Tahiti, le 18 novembre 2025 - Saisi par l’assemblée de la Polynésie française et le Tavini huiraatira pour contraindre l’État à engager un dialogue sous l’égide de l’ONU en vue d’un processus d’autodétermination, le tribunal administratif devrait se déclarer incompétent. Le rapporteur public considère la demande comme un “acte de gouvernement”, échappant à tout contrôle juridictionnel. Une position contestée par Me Millet, qui réclame simplement que l’État accepte de dialoguer. La décision sera rendue le 2 décembre.
Le ton de l’audience, au tribunal administratif mardi, a été donné dès les premières minutes. Pour le rapporteur public, les deux requêtes pour contraindre l’État à engager un dialogue sous l’égide de l’ONU en vue d’un processus d’autodétermination – l’une portée par l’assemblée, l’autre par le Tavini et plusieurs élus de la commission de décolonisation – invitent le tribunal à se prononcer sur un domaine qui échappe par nature au contrôle juridictionnel : la conduite des relations internationales et les décisions engageant la souveraineté nationale. Il estime que le tribunal administratif n'est donc pas compétent.
Les requérants demandaient au juge d’“enjoindre à l’État” de dialoguer sous l’égide de l’ONU, conformément aux résolutions onusiennes de 2013 et 2024. Sauf que Paris s'obstine à refuser ce dialogue, considérant que la Polynésie n’est pas un territoire en situation de décolonisation.
Une prérogative du président de la République Pour le rapporteur public, la question dépasse le cadre administratif : “Placer ce dialogue sous l’égide des Nations unies met en cause la conduite des relations internationales de la France”, rappelant l’article 52 de la Constitution. Toute autodétermination ouvrirait, selon lui, la perspective d’une modification de l’intégrité du territoire national, impliquant indirectement une révision constitutionnelle : “L’initiative d’une telle révision appartient au président de la République, au Premier ministre ou aux membres du Parlement, pas au juge”.
Me Millet : un dialogue, pas une révision Maître Millet, avocat du Tavini et de l’assemblée, conteste cette interprétation. Il rappelle que ses clients ne demandent ni référendum ni modification de la Constitution, mais uniquement le respect des résolutions onusiennes. “On ne demande pas l’indépendance, on ne demande pas un référendum. On demande d’engager un dialogue, rien d’autre”, insiste-t-il.
Il conteste l’idée que parler d’autodétermination sous un cadre onusien relève automatiquement de la politique extérieure ou d’une révision constitutionnelle : “L’État fait croire que le simple fait de parler d’autodétermination obligerait à modifier la Constitution. C’est un faux raisonnement. L’ONU demande un dialogue, pas une révision constitutionnelle.”
Pour étayer son propos, il cite deux décisions souvent invoquées par l’État : l’affaire de Mayotte, où la question relevait des relations extérieures de la France, et la reprise des essais nucléaires en 1995, classée comme acte de gouvernement. “Les essais nucléaires, c’était une décision militaire stratégique, d’une tout autre nature. Ici, on parle simplement de respecter un engagement de dialogue demandé par l’ONU. Rien à voir avec un acte militaire”, explique-t-il. Quant à Mayotte, le contexte juridique et international est très différent, notamment parce que la Polynésie figure sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU.
Une confusion entretenue par l'État
Pour Me Millet, la confusion de l’État est volontaire : “La demande n’est pas d’organiser un référendum demain matin. Elle est d’ouvrir une discussion. Dire que dialoguer relève de la politique extérieure du président, c’est étirer la notion au-delà du raisonnable.” Selon lui, ce refus systématique de dialogue traduit un certain “mépris” de l’État et laisse place à un “rapport de force” durable entre Paris et les élus indépendantistes. Et de conclure : “On ne peut pas dire aux Polynésiens : vous avez le droit à l’autodétermination, mais vous ne pouvez ni le discuter ni le préparer”.
Le tribunal administratif rendra sa décision le 2 décembre. Si le rapporteur public est suivi, les requêtes seront rejetées pour incompétence. Du côté indépendantiste, l’issue ne surprendrait guère : les élus anticipent une poursuite du contentieux devant la cour administrative d’appel, puis le Conseil d’État, avant d’éventuelles voies internationales.
Le ton de l’audience, au tribunal administratif mardi, a été donné dès les premières minutes. Pour le rapporteur public, les deux requêtes pour contraindre l’État à engager un dialogue sous l’égide de l’ONU en vue d’un processus d’autodétermination – l’une portée par l’assemblée, l’autre par le Tavini et plusieurs élus de la commission de décolonisation – invitent le tribunal à se prononcer sur un domaine qui échappe par nature au contrôle juridictionnel : la conduite des relations internationales et les décisions engageant la souveraineté nationale. Il estime que le tribunal administratif n'est donc pas compétent.
Les requérants demandaient au juge d’“enjoindre à l’État” de dialoguer sous l’égide de l’ONU, conformément aux résolutions onusiennes de 2013 et 2024. Sauf que Paris s'obstine à refuser ce dialogue, considérant que la Polynésie n’est pas un territoire en situation de décolonisation.
Une prérogative du président de la République Pour le rapporteur public, la question dépasse le cadre administratif : “Placer ce dialogue sous l’égide des Nations unies met en cause la conduite des relations internationales de la France”, rappelant l’article 52 de la Constitution. Toute autodétermination ouvrirait, selon lui, la perspective d’une modification de l’intégrité du territoire national, impliquant indirectement une révision constitutionnelle : “L’initiative d’une telle révision appartient au président de la République, au Premier ministre ou aux membres du Parlement, pas au juge”.
Me Millet : un dialogue, pas une révision Maître Millet, avocat du Tavini et de l’assemblée, conteste cette interprétation. Il rappelle que ses clients ne demandent ni référendum ni modification de la Constitution, mais uniquement le respect des résolutions onusiennes. “On ne demande pas l’indépendance, on ne demande pas un référendum. On demande d’engager un dialogue, rien d’autre”, insiste-t-il.
Il conteste l’idée que parler d’autodétermination sous un cadre onusien relève automatiquement de la politique extérieure ou d’une révision constitutionnelle : “L’État fait croire que le simple fait de parler d’autodétermination obligerait à modifier la Constitution. C’est un faux raisonnement. L’ONU demande un dialogue, pas une révision constitutionnelle.”
Pour étayer son propos, il cite deux décisions souvent invoquées par l’État : l’affaire de Mayotte, où la question relevait des relations extérieures de la France, et la reprise des essais nucléaires en 1995, classée comme acte de gouvernement. “Les essais nucléaires, c’était une décision militaire stratégique, d’une tout autre nature. Ici, on parle simplement de respecter un engagement de dialogue demandé par l’ONU. Rien à voir avec un acte militaire”, explique-t-il. Quant à Mayotte, le contexte juridique et international est très différent, notamment parce que la Polynésie figure sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU.
Une confusion entretenue par l'État
Pour Me Millet, la confusion de l’État est volontaire : “La demande n’est pas d’organiser un référendum demain matin. Elle est d’ouvrir une discussion. Dire que dialoguer relève de la politique extérieure du président, c’est étirer la notion au-delà du raisonnable.” Selon lui, ce refus systématique de dialogue traduit un certain “mépris” de l’État et laisse place à un “rapport de force” durable entre Paris et les élus indépendantistes. Et de conclure : “On ne peut pas dire aux Polynésiens : vous avez le droit à l’autodétermination, mais vous ne pouvez ni le discuter ni le préparer”.
Le tribunal administratif rendra sa décision le 2 décembre. Si le rapporteur public est suivi, les requêtes seront rejetées pour incompétence. Du côté indépendantiste, l’issue ne surprendrait guère : les élus anticipent une poursuite du contentieux devant la cour administrative d’appel, puis le Conseil d’État, avant d’éventuelles voies internationales.
Richard Tuheiava : “Cette arrogance et ce mépris de l’État, c’est problématique”
“Moins d’un an, c’est rare. Une décision avant Noël, c’est parfait”, s’est réjoui le directeur de cabinet du président de l’assemblée, Richard Tuheiava, à l'issue de l'audience ce mardi du tribunal administratif. Sur le fond, il considère les conclusions du rapporteur public comme le reflet d’une posture politique de l’État plutôt qu’un raisonnement juridique. “L’attitude de l’État, on la connaissait avant même de déposer le dossier. Il a attaqué l’habilitation du président de l’assemblée, la position était écrite d’avance”, a-t-il réagi, faisant écho à la délibération controversée de décembre 2024, annulée par le Conseil d’État.
Sur la “voie parlementaire” évoquée par le rapporteur, il se montre sceptique, même si le Tavini dispose d’une députée à l’Assemblée nationale, Mereana Reid Arbelot : “J’ai été parlementaire. On peut avancer sur du technique, pas sur un dossier comme celui-ci. On ne demande pas la révision de la Constitution. Pourquoi faudrait-il modifier une Constitution pour dialoguer ? L’Algérie ne l’a pas fait. La Kanaky non plus”, souligne l’ancien sénateur, tout en saluant le travail à Paris de la députée indépendantiste sur d’autres dossiers, notamment le nucléaire.
Enfin, il assume la stratégie du Tavini et de l’assemblée : “Ce qu’on veut, c’est épuiser les recours internes pour être libres ensuite devant les juridictions internationales. Si, par hasard, on obtient gain de cause en droit français, tant mieux.” Et sur le parallèle avec la Nouvelle-Calédonie et les risques de tensions : “On ne souhaite pas ça. Mais cette arrogance et ce mépris de l’État, c’est problématique. (...) En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement français tente de bricoler un dialogue entre loyalistes et indépendantistes. Ici, on demande presque la même chose sous l’égide de l’ONU, et c’est niet. La même puissance coloniale agit différemment selon les territoires.”
“Moins d’un an, c’est rare. Une décision avant Noël, c’est parfait”, s’est réjoui le directeur de cabinet du président de l’assemblée, Richard Tuheiava, à l'issue de l'audience ce mardi du tribunal administratif. Sur le fond, il considère les conclusions du rapporteur public comme le reflet d’une posture politique de l’État plutôt qu’un raisonnement juridique. “L’attitude de l’État, on la connaissait avant même de déposer le dossier. Il a attaqué l’habilitation du président de l’assemblée, la position était écrite d’avance”, a-t-il réagi, faisant écho à la délibération controversée de décembre 2024, annulée par le Conseil d’État.
Sur la “voie parlementaire” évoquée par le rapporteur, il se montre sceptique, même si le Tavini dispose d’une députée à l’Assemblée nationale, Mereana Reid Arbelot : “J’ai été parlementaire. On peut avancer sur du technique, pas sur un dossier comme celui-ci. On ne demande pas la révision de la Constitution. Pourquoi faudrait-il modifier une Constitution pour dialoguer ? L’Algérie ne l’a pas fait. La Kanaky non plus”, souligne l’ancien sénateur, tout en saluant le travail à Paris de la députée indépendantiste sur d’autres dossiers, notamment le nucléaire.
Enfin, il assume la stratégie du Tavini et de l’assemblée : “Ce qu’on veut, c’est épuiser les recours internes pour être libres ensuite devant les juridictions internationales. Si, par hasard, on obtient gain de cause en droit français, tant mieux.” Et sur le parallèle avec la Nouvelle-Calédonie et les risques de tensions : “On ne souhaite pas ça. Mais cette arrogance et ce mépris de l’État, c’est problématique. (...) En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement français tente de bricoler un dialogue entre loyalistes et indépendantistes. Ici, on demande presque la même chose sous l’égide de l’ONU, et c’est niet. La même puissance coloniale agit différemment selon les territoires.”