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Un pétrolier australien voit l'Eldorado en Lorraine, les experts sceptiques


Un pétrolier australien voit l'Eldorado en Lorraine, les experts sceptiques
PARIS, 16 septembre 2011 (AFP) - La Lorraine dormirait sur d'énormes quantités de gaz et de pétrole, selon un groupe australien, mais cette affirmation laisse sceptiques les experts, sur fond de lobbying des industriels pour faire revenir la France sur son refus d'exploiter les hydrocarbures de schiste.

Dans un communiqué boursier publié à Sydney, Elixir Petroleum, groupe d'exploration-production basé à Perth (ouest de l'Australie), a déclaré vendredi que son permis "Moselle" dans l'est de la France contiendrait notamment jusqu'à 164,7 milliards de barils de pétrole de schiste.

Le chiffre se fonde sur un audit "indépendant" d'un cabinet texan, Netherland, Sewell & Associates (NSAI), a précisé le groupe.

Le permis, grand de 5.000 kilomètres carrés, qui s'étend sur plusieurs départements (Moselle, Meurthe-et-Moselle, Meuse et Vosges), recèlerait également 649.700 milliards de pieds-cube de gaz de schiste, d'après le même audit.

Le site de prospection lorrain contient également en quantité des hydrocarbures conventionnels - 2,1 milliards de barils de pétrole et 2.200 milliards de pieds-cubes de gaz, selon Elixir.

Ces données ont de quoi faire rêver : à titre de comparaison, les réserves jugées exploitables dans le monde entier étaient fin 2010 de 1.383 milliards de barils de pétrole et de 6,6 millions de milliards de pieds-cubes de gaz, selon la BP Statistical Review of World Energy.

Pour autant, le Bureau exploration production des hydrocarbures (BEPH), dépendant du ministère de l'Energie, se dit "très réservé" sur les chiffres avancés par Elixir.

"Géologiquement, j'ai d'énormes doutes", a déclaré à l'AFP un géologue du Bureau, soulignant que toutes les recherches en Lorraine par le passé se sont montrées infructueuses et qu'il s'agissait pour l'heure de "spéculations". "Le seul juge de paix, c'est le forage", a-t-il souligné.

Interrogé par l'AFP, Elixir Petroleum a lui-même souligné qu'il s'agissait d'une estimation des hydrocarbures "en place" dans le sous-sol, dont seul "un pourcentage relativement faible" peut véritablement être extrait.

En outre, la seule technique utilisée pour exploiter des hydrocarbures de schiste, la "fracturation" hydraulique, a été interdite en juillet en France, et la compagnie australienne a confirmé aux autorités françaises qu'elle n'a pas l'intention d'utiliser cette technique.

Elixir entend se concentrer désormais "sur 19 cibles très prospectives" d'hydrocarbures conventionnels en Lorraine.

Son annonce coïncide avec la remise cette semaine au gouvernement de rapports des compagnies disposant de permis dans les hydrocarbures de schiste, sommées de clarifier leurs intentions après l'interdiction de la fracturation, au risque de perdre leurs permis.

Au total, 64 dossiers ont été remis, a-t-on appris de source officielle. Le géant Total avait annoncé lundi qu'il souhaitait continuer l'exploration sur le permis "Montélimar" dans le sud-est de la France, sans fracturation.

Selon les détracteurs de la technique, les pétroliers cherchent surtout à gagner du temps en cas de retournement politique, ce qu'Elixir ne cache pas.

"Si à un moment donné il y avait un changement dans la position politique sur la fracturation hydraulique, nous anticipons qu'Elixir sera bien préparé pour évaluer la valeur possible des ressources d'hydrocarbures" de schiste de son permis lorrain, écrit-il vendredi.

La fracturation hydraulique consiste à "fracturer" la roche avec un mélange d'eau, de sédiments et de produits chimiques projeté à haute pression, afin de libérer les hydrocarbures, une méthode jugée polluante par ses opposants.

L'espoir pétrolier pour la France est pour l'heure outre-mer: la semaine dernière, une découverte considérée comme prometteuse a été faite en eaux profondes lors d'un forage au large de la Guyane française, suscitant l'inquiétude d'écologistes.

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Rédigé par Par Marc PREEL le Vendredi 16 Septembre 2011 à 04:35 | Lu 622 fois