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"On nous prend pour de mauvais parents", témoigne la mère d'enfants hyperactifs


"On nous prend pour de mauvais parents", témoigne la mère d'enfants hyperactifs
Paris, France | AFP | jeudi 12/02/2015 - "On ne nous prend pas au sérieux." "On nous traite souvent comme de mauvais parents, incapables de gérer leurs enfants": Mme G, mère de deux fils atteints de troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), raconte ses années de galère.

Beaucoup reste à faire, selon elle, "pour mieux sensibiliser le corps médical et les enseignants" face à ce trouble susceptible d'avoir de sérieuses répercussions sur la vie familiale et scolaire et qui pourrait, selon la Haute autorité de santé (HAS), toucher jusqu'à 5% des enfants scolarisés en France.

L'histoire de Mme G, qui a souhaité témoigner de manière anonyme, est représentative de ce que vivent nombre de parents confrontés à ce problème.

Né en 1998, Mathieu, son aîné, est un nourrisson plein de vie: "Il grimpait partout et finissait souvent aux urgences", se souvient-elle.

Les choses se gâtent dès la première année de maternelle. "La maîtresse trouvait qu'il ne tenait pas en place, qu'il n'écoutait pas et qu'il n'en faisait qu'à sa tête."

Consulté à la fin de la maternelle, un pédiatre juge qu'il n'y a pas de problème. Il met l'agitation de Mathieu sur le compte de la naissance de son petit frère.

Deux ans plus tard, la situation a encore empiré: l'école continue à se plaindre et à le sanctionner par des punitions. Pendant deux mois, il est même envoyé en Rased, un dispositif réservé aux élèves en grande difficulté, alors qu'un test de QI révèlera par la suite qu'il est un enfant précoce. Il saute la classe de CE2, sans que les choses rentrent dans l'ordre.

L'éventualité d'un TDAH est pour la première fois évoquée par une neuropsychologue lorsqu'il a presque 9 ans. Les tests sont positifs et le diagnostic tombe: "TDAH avec impulsivité et trouble oppositionnel".

Une fois par semaine, il voit un psychiatre "qui lui apprend les limites", mais les résultats ne sont pas évidents. "Il se sentait de plus en plus mal, il n'avait aucun copain et n'était jamais invité aux anniversaires", raconte Mme G.

L'instauration d'un traitement à base de comprimés de Ritaline (méthylphénidate) améliore les choses. Mais l'effet du médicament ne dure que 8 heures, "le temps de l'école", et les dosages doivent régulièrement être adaptés.

- Harcelé au collège -

Harcelé au collège - "tout le monde savait, mais personne n'a rien dit", selon Mme G -, il est inscrit dans une école privée où "les choses se passent cahin-caha". A la maison en revanche, les disputes se multiplient au point d'avoir finalement dû opter pour l'internat.

Mais entretemps, Mme G a dû recommencer à se battre pour son second fils Loris, né en 2003. Comme son frère, il bouge tout le temps et n'écoute pas les maîtresses. "Il ne peut pas rester plus de deux minutes à faire la même chose, c'est la bataille pour les devoirs." A 7 ans, il est à son tour étiqueté TDAH.

Ses parents refusent la Ritaline, préférant opter pour des traitements psycho-comportementaux: Mme G, qui prend elle-même des anti-dépresseurs, cite notamment la rééducation de l'attention chez un orthophoniste, la graphothérapeute pour améliorer son écriture et la "guidance parentale" chez un psychiatre.

La vie de Loris reste difficile: "Il est stigmatisé de partout parce qu'il bouge beaucoup." Il a même été "interdit" dernièrement de voyage scolaire, "une injustice intolérable", selon sa mère.

Elle se sent mal comprise du corps enseignant. "Tous les ans, on leur explique ce qu'est le TDAH", mais "en face, on nous répète que l'enfant ne fait aucun effort, qu'il est insolent, mal élevé", dit-elle.

"La plupart des enseignants visualisent bien la dyslexie ou la dysorthographie mais ils ne voient pas ce qu'est un TDAH, surtout si l'enfant a de bons résultats scolaires", déplore-t-elle.

Quant au regard des autres, il est difficilement tolérable. "On vous fait vite comprendre qu'il faudrait mieux tenir vos enfants (...) et que vous êtes de mauvais parents."

Hyperactivité et déficit d'attention: la France veut améliorer le dépistage

Que faire avec des enfants qui bougent tout le temps, sont incapables de se concentrer et épuisent leur entourage ? La Haute autorité de santé (HAS) formule pour la première fois des recommandations pour mieux repérer et prendre en charge les troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

"Notre objectif est de fournir des repères aux médecins généralistes pour qu'ils puissent mieux identifier les enfants qui en sont atteints et les adresser à des spécialistes pour une prise en charge précoce", précise le Dr Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS, l'organisme public chargé de définir les bonnes pratiques médicales.

Repérer un "TDAH", un trouble connu depuis une vingtaine d'années, n'est pas aisé car il recouvre trois symptômes différents - un manque d'attention, une agitation incessante et une impulsivité - qui peuvent coexister à des degrés divers.

"Tous les enfants turbulents ne sont pas TDAH. Ce qui permet le diagnostic, c'est la lourdeur, l'intensité, la sévérité et la persistance des symptômes pendant au moins six mois", souligne le Dr Grouchka.

Et contrairement à ce qu'on imagine, le symptôme le plus fréquent n'est pas l'agitation mais le déficit de l'attention (incapacité à terminer une tâche, oublis fréquents, le fait d'être distrait) qu'on retrouve chez 47% des enfants diagnostiqués. 36% souffrent principalement d'hyperactivité, les 17% restant combinent les trois symptômes.

Pour qu'on puisse parler de TDAH, souligne de son côté la Haute Autorité, il doit y avoir une altération "durable et significative" du fonctionnement social, scolaire et de la qualité de vie des enfants.

Cette prise de position intervient alors qu'une vive polémique fait rage dans plusieurs pays autour du sur-diagnostic et du sur-traitement de ces troubles, certains experts allant jusqu'à contester leur réalité.

Aux Etats-Unis, 11% des enfants d'âge scolaire souffriraient de TDAH, dont un million diagnostiqués et traités à tort, selon une étude publiée en 2010.

- 3 à 5% des enfants scolarisés touchés -

En France, la HAS estime qu'entre 3,5 et 5,6% des enfants scolarisés seraient touchés, soit entre 300.000 et 500.000 enfants, dont une majorité de garçons (environ 2 à 3 garçons pour une fille).

Le diagnostic est posé en moyenne vers 9-10 ans, ce qui est parfois un peu tard, avec comme conséquence "une perte de chance" pour les enfants concernés, souligne le Dr Grouchka.

Tout retard, précise-t-il, peut aggraver les problèmes scolaires (redoublements, exclusions), psychologiques (perte de confiance en soi), familiaux (contestation et conflits) et les difficultés relationnelles avec les enfants de leur âge.

Certains spécialistes évoquent également un risque accru de conduites addictives à l'adolescence.

Pour Christine Gétin, la présidente de HyperSupers TDAH France, la principale association de parents d'enfants atteints de TDAH, il est grand temps de se préoccuper du problème.

"C'est actuellement une galère sans nom pour les parents qui vont d'un médecin à l'autre sans qu'on puisse leur apporter une réponse claire", relève-t-elle. Et une fois le diagnostic posé, "ils n'ont pas d'interlocuteur sur le terrain", ajoute-t-elle.

La HAS estime pour sa part que la prise en charge doit "d'abord et avant tout" être "non médicamenteuse" et basée sur des "mesures diversifiées, adaptées à chaque cas".

Ces mesures sont proposées par les spécialistes (pédopsychiatre, neuropédiatre...), qui ont le choix entre diverses approches (psychologique, comportementale, éducative) sur lesquelles la HAS ne se prononce pas explicitement.

La méthylphénidate, (Ritaline, Concerta ou Quasym), un médicament psychostimulant puissant, ne doit en revanche être réservée qu'aux cas rebelles.

"Sa prescription est strictement réglementée", rappelle le Dr Grouchka qui évalue entre 10 à 15% le nombre d'enfants TDAH qui prennent ce médicament en France, contre près de 50% aux Etats-Unis.

Le Dr Jean Chambry, pédopsychiatre qui a participé à l'élaboration de la recommandation, reconnait de son côté qu'on connait mal les causes du TDAH.

"Il y a probablement une fragilité génétique", estime le médecin. Mais il n'exclut pas que des facteurs environnementaux comme la sur-stimulation, le temps passé sur écran ou le non-respect du rythme veille-sommeil puissent également jouer un rôle.

Rédigé par () le Jeudi 12 Février 2015 à 05:58 | Lu 1021 fois