Yolande Wong Lam, l'apporteuse d'affaire "très active" de la Sofipac


Pour gonfler les factures au maximum, Yolande commandait du matériel à l'insu des agriculteurs, éleveurs, ou pensions de famille qu'elle approchait. Une vanilleraie a ainsi appris qu'elle avait commandé deux serres au lieu d'une.
PAPEETE, le 13 octobre 2015 - Le deuxième jour du procès de la vaste escroquerie à la loi Girardin, dite Sofipac du nom du cabinet de défiscalisation mis en cause, a permis de se rendre compte par l'exemple des montages anarchiques et illégaux qu'élaboraient les apporteurs d'affaires de la société.


Si l'on ne devait retenir qu'un seul des apporteurs d'affaire de la Sofipac, Yolande Wong Lam serait celui-là. Car ce petit bout de femme de 70 ans, qui dit vivre aujourd'hui entre le RST et un projet de bananeraie, a réussi le tour de force de monter près de 300 des 311 dossiers de fraude à la défiscalisation sur lesquels se penche le tribunal correctionnel depuis le début de la semaine. "On vous décrit comme quelqu'un de très active, et de très intelligente aussi" fait remarquer la juge Denise Lacroix.

Celle qui avait rencontré le patron de la Sofipac, William Bernier, dans les années 80 avant de se remettre en affaire avec lui vingt-cinq ans plus tard, a du se justifier toute la matinée devant la présidente du tribunal qui détaillait la façon toute personnelle qu'elle a eu de démarcher les "clients" à la défiscalisation qu'elle renvoyait vers Bernier, et la légèreté coupable avec laquelle elle montait ses dossiers en leur faisant croire qu'ils étaient éligibles au dispositif Girardin.

Des dossiers artificiellement gonflés au maximum

"Rien ne vaut quelques exemples concrets" prévient la magistrate. Et la présidente Denise Lacroix de raconter ces deux serres facturées quand l'exploitant d'une vanilleraie n'en avait commandé qu'une seule. Ou encore ces exploitants qui ont découvert pendant l'enquête qu'ils n'avaient touché parfois que le tiers des rétrocessions que la défiscalisation aurait dû leur rapporter. Dans d'autres cas, les dossiers étaient artificiellement gonflés pour atteindre, mais sans le dépasser, le seuil maximum de 35 millions de francs en dessous duquel la direction des Impôts n'a pas à délivrer d'agréments.

"Ce fut le cas pour un projet de porcherie que vous avez monté, alors que l'exploitant, interrogé, a déclaré qu'il n'en avait eu que pour 700 000 francs de travaux", assène la présidente. "Certains exploitants se sont rendus compte grâce à l'enquête qu'on s'était servi de leurs noms pour monter des dossiers à 35 millions de francs quand eux n'avaient au final effectué que des petits travaux et perçus des petites sommes".

Sans compter le nombre incalculable de dossiers ou du matériel servant à l'exploitation, et non à l'investissement comme le prévoit le dispositif Girardin, était commandé : "Vous avez commandé un spa, de la vaisselle, des toilettes pour une pension de famille… Ce n'est pas vraiment du matériel éligible à la loi", poursuit la juge.

Yolande Wong Lam qui, outre les 7 % de commission qu'elle prélevait sur le montant des affaires qu'elle apportait, se faisait aussi payer directement en liquide par certains de ses "clients-victimes" qui ont dénoncé lui avoir remis en main propre parfois plusieurs centaines de milliers de francs.

Du matériel commandé à l'insu des exploitants démarchés

Alors que la Sofipac captait l'argent de ses dossiers de défiscalisation directement sur ses comptes avant de le dispatcher, à son bon vouloir, vers les différents bénéficiaires théoriques, Yolande Wong Lam, elle, jouait à la gare de triage avec le matériel qu'elle commandait à l'insu des exploitants qu'elle démarchait. Il arrivait ainsi que certains reçoivent du matériel sans rapport avec leur commande : petits tracteurs, remorques, nettoyeurs haute pression… Des "cadeaux" expliquait l'apporteuse d'affaire. A l'inverse, d'autres ne recevaient pas le matériel détaillé sur leur facture. "Cela devait prendre un autre chemin…" ironise la présidente

Mis bout à bout, tous ces dossiers ont fait s'envoler les chiffres de cette escroquerie historique à la défisc' qui se monte à plus de 3,8 milliards de Fcfp. Le procès doit s'achever vendredi.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 13 Octobre 2015 à 17:26 | Lu 3146 fois