Une pétition lancée par une étudiante pour abroger la loi Duplomb bat des records


JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 18/07/2025 - Une pétition pourrait-elle relancer le débat sur la loi Duplomb ? Le texte, déposé par une étudiante, bat des records de signatures. Mais, même si 500.000 sont atteintes, la controversée loi agricole pourrait être de nouveau discutée au Parlement, mais sera très loin d'être abrogée.

Le 10 juillet, deux jours après l'adoption définitive de la loi et sa mesure très contestée de réintroduction d'un pesticide, Eléonore Pattery, étudiante en master de 23 ans, a lancé la pétition sur le site de l'Assemblée nationale. 

Huit jours plus tard, elle a rassemblé plus de 200.000 signatures, dont 100.000 ces dernières 24 heures, abondamment relayée sur les réseaux sociaux par des personnalités comme l'acteur Pierre Niney et de nombreux députés de gauche.

"200.000 signatures en dix jours, en plein été, sur le site de l’Assemblée qui demande une connexion France Connect, le succès est sans appel", selon l'élu écologiste Benoît Biteau.

L'objectif: 500.000 signatures, qui pourraient permettre l'inscription de cette pétition à l'agenda de l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

C'est à partir de ce seuil, que la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale peut décider d'organiser un débat en séance publique. Mais seule la pétition sera débattue, la loi ne sera pas réexaminée sur le fond et encore moins éventuellement abrogée. 

Aucune pétition n'a jamais été débattue dans l'hémicycle dans l'histoire de la Ve République.

Dans un premier temps, le seuil des 100.000 signatures franchi, lui assure déjà d'être publiée sur le site de l'Assemblée nationale et d'être discutée en commission des Affaires économiques.  

"C'est inattendu et exceptionnel", s'enthousiasme auprès de l'AFP sa présidente, la députée LFI Aurélie Trouvé, qui l'inscrira à l'ordre du jour de la commission à la rentrée en septembre. Un vote décidera de la classer ou de l'examiner.

Cet engouement "reflète l'extrême inquiétude et l'opposition d’un grand nombre de gens qui découvrent cette loi" et ses effets, avec la réautorisation d'un "pesticide dangereux", commente l'élue insoumise.

Dans sa pétition, l'étudiante qui se présente comme une "future professionnelle de la santé environnementale" écrit que la loi Duplomb "est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire", avant de demander "son abrogation immédiate".

Ce texte autorise de nouveau par dérogation l'usage de l'acétamipride, interdit en France, mais autorisé ailleurs en Europe jusqu'en 2033. Le produit est notamment réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale. 

A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles". Ses effets sur l'humain sont aussi source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d'études d'ampleur. 

- Un examen mouvementé -

La pétition réclame également "la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée".

Au Parlement, la loi avait en effet eu un parcours expéditif, elle avait fait l'objet d'une motion de rejet préalable, déposée par son propre rapporteur Julien Dive (LR) pourtant favorable au texte. M. Dive l'avait justifié en dénonçant l'"obstruction" de la gauche, qui avait déposé plusieurs milliers d'amendements.

L'absence de réel débat dans l'hémicycle est l'un des arguments avancés par les députés de gauche qui ont déposé un recours le 11 juillet devant le Conseil constitutionnel, espérant sa censure pour vice de procédure. A ce stade, c'est l'option la plus réaliste pour empêcher sa promulgation.

Le texte avait trouvé une majorité dans l'hémicycle lors de son adoption définitive à l'Assemblée le 8 juillet. 

Mais, au-dehors du Palais Bourbon, ses opposants s'étaient mobilisés. Et même en son sein. Depuis la tribune du public, une membre du collectif "Cancer colère" avait lancé aux députés: "Vous êtes des alliés du cancer et on le fera savoir". 

A l'opposé, il avait été fervemment défendu par la FNSEA, le premier syndicat agricole avec son allié des Jeunes Agriculteurs, qui étaient venus manifester devant le Palais Bourbon avec leurs tracteurs.

Alors que la pétition suit son cours, l'association des planteurs de betterave sucrière en France alerte sur "l'apparition généralisée de la jaunisse virale" dans les champs, faisant craindre d'importantes pertes pour la future récolte. Son président, Franck Sander, a mis en garde ce vendredi contre une "remise en cause" de la loi Duplomb.

le Vendredi 18 Juillet 2025 à 06:52 | Lu 658 fois