Tahiti Infos

Heremoana Maamaatuaiahutapu souhaite que le fenua soit un exemple pour le monde


PAPEETE, le 30 novembre 2017- Heremoana Maamaatuaiahutapu est ministre de la Culture, de l'Environnement et de l'Artisanat, de l'Energie en charge de la Promotion des langues et de la Communication au sein du gouvernement. Ce passionné des cultures polynésiennes se veut également un fervent défenseur de l’écologie. Le projet du grand Centre culturel Paofai, le classement du ‘ori tahiti à l’Unesco ou encore la transition énergétique, sont autant de dossiers qui viendront remplir l’agenda du ministre dans les mois à venir. Tahiti infos est allé à sa rencontre afin d’en savoir un peu plus.

Une partie du marae de Taputapuātea a subi des effondrements récemment. En quoi vont consister les travaux de restauration et d’aménagement ?
« Effectivement, une partie du ahu de Taputapuātea, qui avait déjà avait fait l’objet d’une restauration sommaire en 2012, s’est de nouveau effondrée. Le 24 novembre dernier, la commission du patrimoine historique, organe dont la consultation préalable est obligatoire pour des travaux sur les monuments historiques, a statué sur le lancement des premiers travaux d’aménagements, dont ceux de restauration et de consolidation. Une société spécialisée dans la restauration du patrimoine et des monuments historiques et qui a déjà travaillé sur la cathédrale de Rikitea, doit effectuer les travaux de restauration du marae d’ici février 2018.
Par ailleurs, des travaux d’aménagement vont être entrepris sur toute la zone du marae. Il s’agit de concilier le caractère sacré de ce patrimoine, datant de plus de 400 ans et la nécessité d’en faciliter sa visite. Le site sera complètement végétalisé en replantant des espèces endémiques afin de recréer la végétation telle qu’elle existait à l’époque pré européenne. Les berges du ruisseau vont être drainées et consolidées, le petit bras de mer qui existait autrefois va être recréé. Un sentier coutumier sera réalisé en pierres basaltiques formant un entonnoir, emmenant les visiteurs vers le marae avec tout le long des panneaux explicatifs. Une barrière en bois viendra clôturer la limite côté Ouest afin de sécuriser l’ensemble. Un parking est également prévu.
Un centre d’interprétation rassemblera les différents objets trouvés sur le site et un sentier de randonnée sera prévu sur les hauteurs. Des jeunes de Raiatea vont être formés pour devenir les médiateurs du site. Nous avons également le projet de réaliser une application «Taputapuātea » pour les visiteurs. L’idée est de transmettre ce patrimoine aux générations. La labellisation Unesco n’est qu’une étape, c’est une reconnaissance, mais ce n’est pas une fin en soi. C’est la reconnaissance de ce que représente Taputapuātea pour l’ensemble du monde polynésien. »

C’est un engagement de tous les pays du Pacifique

Le FIFO fête sa 15e édition cette année. Quel pourrait être le bilan du festival depuis sa création ? Qu’a-t -il apporté à la Polynésie ? A l’Océanie ?
« Après le Heiva, le Fifo est l’événement culturel le plus populaire auprès du public. L’objectif initial du Fifo était de permettre aux peuples océaniens de se revoir. Walles Kotra et moi-même, nous étions donnés trois ans pour développer ce festival, dès la première année ce fut un succès populaire. Quinze ans plus tard, il est totalement installé dans le paysage audiovisuel mondial. Il permet aux peuples océaniens de se revoir et faire connaît ce continent dans le monde entier. »

Les îles du Pacifique étaient au centre de la COP23. Que pensez-vous des travaux de cette conférence ?
« Après le succès de la COP21 à Paris il y a deux ans, le bilan des COP suivantes, de Marrakech en 2016 puis de Bonn en 2017, est en demi-teinte. Le retrait annoncé des Etats-Unis de l’Accord de Paris vient troubler le consensus mondial obtenu en 2015. Les engagements des pays riches tardent à se concrétiser. Néanmoins, je veux garder confiance. La COP23 a été présidée par les îles Fidji. Après le travail accompli lors de la COP21 par les membres du Groupe des Leaders polynésiens, mené à cette occasion par la Polynésie française, cette présidence est une chance pour notre région du monde, pour porter notre parole auprès des plus hautes instances mondiales.
Malgré notre petitesse et nos moyens d’actions limités, nous n’avons pas un discours de victimes. Nous avons un discours d’engagement et d’action, en faveur d’une meilleure coopération régionale, d’une gestion durable de nos ressources, de nos espaces et de nos espèces.
Nous devons ainsi poursuivre nos efforts, ne serait-ce que pour montrer l’exemple au reste du monde. C’est un engagement de tous les pays du Pacifique. »


Les hydrocarbures représentent encore 67,6% des énergies

En Polynésie française, le Plan de transition énergétique 2015-2030 vise principalement trois objectifs : changer de modèle énergétique, changer nos comportements et changer de modèle économique. Pensez-vous qu’il soit réalisable ?
« Le Plan de transition énergétique est ambitieux mais réalisable. On a pris un peu de retard, mais on fait partie des bons élèves dans la région. Nous avons déjà engagé 40% des actions, les deux premières années ont été consacrées à des prérequis règlementaires.
La transition énergétique est également dépendante des porteurs de projets privés. Il faut les inciter à venir favoriser la concurrence.
En 2016, la part des hydrocarbures dans la production d’électricité en Polynésie reste certes majoritaire (67,6%), mais diminue peu à peu, au profit de l’hydroélectricité et du solaire.
Enfin, les comportements des populations évoluent, mais c’est un travail de sensibilisation permanent. »

Quelles vont être les grandes mesures prises par le gouvernement en matière d’énergie renouvelables ? Des incitations financières sont-elles prises pour le développement d’installation d’hydroélectricité, de panneaux photovoltaïques ?
« Le taux d’ensoleillement de notre pays est très élevé. Nous allons privilégier le solaire pour les particuliers, par rapport à d’autres solutions moins pratiques.
Après la défiscalisation des voitures hybrides et électriques, le gouvernement a pris de nouvelles mesures en octobre dernier mettant en place un dispositif d’aide aux particuliers pour l’installation d’unité de production d’énergie photovoltaïque.
Si l’installation sollicitée est connectée au réseau, l’aide s’élève à 100 000 francs dans la limite de 75% du montant de l’installation. Si l’installation est réalisée en site isolé, le montant est proportionnel au montant de l’investissement pour un montant maximum de 600 000 Francs.
Pour les entreprises, ce n’est pas un problème de rentabilité financière, car il est déjà rentable d’installer des panneaux. La question est celle de la stabilité du réseau et du placement des énergies. On réfléchit actuellement à la question de l’unité de stockage, car sinon l’énergie produite en surplus est perdue. Plusieurs sociétés sont intéressées. Nous sommes sur des sommes allant de 700 millions à 1,4 milliard et il faut trouver le foncier pour l’installer.
J’aimerais que cela se fasse assez rapidement. Cette unité est primordiale.
Plusieurs projets d’envergure sont également étudiés notamment en matière l’hydroélectricité, mais à condition de respecter les habitants des vallées et l’environnement. A noter également d’autres pistes intéressantes portant sur la valorisation du biogaz des Centres d’enfouissement techniques, sur une centrale photovoltaïque sur certains terrains domaniaux non-constructibles (à l’étude), sur une centrales hybride dans les îles (12 projets à l’étude) ou encore sur les énergies marines. Je tiens à souligner que le Pays ne mettra aucun financement. Ils devront entièrement être portés par le privé en raison des expériences malheureuses du passé. »

Un dispositif Sea Water Air Conditing (Swac) va être utilisé à l’hôpital du Taone et permettre de réduire considérablement la consommation électrique liée à la climatisation. D’autres projets sont-ils à l’étude ?
« Le Swac n’est intéressant que pour un besoin très important de froid en eau glacée. Il s’applique très bien pour un bâtiment comme l’hôpital, mais on ne peut pas généraliser la technologie sauf à reconstruire des ensembles entiers de bâtiments.
Par contre, il pourrait être intéressant dans une nouvelle grande infrastructure comme le Tahiti Village, à condition qu’il soit pris en considération dès la conception du projet. »

Face à la montée des eaux notamment dans les atolls, quelles mesures peuvent être prises par les pouvoirs publics ?
« Malheureusement, le gouvernement ne peut pas décréter la fin de la montée des eaux. Ce que je veux dire par là, c’est que nous devons nous préparer et nous adapter aux changements climatiques.
Mais, sans tomber dans le fatalisme et le catastrophisme. J’ai en même temps beaucoup d’espoir, car les enjeux du changement climatique sont également des opportunités pour l’ensemble des Polynésiens.
Malgré les pollutions et les problèmes, contre lesquels nous devons lutter tous les jours, nous constatons également que nos îles restent en bonne santé relative. Je ne dis pas que tout va bien. Je dis que nous avons encore des possibilités.
Et je parlais tantôt d’être un exemple pour le monde. Nous le sommes déjà avec notre sanctuaire des mammifères marins, le plus grand du monde ; notre Réserve de biosphère à Fakarava, la plus grande avec plus de 19 000 km². Dans la Réserve de biosphère, nous travaillons avec les populations pour déterminer avec elles les règles de bonne conduite et de bon usage des espaces. Cela prend du temps. Mais ça marche.
Nous devons travailler ensemble pour que nos îles conservent cette capacité de résilience, pour pouvoir s’adapter aux changements annoncés. Cela passe par une gestion durable de nos ressources et de nos espaces. Cela passe également par la préservation de nos espèces.»


« On entend tout et son contraire à propos du projet d’île flottante »

Le projet d’île flottante fait toujours polémique parmi la population. Quelles seraient les conditions que vous imposerez à l’investisseur afin d’éviter d’avoir un cadavre d’îles flottantes au milieu du lagon ?
« Il faut savoir, et j’insiste là-dessus, que le projet d’île flottante n’est encore qu’au stade de projet. Rien n’est encore décidé et je n’ai pas encore vu de plan définitif.
On entend beaucoup de choses à propos de ce projet : tout et son contraire. Pour ma part, j’attends que les promoteurs présentent dans le détail le projet envisagé pour pouvoir me prononcer. Mais je serai très vigilant quant aux impacts potentiels. »


De nombreuses campagnes ont lieu actuellement pour sensibiliser la population à faire attention aux déchets. Quelles sont leurs impacts ? Le compost est un moyen facile et peu coûteux de réduire les déchets des familles ? Des mesures d’aides pourraient-elles être envisagées pour aider les familles à s’en procurer ?
« Effectivement, c’est une question très importante pour moi. Vous avez peut-être vu dernièrement une photo que j’ai partagée sur mon profil dans lequel je dénonçais l’incivisme de certaines personnes cinq jours seulement après le ramassage effectué par les Eco-Warriors. Je tiens à dire ma tristesse en voyant ça et ma colère ! Cela ne restera pas sans conséquences pour les pollueurs.
Pour ce qui concerne le compost, c’est une piste que nous devons envisager effectivement, avec les communes qui, je le rappelle, sont compétentes en matière de gestion des déchets ménagers et des déchets verts. Des communes ont déjà mis en place des unités (Bora Bora, Taputapuatea, etc.).
Je tiens à rendre hommage justement à l’ensemble des équipes des communes, à celles de Fenua Ma et de la Communauté de communes Havai, qui travaillent tous les jours pour que nos communes soient propres. D’ailleurs, Fenua Ma, en collaboration avec l’Ademe a réalisé un petit guide polynésien du compostage domestique. Le composte commence à bien se développer.
Nous devons les aider en respectant nos espaces de vie, de loisirs, notre fenua tout simplement.
Nous accompagnons financièrement les communes dans la mesure de nos possibilités juridiques. Par exemple, nous prenons en charge financièrement le rapatriement sur Papeete des déchets dangereux des îles éloignées ou encore nous accompagnons les projets d’investissement des communes dans le cadre du contrat de projets. »

Ré-enraciner et préserver le ‘ori tahiti


Quel est l’avancement du projet de classement du ‘ori tahiti au patrimoine culturel immatériel de de l'Unesco ?
« Les démarches de classement au patrimoine immatériel sont généralement faites dans le but de faire connaître ce patrimoine. Concernant le ‘ori tahiti, cela n’est pas le cas, car il est déjà mondialement connu.
Nous sommes davantage dans une démarche de ré-enracinement et de préservation, car le ‘ori tahiti se développe à travers le monde et nous souhaitons que Tahiti continue d’édicter les règles.
Le 26 octobre dernier, une première étape a été franchie avec son inscription au patrimoine français. Le dossier a été unanimement salué par la commission du patrimoine français. Nos équipes ont fourni un travail exceptionnel. Il faut maintenant préparer un dossier plus étoffé pour mars 2018. Il sera ensuite du ressort de la ministre de la Culture de choisir le dossier qu’elle présentera à l’Unesco pour la France et qui sera examiné en 2019. Le ‘ori tahiti serait en concurrence avec trois autres dossiers français ».

Un bâtiment symbolisant un arbre ou un livre ouvert pour le futur Centre culturel Paofai

Le projet du Centre culturel Paofai semble sur de bons rails. Il sera réparti sur deux lieux : sur le site de la Maison de la Culture et à Vaiami-îlot Paofai. Qu’en est-il ?
« Les travaux du Pôle médiathèque, activité culturelle et exposition artistique devraient débuter fin 2018 sur l’îlot Paofai. Le projet retenu, parmi de nombreuses candidatures, est celui de l’équipe Parc architectes. Le design du bâtiment représentera un arbre ou un livre ouvert selon l’interprétation que l’on en fait. Des motifs pourront être projetés sur la façade. Les volumes intérieurs modulables permettront d’optimiser l’espace afin d’accueillir expositions et artistes.
Le grand parvis s’alignant le long de l’ancien hôpital Vaiami nous amène à repenser l’aménagement de toute cette zone située au cœur même de Papeete. Pourquoi ne pas fermer la route, très peu utilisée, entre la médiathèque et Vaiami et en faire une coulée verte ? Une liaison avec le parc pourrait être également pertinente ? Un parking de 4000 places en silo est également prévu.
Par ailleurs, nous avons déjà anticipé le transfert des collections des bibliothèques.
Concernant, le Pôle spectacle vivant situé sur l’actuelle Maison de la Culture, nous travaillons encore avec le cabinet de programmistes afin de déterminer exactement ce que l’on souhaite.
Une réflexion se pose également sur la scène de To’ata. Doit-elle être intégrée au projet ? Sous quelle forme ? Doit-elle être couverte, fermée ? Tout cela doit être pensé en gardant à l’esprit que la scène de To’ata a été initialement créée pour recevoir le Heiva. »

le Jeudi 30 Novembre 2017 à 08:10 | Lu 1787 fois