Un plan de décentralisation à 27 milliards sur 12 ans


Tahiti, le 29 juillet 2025 - Le gouvernement au grand complet, ou presque, a présenté ce mardi son projet de décentralisation en créant un second pôle à la Presqu'île. Un projet à 27 milliards de francs décliné en trois phases sur 12 ans. En déplaçant d'abord six ministères et 22 services de l'administration, le gouvernement veut “donner l'exemple”. Objectif, rééquilibrer l'activité aujourd'hui essentiellement concentrée à Papeete, tout en décongestionnant les routes. Hasard du calendrier ou opération séduction, cette annonce intervient huit mois avant les élections municipales.
 

C'est le 14 mars dernier, au moment du remaniement ministériel pour intégrer Oraihoomana Teururai dans la “dream team” de Moetai Brotherson que ce portefeuille de la “décentralisation” a été créé et confié à Jordy Chan. C'est donc tout naturellement que le ministre en charge des Grands travaux a présenté longuement ce projet ambitieux tourné vers la Presqu’île, ce mardi matin à la présidence, entouré de tous les ministres du gouvernement, à l'exception de Warren Dexter qui détient pourtant les cordons de la bourse et qui sera chargé de budgétiser ce projet estimé à 27 milliards de francs. Mais ce projet était inscrit dans le programme du Tavini lors des dernières territoriales et son financement sera lui aussi “phasé”.
 
“Les montants sont effectivement importants car il faut construire ces centres administratifs, il faut ajuster les niveaux d'infrastructures, c'est ce qui donne à ce projet son aspect un peu gigantesque, mais il est phasé dans le temps, ça ne va pas se faire sur un an mais sur 12 ans”, a ainsi expliqué Moetai Brotherson qui, “sans blâmer qui que ce soit”, veut éviter de reproduire le même schéma d'urbanisation qui a prévalu dans la zone urbaine, sans pour autant “transformer Taravao en jungle urbaine”.
 
Ce projet entend donc créer un second pôle d'activité dans le sud de l'île afin de décongestionner l'agglomération de Papeete et de rééquilibrer le développement de l'île de Tahiti. Aujourd'hui, on compte 65 000 actifs dans l'agglomération de la capitale contre seulement 10 000 du côté de la Presqu'île. L'idée est donc d'inverser la tendance. Pas de déshabiller complètement Pierre pour rhabiller Jacques, puisque la zone urbaine de Papeete (de Mahina à Punaauia) “est et restera le pôle économique principal de la Polynésie”, ne serait-ce que grâce à l'activité générée par son port et son aéroport international.

1 500 postes administratifs déplacés à Taravao d'ici 2037
 
Ce sera donc une décentralisation progressive phasée sur 12 ans déclinée en trois étapes : d'abord créer d'ici sept ans, soit en 2032, trois centres administratifs. Le plus important donc à Taravao qui deviendra le centre névralgique de ce pôle “aménagement du territoire” qui sera ensuite renforcé (en 2037) par le pôle “économie et travail” avec, à terme, 1 000 agents en poste et où seront aussi déplacés les ministères de Jordy Chan (Grands travaux) et de Oraihoomana Teururai (Foncier-Logement). Papara accueillera les services du pôle “ressources primaires” ainsi que le ministère de tutelle de Taivini Teai. Et la commune de Mahina sera dédiée au pôle “éducation” et à son ministère. “Une commune à équidistance de celle de Punaauia mais qui a deux à trois fois moins d'emplois. Donc il y a un vrai potentiel à développer”, a expliqué Jordy Chan. Six ministères, 22 services et 1 500 agents au total seront concernés.

La présidence, les secteurs du tourisme, de la santé (avec le CHPF à Pirae), du social, de la culture, de la jeunesse et des sports resteront aussi localisés dans la zone urbaine. Mais cette concentration de la moitié de la population polynésienne dans cette zone urbaine qui regroupe 80 % des emplois pose forcément des problèmes. Notamment en matière de circulation. “Aujourd'hui, on a près d'un millier d'agents qui résident en périphérie de l'agglomération ou vers la Presqu'île, qui vont travailler principalement à Papeete et Pirae et qui mettent plus d'une heure tous les jours”, explique encore Jordy Chan qui précise que dans ce plan de décentralisation, priorité sera donnée évidemment à ces agents habitant déjà à proximité, à condition bien sûr qu'ils “soient compétents dans le poste qu'ils occuperont”.

“Il faut bien faire l'annonce pour que le débat se crée”
 
Sur un plan plus politique, il reste encore de nombreuses discussions à mener. Lundi soir, ce plan a été dévoilé au conseil supérieur de la fonction publique (CSFP) après avoir été présenté en comité de majorité et “ça a été très bien accueilli”, selon Moetai Brotherson précisant que “les gens de la majorité sont très contents”. Idem avec les tāvana de Mahina, Papara et Taairapu-Est qui “étaient tous réceptifs à l'idée d'accueillir des centres administratifs”, dixit Jordy Chan.
 
Ce mercredi, une rencontre qui sera peut-être un peu plus compliquée est prévue avec la communauté de communes Terehēamanu (Papara, Teva i Uta, Taiarapu-Ouest et Hitia'a o te Ra). Un sujet de débat à l'aube des prochaines élections municipales ? “Même le prix du chao pao peut-être un sujet de débat à la veille des municipales”, a ironisé le président du Pays. Le calendrier choisi pour annoncer ce projet ambitieux à l'horizon de 12 ans mais à seulement huit mois des prochaines échéances électorales peut interroger en tout cas. Le Tavini doit se renforcer dans les communes, ce n'est pas un secret. Et ce plan de décentralisation pourrait s'apparenter à une opération séduction. “Il faut bien faire l'annonce à un moment donné pour que le débat se crée. Ça fait bientôt un an et demi que Jordy et l'ensemble des ministres travaillent sur ce projet, donc on ne s'est pas réveillés un matin en disant et si on décentralisait”, a répondu Moetai Brotherson avec un petit tacle au passage à la Fraap puisqu'il avait même prévu de le faire plus tôt, mais “une petite grève” l'en a “empêché”.


Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 29 Juillet 2025 à 17:18 | Lu 2634 fois