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Les grévistes campent à la présidence


Tahiti, le 12 février 2020 - Près d'une centaine d'agents de la DSFE a manifesté mercredi matin devant le portail de la présidence. Un mouvement qui a porté ses fruits puisque qu'ils ont été reçus en fin d'après-midi par leur ministre de tutelle Isabelle Sachet, la ministre de la Fonction publique Téa Frogier et la ministre du Travail Nicole Bouteau. Mais mercredi soir, la réunion n'a pas débouché sur un accord et une marche est prévue jeudi matin entre le siège des affaires sociales et la présidence.

Les agents de la Direction des solidarités, de la famille et de l'égalité (DSFE) étaient comme prévu postés mercredi matin devant le portail de la présidence dans l’espoir d’être reçus par Edouard Fritch. Après quelque 5 heures d'attente, on leur a annoncé qu'une réunion était programmée avec leur ministre de tutelle Isabelle Sachet, la ministre de la Fonction publique Téa Frogier et la ministre de Travail Nicole Bouteau à 17 heures.

Il était à peine 8 heures du matin que les travailleurs sociaux étaient déjà affairés à inscrire sur leurs banderoles leurs meilleurs phrases : “On ne négocie pas avec la protection de l'enfance”, “Surcharge administrative au détriment du terrain”, “Service social saturé = professionnels épuisés = familles en danger”, “Ni pion, ni con, président respectez-nous” ou encore “travailleurs sociaux, psychologue oui, super héros non”. Les écriteaux prêts, certains agents se sont installés devant le portail de la présidence, d'autres au rond-point situé avenue Pouvanaa a Oopa. Et pendant plusieurs heures, ils ont essayé de sensibiliser les automobilistes du centre-ville.
 
Le conseil des ministres se penche sur le problème
 
Selon Yves Laugrost du syndicat A Ti'a i mua, la grève des travailleurs sociaux était au centre des discussions du conseil des ministres. “Ils auraient pris des décisions à votre sujet et auraient des propositions fermes à vous faire". Et pour calmer les esprits, car les agents auraient voulus être reçus par le président, la déléguée syndicale de A Ti'a i Mua, Claudine Laugrost a indiqué que “si le président a donné carte blanche à ses ministres (…) cela ne me dérange pas (…). On avait dit lors de nos réunions, que si le président n'a pas le temps de venir nous voir, qu'il s'engage fermement (…).Donc on va voir ce qu'ils vont nous dire ce soir”.
 
“S'il y a trop de blabla on va se lever”
 
La déléguée syndicale a précisé que si les propositions du gouvernement leur conviennent, le mouvement de grève sera levé. Dans le cas contraire, le mouvement va continuer ce matin, avec cette fois-ci une marche à partir de 8 heures entre l'immeuble Te Hotu jusqu'à la présidence. La mise en place de concours, la reconnaissance de la pénibilité du travail, l'octroi de jours de récupération ou encore le renforcement au niveau des ressources humaines au travers de création de poste ou encore le maintien des postes, telles sont quelques-unes des revendications des travailleurs sociaux. Claudine Laugrost affirme qu'elle est confiante quant à la réunion prévue mais précise que “s'il y a du blabla, on va se lever car on est fatigué”. Tard dans la soirée, les négociations ont achoppé sur l'absence de concours mis en place en 2020. Le mouvement de grève va donc se poursuivre jeudi.

Yves Laugrost, trésorier de A Ti'a i Mua : “Ils sont vraiment en souffrance”

 
Vous espérez que le président vous reçoive aujourd'hui ? 
“C'est la seule possibilité qu'on a puisque la ministre a atteint les limites de ses compétences en matière de pouvoirs puisqu'on demande l'ouverture de concours. Le conseil des ministres doit décider ce matin de l'ouverture de concours pour 2020 et on veut que les concours concernant le service social y soient inscrits”. 
Qu’allez-vous faire s'il ne vous reçoit pas ? 
“Si on n'est pas reçu aujourd'hui, demain on marchera et après-demain on fera autre chose”. 
Pensez-vous que vous allez être entendus ? 
“On espère car ils sont vraiment en souffrance à cause du manque de moyens. On a déposé un préavis de grève en octobre dernier, on avait reçu un certain nombre d'engagements. Le budget de la Polynésie a été voté, et non seulement les engagements n'ont pas été respectés et en plus on déshabille le personnel pour l’envoyer à la Délégation contre la délinquance juvénile.”
On nous dit que cette délégation pourrait alléger le travail de la DSFE ?
“Oui, cela va alléger, mais pas en proportion du personnel qui est enlevé. Les trois personnes qui partent emmènent des compétences. On proposait, et c'est une idée de la CSTP-FO à laquelle A Tia i mua a souscrit, de créer un concours dès cette année de manière à remplir les postes et ainsi donner de l'air aux affaires sociales, de titulariser les agents en situation précaire, et d’obtenir l'an prochain des postes nouveaux pour faire entrer les jeunes qui sortent des écoles.”

Laurent Tarihaa, agent de la DSFE : “Les travailleurs sociaux sont malmenés”

Il est question, entre autres, de mettre en avant la pénibilité de votre travail? 
“La pénibilité du travail existe dans le code du travail polynésien, mais elle n'est pas forcément reliée à notre corps de métier. Lorsqu'on reçoit des papas en colère parce qu'ils ont attendu plus d'un mois pour qu'un travailleur social, par manque de moyen, puisse le recevoir, on peut comprendre que ce papa puisse passer à l'acte. On a eu des faits d'agression sur des travailleurs sociaux, verbales ou physiques. Certains se sont retrouvés avec des jours d'ITT, donc au quotidien les travailleurs sociaux sont malmenés. Notre travail consiste à rencontrer la difficulté des familles et cette difficulté est souvent cachée. On croule sous les signalements d'enfants maltraités ou qui ont été abusés. On est face à la misère du monde, on ne se plaint pas et c'est pour cela que nous sommes encore là. On pourrait démissionner mais on est encore là parce qu'on aime notre travail.” 

Vetea Van Hoffen, Agent de développement à la DJS : “C’est déshabiller Paul pour habiller Jacques”

Vous faites partie du service jeunesse et sport et vous vous êtes joints à la manifestation de la DSFE pourquoi ? 
“Nous rencontrons la même problématique que les agents de la DFSE. La création de cette Délégation contre la délinquance juvénile nous pose un grave souci car on nous retire deux postes. Déjà que nous ne sommes pas nombreux. Nous sommes d'accord pour la mise en place d'une Délégation contre la délinquance juvénile. Et d'ailleurs il y a plus de 15 ans on avait proposé au gouvernement de créer cette entité mais pas comme cela se fait aujourd'hui. A l'époque on avait proposé la mise en place d'une équipe de coordination rattachée à la présidence avec 5 ou 6 référents rattachés aux ministères. Donc on ne retirait pas des agents des services. La problématique du jeune est transversale. Le jeune a besoin d'être éduqué, il a des besoins sociaux, il a des besoins en matière de santé, de logement, ou encore d'insertion économique. C'est vraiment transversal et donc tous les ministères sont concernés. Nous ne sommes pas d'accord avec la création de cette délégation, en tout cas pas comme cela. Pas de cette manière-là, en déshabillant Paul pour habiller Jacques. Cela fait des années qu'on demande des effectifs et des moyens supplémentaires.”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 12 Février 2020 à 22:31 | Lu 2911 fois