Trump veut limoger une gouverneure de la Fed, un assaut de plus contre l'indépendance de l'institution


SAUL LOEB, ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP
Washington, États-Unis | AFP | mardi 26/08/2025 - Donald Trump a accentué sa campagne de reprise en main de la banque centrale des Etats-Unis (Fed) en voulant limoger l'une des gouverneures, augurant un conflit juridique et jetant le doute sur la crédibilité future de cette institution centrale pour l'économie américaine.

"Le président Trump a invoqué un +motif valable+ pour me renvoyer, quand il n'y en a pas au regard de la loi, et il n'a pas le pouvoir de le faire", a dénoncé Lisa Cook, la responsable de la Réserve fédérale prise pour cible par le chef de l'Etat, dans un communiqué transmis mardi par son avocat à l'AFP. 

"Je ne démissionnerai pas. Je continuerai à exercer mes fonctions pour aider l'économie américaine comme je le fais depuis 2022", a-t-elle assuré.

Quelques heures plus tôt, dans une lettre signée de sa main publiée sur son réseau Truth Social, le président des Etats-Unis avait écrit à Mme Cook qu'elle était "limogée" "avec effet immédiat", accusée par le camp présidentiel d'avoir menti pour obtenir des emprunts immobiliers à des taux plus favorables. 

"J'ai déterminé qu'il y avait suffisamment de raisons pour vous renvoyer de votre poste", a affirmé le président américain.

La Réserve fédérale (Fed) est la plus puissante banque centrale du monde. Ses décisions ont une forte influence sur les coûts d'emprunt et les marchés financiers. Qu'un de ses plus hauts responsables soit limogé par le président des Etats-Unis serait sans précédent.

L'institution monétaire est en théorie indépendante du pouvoir exécutif, même si celui-ci a le pouvoir de nommer ses gouverneurs et son président - choix qui doit être validé par le Sénat.

Pour les renvoyer, en revanche, le président américain doit être capable de justifier qu'un acte répréhensible a été commis. 

Depuis des mois, Donald Trump réclame sur tous les tons une baisse des taux d'intérêt de la Fed pour soutenir sa politique économique, qui comprend crédits d'impôts, dérégulations et un fort relèvement des taxes sur les produits importés.

La crainte d'un fort impact sur les prix a jusqu'ici conduit la Fed à laisser ses taux inchangés, transformant son président Jerome Powell en bouc émissaire du président républicain.

Donald Trump a paru vouloir le renvoyer, avant de reculer devant la fébrilité des marchés financiers, appelé à sa démission, mis en cause sa gestion des travaux de rénovation du siège de la Fed à Washington... sans aller aussi loin qu'avec Mme Cook.

- Crédibilité "mise en doute" -

Première femme afro-américaine à devenir gouverneure de la Fed, Lisa Cook avait été nommée en 2022 par le président démocrate Joe Biden (2021-2025) et confirmée par le Sénat d'alors à une très courte majorité.

Un proche du président, Bill Pulte, à la tête de l'Agence de financement du logement (FHFA), l'a accusée d'avoir obtenu auprès de deux banques différentes des prêts immobiliers pour deux logements distincts, tous deux alors déclarés comme résidence principale, ce qui a pu lui assurer des conditions d'emprunt plus favorables.

Dans sa lettre, M. Trump accuse Mme Cook d'avoir eu "au minimum une conduite révélatrice d'une négligence grossière en matière de transactions financières, ce qui soulève des questions sur (sa) compétence et (sa) fiabilité en tant que régulatrice financière".

"Le président Trump utilise tous les leviers possibles pour essayer d'avoir une majorité au conseil des gouverneurs dans l'espoir que les taux d'intérêt baissent", observe auprès de l'AFP David Wessel, chercheur à la Brookings Institution.

"Il veut contrôler la Fed (...)", dont la crédibilité "en tant que pompier anti-inflation sera mise en doute", selon lui.

Le risque, c'est que "même s'il y a effectivement des taux d'intérêt à court terme plus bas [ceux sur lesquels agit la Fed, NDLR], les taux d'intérêt à long terme augmentent sur les emprunts du gouvernement américain, des ménages et des entreprises", explique à l'AFP Matthew Martin, économiste pour Oxford Economics.  

A contre-courant de l'essentiel des autres places financières, Wall Street a ouvert sans grand mouvement, peu plombée par cette nouvelle tentative d'interventionnisme de Donald Trump.

Après avoir grimpé dans la nuit, les taux de rendement des emprunts d'Etat américains revenaient vers 12H45 GMT à des niveaux proches de ceux observés lundi. Le dollar reculait lui modérément, d'environ 0,25% par rapport à l'euro.

le Mardi 26 Aout 2025 à 07:13 | Lu 401 fois