Avignon, France | AFP | jeudi 05/09/2024 - "Mon monde s'écroule, pour moi tout s'effondre": calme et déterminée, face à son mari et aux 50 autres hommes accusés de l'avoir violée pendant dix ans, la principale victime a raconté jeudi à Avignon ce jour d'automne 2020, quand elle a tout découvert.
Droguée aux somnifères par son mari Dominique Pelicot, qui recrutait des inconnus sur internet pour la violer, Gisèle Pelicot, 71 ans, n'avait jamais réalisé que depuis 2011 des dizaines d'hommes abusaient d'elle.
Depuis l'ouverture du procès, l'AFP et d'autres médias avaient choisi de ne pas donner ce nom de Pelicot, pour protéger la vie privée des trois enfants et six petits-enfants du couple. Mais ceux-ci ont fait savoir jeudi, via leurs avocats, qu'ils souhaitaient désormais que leur patronyme soit connu car il est devenu "celui du courage incarné" par leur mère et grand-mère.
Du courage, il en a sans doute fallu à Mme Pelicot jeudi pour raconter son vécu, pendant près d'une heure et demie. Sa première prise de parole depuis le début d'un procès hors norme entamé lundi à Avignon, devant la cour criminelle de Vaucluse.
Le 2 novembre 2020, les policiers de Carpentras (Vaucluse) la font venir au commissariat. Oui, elle est bien mariée à Dominique Pelicot, "un chic type", "un super mec", répond-elle à l'enquêteur.
Celui-ci lui montre alors des photos retrouvés dans l'ordinateur de son mari.
Sur l'image, "je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer. Mon monde s'écroule, pour moi tout s'effondre, tout ce que j'ai construit en 50 ans. Franchement, c'est des scènes d'horreur pour moi", explique-t-elle, devant la cour, composée de cinq magistrats professionnels.
"Ils me considèrent comme une poupée de chiffon", insiste la mère de famille, sous le regard de sa fille et de ses deux fils.
Ce jour-là, elle refuse de regarder les vidéos. Elle ne le fera qu'en mai 2024, à l'approche du procès, sur les conseils de son avocat. "Elles sont plus atroces les unes que les autres", a-t-elle insisté. "Des scènes de barbarie, des viols, (...) j'ai été sacrifiée sur l'autel du vice".
Au total, les enquêteurs retrouvent près de 4.000 photos et vidéos, stockées et légendées par son mari. Les images des quelque 200 viols subis en dix ans, d'abord en région parisienne, mais surtout à Mazan, commune du Vaucluse de 6.000 habitants où le couple avait déménagé début 2013.
- "Dégoût" -
"Et qu'on ne me parle pas de scènes de sexe, ce sont des scènes de viols, je n'ai jamais pratiqué le triolisme ni l'échangisme", insiste la victime, répondant indirectement aux questions posées mercredi au directeur d'enquête par les avocats de certains accusés, qui maintiennent avoir seulement participé au scénario d'un couple libertin.
"Je n'ai jamais été complice" ni "fait semblant de dormir", répond-elle ensuite au président de la cour, Roger Arata. "Je n'ai jamais accepté qu'il filme nos ébats amoureux", insiste-t-elle au sujet de ce mari qu'elle appelle désormais "monsieur Pelicot" et avec lequel elle est en instance de divorce.
"On peut tout imaginer mais dans ce cas, il faudrait que l'actrice soit particulièrement douée", a estimé dans l'après-midi Yvan Gaillard, expert toxicologique.
"J'ai un sentiment de dégoût", a poursuivi Mme Pelicot, en direction des accusés, alors qu'elle parlait depuis une heure, s'interrompant seulement pour boire un verre d'eau: "Ayez au moins une fois dans votre vie la responsabilité de vos faits".
"Ces individus savaient très bien dans quel état de léthargie j'étais", insinuer le contraire, "c'est une insulte à l'intelligence", ajoute-t-elle, soulignant qu'aucun n'a tenté d'alerter la police: "Même un coup de fil anonyme aurait pu me sauver la vie".
Puis Mme Pelicot aborde la question des anxiolytiques que lui faisait avaler son mari, à son insu, pour ensuite la livrer aux hommes qu'il avait appâtés.
"Aujourd'hui je reprends le contrôle de ma vie, pour dénoncer ce qu'est la soumission chimique. Beaucoup de femmes n'ont pas les preuves. Moi j'ai les preuves de ce que j'ai vécu", assène la septuagénaire.
"C'est pour ça que j'ai voulu que ce procès soit public, c'est pour ça que j'ai levé le huis clos" demandé par l'accusation lundi, rappelle-t-elle.
Pendant des années, elle s'était "convaincue" que ses "absences" inexpliquées étaient dues à la maladie d'Alzheimer.
Dans le box des détenus, son mari, veste grise sur tee-shirt orange fluo, reste tête baissée.
Il avait été interpellé en 2020, après avoir filmé sous les jupes de trois femmes dans un centre commercial de Carpentras, ce qui a permis la découverte de l'affaire. Dix ans plus tôt, en 2010, il avait été arrêté pour des faits similaires en région parisienne et condamné à une amende de 100 euros. Son épouse n'avait jamais été mise au courant.
"Il y a eu non assistance à personne en danger J'ai perdu dix ans de ma vie, jamais je ne les rattraperai", a-t-elle accusé. Et certes, "la façade est solide", comme elle l'a reconnu jeudi, "mais l'intérieur, c'est un champ de ruines".
Droguée aux somnifères par son mari Dominique Pelicot, qui recrutait des inconnus sur internet pour la violer, Gisèle Pelicot, 71 ans, n'avait jamais réalisé que depuis 2011 des dizaines d'hommes abusaient d'elle.
Depuis l'ouverture du procès, l'AFP et d'autres médias avaient choisi de ne pas donner ce nom de Pelicot, pour protéger la vie privée des trois enfants et six petits-enfants du couple. Mais ceux-ci ont fait savoir jeudi, via leurs avocats, qu'ils souhaitaient désormais que leur patronyme soit connu car il est devenu "celui du courage incarné" par leur mère et grand-mère.
Du courage, il en a sans doute fallu à Mme Pelicot jeudi pour raconter son vécu, pendant près d'une heure et demie. Sa première prise de parole depuis le début d'un procès hors norme entamé lundi à Avignon, devant la cour criminelle de Vaucluse.
Le 2 novembre 2020, les policiers de Carpentras (Vaucluse) la font venir au commissariat. Oui, elle est bien mariée à Dominique Pelicot, "un chic type", "un super mec", répond-elle à l'enquêteur.
Celui-ci lui montre alors des photos retrouvés dans l'ordinateur de son mari.
Sur l'image, "je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer. Mon monde s'écroule, pour moi tout s'effondre, tout ce que j'ai construit en 50 ans. Franchement, c'est des scènes d'horreur pour moi", explique-t-elle, devant la cour, composée de cinq magistrats professionnels.
"Ils me considèrent comme une poupée de chiffon", insiste la mère de famille, sous le regard de sa fille et de ses deux fils.
Ce jour-là, elle refuse de regarder les vidéos. Elle ne le fera qu'en mai 2024, à l'approche du procès, sur les conseils de son avocat. "Elles sont plus atroces les unes que les autres", a-t-elle insisté. "Des scènes de barbarie, des viols, (...) j'ai été sacrifiée sur l'autel du vice".
Au total, les enquêteurs retrouvent près de 4.000 photos et vidéos, stockées et légendées par son mari. Les images des quelque 200 viols subis en dix ans, d'abord en région parisienne, mais surtout à Mazan, commune du Vaucluse de 6.000 habitants où le couple avait déménagé début 2013.
- "Dégoût" -
"Et qu'on ne me parle pas de scènes de sexe, ce sont des scènes de viols, je n'ai jamais pratiqué le triolisme ni l'échangisme", insiste la victime, répondant indirectement aux questions posées mercredi au directeur d'enquête par les avocats de certains accusés, qui maintiennent avoir seulement participé au scénario d'un couple libertin.
"Je n'ai jamais été complice" ni "fait semblant de dormir", répond-elle ensuite au président de la cour, Roger Arata. "Je n'ai jamais accepté qu'il filme nos ébats amoureux", insiste-t-elle au sujet de ce mari qu'elle appelle désormais "monsieur Pelicot" et avec lequel elle est en instance de divorce.
"On peut tout imaginer mais dans ce cas, il faudrait que l'actrice soit particulièrement douée", a estimé dans l'après-midi Yvan Gaillard, expert toxicologique.
"J'ai un sentiment de dégoût", a poursuivi Mme Pelicot, en direction des accusés, alors qu'elle parlait depuis une heure, s'interrompant seulement pour boire un verre d'eau: "Ayez au moins une fois dans votre vie la responsabilité de vos faits".
"Ces individus savaient très bien dans quel état de léthargie j'étais", insinuer le contraire, "c'est une insulte à l'intelligence", ajoute-t-elle, soulignant qu'aucun n'a tenté d'alerter la police: "Même un coup de fil anonyme aurait pu me sauver la vie".
Puis Mme Pelicot aborde la question des anxiolytiques que lui faisait avaler son mari, à son insu, pour ensuite la livrer aux hommes qu'il avait appâtés.
"Aujourd'hui je reprends le contrôle de ma vie, pour dénoncer ce qu'est la soumission chimique. Beaucoup de femmes n'ont pas les preuves. Moi j'ai les preuves de ce que j'ai vécu", assène la septuagénaire.
"C'est pour ça que j'ai voulu que ce procès soit public, c'est pour ça que j'ai levé le huis clos" demandé par l'accusation lundi, rappelle-t-elle.
Pendant des années, elle s'était "convaincue" que ses "absences" inexpliquées étaient dues à la maladie d'Alzheimer.
Dans le box des détenus, son mari, veste grise sur tee-shirt orange fluo, reste tête baissée.
Il avait été interpellé en 2020, après avoir filmé sous les jupes de trois femmes dans un centre commercial de Carpentras, ce qui a permis la découverte de l'affaire. Dix ans plus tôt, en 2010, il avait été arrêté pour des faits similaires en région parisienne et condamné à une amende de 100 euros. Son épouse n'avait jamais été mise au courant.
"Il y a eu non assistance à personne en danger J'ai perdu dix ans de ma vie, jamais je ne les rattraperai", a-t-elle accusé. Et certes, "la façade est solide", comme elle l'a reconnu jeudi, "mais l'intérieur, c'est un champ de ruines".