandé deux ans de coordination entre plus de 50 auteurs, universitaires, étudiants et bénévoles” confie l’archéologue de la cellule “patrimoine culturel” à la direction de la culture, Anatauarii Tamarii.
A l’origine de cette initiative, il incarne lui-même cette nouvelle génération d’archéologues locaux qui permet de faire le lien plus facilement avec les populations locales, parfois frileuses à l’idée de voir des étrangers ou des métropolitains fouiller leur terre. “
Le fait de les faire participer les rassure également, rappelle le ministre. C’est important de montrer au public que les archéologues
ne sont pas là juste pour aller camper dans la vallée et faire des trous“.
Gros effort de vulgarisation Mais si les archéologues sont déjà tenus de rédiger à chaque fois une synthèse de leurs travaux, un gros travail de vulgarisation s’impose, les articles scientifiques étant loin d’être digestes pour le grand public. Aussi ce bilan de la recherche archéologique regroupe 37 articles résumés en français, en anglais et pour la première fois, dans la langue véhiculaire de l’archipel concerné. Dans le même esprit, cinq capsules vidéos reprenant quatre thématiques phares ainsi qu’une présentation générale du dossier s’efforcent de démystifier encore une discipline, longtemps attribué à des chercheurs métropolitains ou étrangers. “
L’idée c’est de rendre la parole aux archéologues mais aussi aux acteurs qui font l’archéologie, à savoir les populations locales” souligne Anatauarii.
Avec 36% des opérations -contre 32% aux îles du Vent- c’est aux Marquises que l’archéologie sera la plus dynamique sur cette dernière décennie, avec une reprise intensive des travaux à Ua Huka. Ainsi à Hane, “
site-clef pour le peuplement polynésien”, la reprise des fouilles en 2009 par Eric Conte et Guillaume Molle ont permis de compléter la carte archéologique de l’île et documenter les modes d’habitats traditionnels. A Nuku Hiva, les travaux menés par Melinda Allen ont mis à jour une enclave défensive, tandis que les analyses d’Andrew McAlister sur des prélèvements de roches ont permis de dresser un tableau des réseaux d’échanges à l’échelle des vallées et des îles. A Hiva Oa, les recommandations des archéologues sur le projet de construction de captage d’eau dans la vallée de Taaoa permettent de concilier sauvegarde du patrimoine et développement urbain.
Du côté des Tuamotu-Gambier qui comptabilisent treize missions archéologiques, soit 15% des opérations, les recherches ont permis de mieux documenter les modes de vie, les pratiques religieuses et funéraires de l’ancienne communauté qui l’occupait et, au-delà, des habitants de l’archipel.
Le peuplement du Pacifique, une question qui obsède Autant de recherches qui contribuent à la progression des connaissances sur les sociétés polynésiennes pré européennes. “
En l’espace d’une décennie, ces études ont apporté des éléments inédits sur le fonctionnement interne des groupes humains, renseignant sur différents aspects de leur mode de vie : habitat traditionnel, pratique religieuses ou funéraires” note l’article d’introduction.
Avec en moyenne huit missions de terrain par an, les travaux restent cependant “
relativement faibles au regard de l’étendue du territoire et des vastes zones d’ombres qui couvrent encore la préhistoire polynésienne”. Ce qui peut sans doute s’expliquer selon lui “
par le nombre relativement réduit de chercheurs dans ce domaine” justifie l’article d’introduction. A l’inverse, la Polynésie attire toujours autant les archéologues. “
La question du peuplement c’est quelque chose qui a toujours obsédé les chercheurs, certainement parce qu’il s’agit de la plus grande épopée maritime jamais effectuée par l’homme” commente Anatauarii.
Et s’il a fallu attendre 2021 pour restituer des travaux de 2005, c’était à défaut d’une “
volonté politique“ d’une part, mais aussi “
parce qu’il manquait quelqu’un qui se saisisse du dossier et qui le coordonne précise le ministre de la Culture. Ainsi, la parution de ce nouvel opus s’inscrit dans une nouvelle dynamique insufflée par la mutation du service de la culture et du patrimoine en direction de la culture et du patrimoine. Ce qui avait déjà permis de redéfinir ses missions et de consacrer à cette discipline une cellule “patrimoine culturel” dotée de deux archéologues. Dont Anatauarii, lui-même passé par le Cirap (Centre International de Recherche Archéologique sur la Polynésie). Créée en janvier 2007 sous l’impulsion du Professeur Eric Conte, l’organisme peut d’ailleurs se targuer d’avoir participé à la formation de six doctorants sur l’archéologie en Polynésie, dont deux de l’UPF.