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"La fierté d'être gros": le cri de ralliement d'un nouveau type de militants


"La fierté d'être gros": le cri de ralliement d'un nouveau type de militants
WELLINGTON, 13 juil 2012 - L'Américaine Cat Pause se décrit comme "grosse", mais elle réfute les termes "obèse" ou "en surpoids". Elle est pionnière d'un nouveau champ d'études universitaires sur la place des gros dans nos sociétés, et elle revendique la fierté d'être très très ronde.

Chercheurs et professeurs venus d'Australie et des Etats-Unis se sont réunis cette fin de semaine à l'université Massey à Wellington, pour la première conférence en Nouvelle-Zélande consacrée à cette nouvelle discipline qui a, selon Cat Pause, sa place dans les facs aux côtés de l'histoire ou des sciences politiques.

Les participants y ont discuté d'études intitulées "La haine des gros et la Gauche à l'époque de +l'épidémie d'obésité+", ou encore "Le rôle du diagnostic dans la marginalisation de la corpulence".

"Une des raison pour laquelle nous avons si peur et haïssons la graisse est que nous pensons que nous pouvons lire dans le corps des gens", déclare l'Américaine à l'AFP. "Lorsque des gens voient un corps comme le mien, il leur dit que je suis en mauvaise santé, que c'est un corps malade. Il leur dit que je ne fais pas de sport et que je ne mange que des cochonneries".

Mais la réalité est que certaines personnes sont plus grosses que d'autres, selon elle. L'étude des gros ("fat studies") souligne la nécessité pour la société d'accepter ce fait, plutôt que de juger les gros et de les pousser à perdre du poids.

Son premier objectif a été de se réapproprier le mot "gros", afin qu'il ne soit pas utilisé comme une insulte, un peu comme la communauté homosexuelle avait revendiqué le terme "queer".

Les gens parlent désormais de "fierté d'être gros", comme il y a la "fierté d'être homo" (gay pride). Ils veulent résister à ce qu'ils considèrent comme la pression de tout un secteur économique pour leur faire perdre du poids.

Cat Pause déteste l'expression "être en surpoids" car cela implique le fait qu'elle est au-dessus de son poids normal. Elle ne s'est pas pesée depuis des années mais la dernière fois, elle faisait 130 kg.

De même, "obésité" est un terme médical, "utilisé par la communauté médicale pour en faire une pathologie, une maladie", estime-t-elle.

Pour Andrew Dickson, professeur à l'université de Massey, l'industrie autour de la perte de poids s'est construite sur l'insécurité des personnes grosses.

"On sait que 95% des gens qui tentent de perdre du poids échoueront. On ne peut donc pas parler d'un secteur économique axé sur la perte de poids, ce qu'ils vendent, ce sont des solutions pour traiter l'anxiété autour du poids", selon lui.

Lui-même n'a jamais été aussi angoissé que lorsqu'il a suivi un régime pour ramener son poids à 86 kg, en partant de 130, à coups de courses à pieds, de diètes et de pilules pour maigrir.

Il pèse maintenant 100 kg et estime être en bonne santé même si les graphiques le classent parmi les obèses.

Les médecins soulignent pourtant qu'être très gros peut avoir de graves conséquences pour la santé. "Il ne s'agit pas seulement de regarder combien vous pesez par rapport à votre taille, il s'agit aussi de voir ce qui se passe avec votre foie, votre pancréas, dans des endroits qui ne sont pas visibles", a mis en garde Elaine Rush, nutritionniste à l'université de Technologie d'Auckland, interrogée sur TVNew-Zealand.

Kath Read, une Australienne qui participe à la conférence, est effarée de la méchanceté des réflexions qui lui sont parfois adressées.

"Il se passe rarement une journée sans qu'un inconnu me balance une grossièreté dans la rue", déclare-t-elle. "Et pas forcément venant de gens auxquels on pourrait s'attendre, comme par exemple des ados, mais de la part de personnes en costume-cravatte, ou de femmes de mon âge, 40 ans. Bref, venant de personnes qu'on pense être tout à fait respectables".

Il existe des lois contre le racisme ou le sexisme, or la discrimination envers les gros n'est pas seulement tolérée, selon elle, mais encouragée par les gouvernements qui mènent des campagnes anti-obésité.

Pour faire la nique aux kilos en trop, Pause Cat collectionne des balances importées des Etats-Unis: à la place du nombre de kilos, des appréciations comme "fantastique", "parfait", "sexy"...


Par Neil SANDS


Rédigé par AFP le Samedi 14 Juillet 2012 à 00:06 | Lu 919 fois