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Vincent Cassel : "Je suis un peu spécialisé dans le rôle des mecs tordus"


TAUTIRA (Tahiti), 10 septembre 2016 - Le tournage du film Gauguin débute ce lundi à Tautira où seront réalisées l'essentiel des scènes de cette production à 7 millions d'euros, jusque début novembre prochain.

Ce film inspiré de Noa Noa, le journal intime tenu par Paul Gauguin lors de son premier voyage à Tahiti en 1891, ambitionne d'être présenté au prochain festival de Cannes. Rencontre à Tautira avec l'acteur Vincent Cassel et le réalisateur Edouard Deluc, sur fond de polémique alors qu'un collectif de riverains, "Au nom de la morale", a failli compromettre les premières prises de vue, lundi dans la vallée de Vaitepiha. "A la base, c’est un malentendu : il y a eu un déficit d’information", explique Edouard Deluc après une réunion publique, samedi matin, organisée à la hâte pour calmer les esprits et lever les doutes. Il demeure que sur place, ce tournage crée 20 emplois en CDD et nécessitera l'équivalent de 300 jours de cachet pour 60 figurants. Et c'est sans compter avec l'impact en termes d'image que produira ce film pour la Polynésie française, une fois à l'écran.

Quand avez-vous su que vous alliez interpréter Paul Gauguin ?

Vincent Cassel : Ça remonte à un petit bout de temps déjà, puisque le film a eu une genèse longue. On a mis un peu de temps à faire en sorte que nos emplois du temps coïncident et à boucler le financement. Ce temps a servi à améliorer le scénario, à aiguiser le projet. Donc là ça va faire depuis janvier 2014.

Qu’est-ce qui vous a convaincue à incarner Paul Gauguin ?

Vincent Cassel : Je ne connaissais pas Gauguin plus que tout un chacun. J’en avais une image très commune. Et j’appréciais le peu que je connaissais du personnage. Il m’attirait. Après, je ne sais pas si c’est… J’ai l’impression que dans la vie d’un acteur, il y a un moment où on doit se coltiner un peintre (rires). Et du coup j’ai pensé que ça pouvait être l’occasion. A partir de là, nous avons eu un dialogue très libre (avec le réalisateur Edouard Deluc, ndlr). On prend du plaisir à être ensemble. Le film s’est déplacé ; mais j’ai accompagné le projet jusqu’à aujourd’hui.

Ce peintre a tout de même une texture particulière ?

Vincent Cassel : Tous les bons peintres n’ont-ils pas une texture particulière ? D’ailleurs, c’est, je pense, une phrase qu’aurait pu dire Paul Gauguin.
Mais vous savez, à jouer on ne joue pas le rôle d’un peintre. C’est plutôt l’histoire d’un type qui part pour des raisons particulières et qui se retrouve à cet endroit précis… La peinture sera présente parce que c’est ce qu’il est venu faire. Mais c’est l’histoire d’un homme surtout : comment se situe-t-il en tant qu’homme de son époque, à l’âge qu’il a lorsqu’il voyage ? Qu'aurait-il aimé ? Depuis le début, on s’est dit qu’un film sur un peintre, comme ça sur le papier, ça peut vite être chiant. L’idée, c’est de faire un film moderne sur le parcours d’un homme qui s’exile
.

Vos récentes déclarations vous ont-elles décidées à choisir ce rôle ? Vous déclariez dernièrement que vous en avez assez de tuer des gens à l’écran.

Vincent Cassel : Ça y participe sûrement. Après, je ne tue pas des gens toutes les cinq minutes. C’est vrai que dans le Jason Bourne je devais vraiment flinguer énormément de gens, sans raison apparente. Et j’en suis venu à me dire « Est-ce vraiment ça que j’ai envie de faire au quotidien ? » : c’est bien d’alterner un peu.

Gauguin, est-ce un rôle qui vous a demandé une préparation particulière ?

Vincent Cassel : J’ai lu. J’ai appris des choses sur la peinture en général. J’ai beaucoup appris sur Gauguin, évidement. Je crois que c’est ça le principal de la préparation. Ensuite, à force d’entendre, de lire, de voir, on finit par comprendre certaines choses ; on peut mieux s’identifier, voir comment interpréter le gars, lui trouver des points communs : on voit quelle est l’histoire romancée de ce type et ce qu’il en reste vraiment dans la conscience collective, et ici.

Justement, ici, sa tombe à Atuona est pratiquement un lieu de pèlerinage. Mais à Tautira, apprenant qu’un film aller se tourner, des riverains viennent de monter le collectif "Au nom de la morale" pour protester fustigeant un peintre "syphilitique et alcoolique".

Vincent Cassel : Malheureusement, la syphilis à cette époque vous tombait dessus sans trop savoir comment. Concernant l’alcoolisme, il faut savoir que de nombreux grands peintres ont eu des failles et n’étaient pas des anges. La question est « va-t-on seulement faire des films sur des gens biens ? ». Je suis un peu spécialisé dans le rôle des mecs tordus avec des problèmes existentiels. Ce qui est intéressant, chez Gauguin, c’est que d’un côté on a cet esthète, cet artiste incroyable, et de l’autre, je ne dirais pas « ce fou » mais cet homme qui prend des risques énormes et qui embarque sa famille avec lui de manière inconsidérée.


Le réalisateur Edouard Deluc.
Le réalisateur Edouard Deluc.
Comment avez-vous perçu cette polémique à Tautira, avec le collectif "Au nom de la morale" ?

Vincent Cassel : Je viens d’arriver. Et pour tout vous dire, je l’ai à peine perçue.

Edouard Deluc : Vincent n’a pas vraiment été au courant. Nous en avons parlé hier (vendredi, ndlr), lorsque nous avons appris cela. Mais ce n’est pas vraiment une polémique. J’ai eu l’occasion d’échanger ce matin avec la population locale et les membres du collectif. A la base, c’est un malentendu : il y a eu un déficit d’information. Et Gauguin suscite, à tort ou à raison... On sait qu’il y a une réalité historique qui pourrait donner raison aux gens du collectif. Il se trouve que la période que l’on travaille est beaucoup plus noble, dans la quête de Gauguin. Nous ne sommes pas du tout dans les problématiques amorales et sexuellement dégradantes qui ont pu se produire aux Marquises. Je crois qu’il y a un malentendu sur le projet. Il fallait que l’on en parle un peu plus, parce que les esprits se sont échauffés autour des traces qu’il a laissées. Ce matin, en échangeant très simplement avec tout le monde, j’ai exposé le projet. J’ai bien expliqué que ce n’était pas du tout un film à la gloire de Gauguin, mais un prétexte pour parler des Tahitiens, de l’histoire tahitienne au sens large (parce qu’il arrive à Tahiti à un moment clé au moment où le dernier roi ma’ohi meurt). Et il peint ce qu'il voit comme l’humanité dans l’enfance, parce que c’est ce qu’il venu chercher. Il peint à un moment où quelque chose est en train de disparaître (…). Historiquement, c’était très intéressant. Gauguin se trouve à un endroit, comme un prétexte pour traiter des enjeux intimes d’un homme plus que d’un peintre. Mais aussi d’enjeux esthétiques et politiques. Voilà. Il fallait juste dire les choses et rencontrer les gens. Ce que nous n’avons pas eu le temps de faire, puisque le process fait que l’on n’a pas tant de temps que ça de préparation, et que Tautira est petit à petit devenu l’endroit où l’on allait tourner la majorité du film : nous avons décidé ça depuis une semaine. Nous n’avons pas eu le temps d’organiser une rencontre avec la population, pour présenter le projet. C’est une erreur de notre part. Nous l’avons corrigée ce matin. Je pense que tout est rentré dans l’ordre.

Vincent Cassel : D’autant plus que le film est vraiment basé sur une histoire d’amour. Donc il n’y a vraiment, à aucun moment, quelque chose de déviant dans les comportements. Loin de là. C’est l’histoire d’une déception amoureuse et d’un choc de civilisations.

Edouard Deluc : Et une tragédie aussi ; l’histoire d’une défaite : Gauguin trouve quelque chose qu’il estime de l’ordre d’une beauté rare ; mais il se trouve vite complètement rejeté par le milieu dans lequel il aimerait vivre. Il a rompu avec Paris mais ici, il n’est pas le sauvage qu’il aimerait être. Il se confronte à une réalité qui n’est pas la sienne. Pour moi, c’est une chronique de la défaite. Et y a quelque chose de tragique dans le mouvement du film et dans la trajectoire du personnage. Notre base de travail a été Noa Noa (…).


Vincent Cassel, connaissiez-vous déjà la Polynésie ?

Vincent Cassel : Non, malheureusement.

Vous avez des hobbies ? On dit que vous aimez beaucoup surfer.

Vincent Cassel : Oui, j’aime beaucoup surfer. J’aime beaucoup manger. Je… Il y a beaucoup de choses qui me plaisent ici et je pense que ça va très bien se passer.

Partir sept semaines comme cela, dans un endroit aussi retiré : arriverez-vous à rencontrer les gens en étant Vincent Cassel ?

Vincent Cassel : Il n’y a pas de règle. Oui. Le personnage Vincent Cassel, vous savez, de l’intérieur je ne le vois pas du tout comme ça. En général, lorsque je voyage pour des films à travers le monde, il arrive que je rencontre des gens. Ce n’est pas systématique. Mais ça a l’air assez propice ici, il me semble…

Deux mois ici, c’est difficile à caser dans un agenda déjà bien chargé ?

Vincent Cassel : L’agenda, il est fait d’impondérables. C’en est un. Ca fait déjà quelques temps que l’on vise, que l’on déplace et que l’on calcule pour être là. Je ne suis pas en vacances. Nous sommes venus là pour travailler pendant deux mois.

Resterez-vous quelques temps après le tournage pour profiter un peu du pays ?

Vincent Cassel : Je vais essayer de profiter au maximum des lieux, malgré que l’on soit là pour travailler. Mais il y a les week-ends. Et puis ensuite, on verra. Vous savez, un film on sait lorsque ça commence mais on ne sait jamais quand ce sera fini.

Que pensez-vous de vos partenaires, dans le film ? Ils ont été choisis localement.

Vincent Cassel : Je les ai rencontrés trois fois à Paris. Je pense que ça va très bien se passer. Il me semble qu’ils n’ont aucune expérience dans le cinéma. Mais vous savez, je ne devrais pas le dire mais être acteur ce n’est vraiment pas difficile : il suffit de se laisser aller. Je crois qu’ils seront complètement aptes à le faire. Ils correspondent en tous cas énormément aux personnages, l’un comme l’autre. On va s’amuser. On va chercher ensemble. On va apprendre à se connaître. Et on espère que l’on fera un bon film.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Samedi 10 Septembre 2016 à 17:38 | Lu 9841 fois
           



Commentaires

1.Posté par mathius le 10/09/2016 19:00 | Alerter
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Tous les peintres ne sont pas des pedophiles psychopathes. Parlez d'amour chez gauguin c'est parler cuisine chez des anthropophages. Et je tiens à préciser que cela n'entache en rien le talent de Cassel. Mais ce genre de film est bougainvillie exposant un bon sauvage à la cour..

2.Posté par simone grand le 12/09/2016 16:27 | Alerter
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Gauguin est un personnage controversé et c'est en cela qu'il est intéressant à traiter comme pourraient l'être les missionnaires vus sous l'angle de personnages en échec dans leur pays et champions de la manipulation mentale.

3.Posté par petomane le 12/09/2016 16:54 | Alerter
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Entre les "moralistes" de Tautira, les délires (pour ne pas dire autre chose) de Temaru et les islamistes, on réalise que la conn...rie est une redoutable pandémie..

4.Posté par Aubrac le 12/09/2016 19:24 | Alerter
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Gauguin n'était pas un type tordu, mais plutôt intelligent et très cultivé. La mauvaise image du peintre est véhiculée par des scribouiillards locaux sans talents, en mal de sensation. Tout le monde ne peut pas avoir le génie de Gauguin, même en matière d'écriture.
Quand on lit la presse locale actuelle avec son cortège journalier de viols, d'abus sexuels sur des mineurs, de meurtres sous l'empire de l'alcool, on se dit que Gauguin n'était peut-être pas le plus mauvais des hommes... La moralité vue par les habitants de Tautira ma rappelle ces paroles de Blaise Pascal :" L'homme n'est ni ange, ni bête et le malheur veut que qui veut faire l'ange, fait la bête"... Avant de faire la leçon de morale sur Gauguin, ils devraient examiner la société polynésienne actuelle.

5.Posté par tenauru le 13/09/2016 04:21 | Alerter
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Cassel est un rustre qui ne connaissait m^me pas Gauguin et encore moins sa peinture. Il va jouer sans rien comprendre du peintre. Heureusement, Deluc est un homme de culture qui rattrape les inepties de Cassel qui a eu la chance d'être le fils de son père qui avait une autre classe !!!

6.Posté par mathius le 13/09/2016 09:12 | Alerter
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Aubrac, tu définis l'homme pervers et tu le félicite, qui es tu?

7.Posté par Aubrac le 13/09/2016 19:48 | Alerter
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La personnalité de Gauguin est très complexe et quand on a étudié sa vie, lu sa correspondance avec son épouse Mette et ses amis ou marchands de tableaux, on constate qu'on ne peut pas réduire Gauguin à un pédophile psychopathe comme vous le faites, ou à un alcoolique syphilitique comme le font les habitants de Tautira qui ont au moins l'excuse de l'ignorance de la vie du peintre.
L'existence de Gauguin a été une suite de souffrances, de misères et de désillusions. Quant à ses mœurs que je ne partage pas, elles ne sont pas pires que celles de ses contemporains... En ce qui me concerne, je défends la mémoire de Paul Gauguin pour ce qu'il a apporté à la peinture, voire même à la littérature à travers Noa Noa et ses autres écrits que peu de gens ont lu.

8.Posté par mathius le 14/09/2016 07:31 | Alerter
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Au tac, serais tu entrain de nous dire que nous sommes des ignorants qui ne connaissons pas la vie de Gauguin ?
Tu es tout de même gonflé pour ne pas dire méprisant à l'égard des polynesiens .

9.Posté par Aubrac le 14/09/2016 13:59 | Alerter
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Tout dépend des sources des connaissances, car nombre de littératures concernant Paul Gauguin sont négatives sur la personnalité du peintre, voire méprisantes à son égard. Comme le dit très justement Simone Grand, Gauguin est "un personnage très controversé" et les auteurs ont parfois développé des polémiques injustes à son sujet, en fonction de leur sensibilité ou de leurs intérêts...

10.Posté par tenauru le 15/09/2016 00:05 | Alerter
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Gauguin-que j'admire comme peintre- n'est pas en cause ni d'ailleurs la culture artistique des Polynésiens. Mes critiques ne s'adressaient qu'à Cassel qui lui, ne connaissait même pas le peintre avant de le jouer...

11.Posté par Cool Ruler le 15/09/2016 09:02 | Alerter
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A Aubrac, J'apprécie la profondeur de tes posts et le respect qui s'en dégage. J'aimerai voir plus de commentaires de cet acabit.
A Tenauru, on ne peut pas reprocher à M. Cassel de tout connaître sur tout. S'il fait ce projet (surtout après Jason Bourne), c'est peut être que le sujet l'intéresse sincèrement.