Tina Lioux : “Pour le bonheur des enfants”


“La Saga doit perdurer dans le temps. C’est mon souhait, et ça a toujours été le souhait de Doudou”, confie la directrice de l’école de voile de Arue, Tina Lioux, en charge de l’organisation de ces vacances solidaires depuis septembre 2023 (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 7 août 2025 – Pendant cinq semaines, du 6 juillet au 10 août, la Saga a jeté l’ancre au motu Ovini de Papeari. À l’aube de la fin des vacances et de la traditionnelle journée de clôture, la directrice de l’école de voile de Arue, Tina Lioux, 41 ans, aux commandes de ce rendez-vous solidaire depuis septembre 2023, revient pour Tahiti Infos sur le bilan de cette 33e édition. L’occasion d’évoquer aussi quelques souvenirs et de se projeter, car l’organisation de la Saga 2026 a déjà commencé.

 
Quel est ton premier souvenir à la Saga ?
“C’était en juillet 2008 pour la Saga Painapo, à Moorea, où on est retourné en 2014. C’était ma toute première Saga et une superbe expérience ! Je m’en souviens bien, car quelques mois plus tôt, le 22 avril 2008, je venais d’être embauchée en tant que secrétaire à l’école de voile de Arue, la veille de mon anniversaire.”
 
Et le souvenir qui t’a le plus marquée ?
“C’était pendant la Saga à Puunui, à Toahotu, en 2010. Il y avait un enfant de la Fraternité chrétienne qui était en fauteuil roulant, car paraplégique. Il n’avait pas l’usage de ses jambes. Il était mignon comme tout, je me souviens encore de son visage. Il se débrouillait pour naviguer sur les catamarans avec les aides-moniteur et le moniteur. Il m’a beaucoup touchée : contrairement à d’autres, il ne se plaignait jamais, il avait le sourire et la banane, il était toujours partant !”
 
Pour cette 33e édition à Papeari, quel est le nombre définitif d’enfants accueillis ?
“Aujourd’hui, on est à 720 enfants issus de milieux défavorisés et de quartiers prioritaires qui ont pu bénéficier de la Saga Tahiti 2025. Nous avons reçu des enfants de Tahiti et Moorea, mais aussi des îles : Tikehau, Hao, Kauehi, Makemo pour les Tuamotu, Ua Pou, Ua Huka, Hiva Oa et Nuku Hiva pour les Marquises, et cette dernière semaine Rurutu et Tubuai pour les Australes. Il y a des enfants inscrits par la DSFE [Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité, NDLR], des enfants issus de plusieurs foyers d’accueil et de la Protection judiciaire de la jeunesse, des enfants du Contrat de Ville et un petit quota d’enfants payants pour compléter en cas d’absence.”
 

“C’est aussi pour ça que la Saga existe”


Combien de personnes sont mobilisées pour faire tourner la Saga ?
“Sur les cinq semaines, on est à peu près entre 120 et 130 personnes. Il y a des roulements, ce qui fait qu’il y a entre 40 et 50 personnes par semaine pour encadrer les enfants : des accompagnateurs sociaux, des moniteurs, des aides-moniteurs, une infirmière ou un infirmier, etc. Nous avons aussi eu deux jeunes de la première et deuxième semaine qui sont revenus pour donner un coup de main, parce qu’ils étaient particulièrement motivés avec un bilan positif de leur moniteur. Je remercie toute mon équipe, car c’est une grosse responsabilité d’encadrer tous ces jeunes sur l’eau : c’est très physique !”
 
Comment se sont déroulées ces cinq semaines de vacances sous le signe de la voile ?
“Dans l’ensemble, tout s’est bien passé avec de bonnes conditions de navigation. Nous avons dû gérer quelques chamailleries entre ados qui rencontrent des difficultés, mais c’est aussi pour ça que la Saga existe. Nous avons eu pas mal d’activités annexes avec Fenua Ma qui est venu sensibiliser nos jeunes au tri des déchets, le spectacle ludique de Tao et Tiaporo sur la gestion de l’eau, une association culturelle de Teva i Uta qui a initié les enfants au vivo, aux percussions et au tressage, la mascotte de Tip Top qui a distribué des glaces, etc. La quatrième semaine, nous avons eu deux jours d’intempéries qui nous ont contraints d’improviser des jeux à la salle omnisports de Papeari avec les animateurs et la direction du centre de vacances. Il faut toujours prévoir autre chose que l’activité voile. Concernant la houle, nous avons de la chance, car le plan d’eau est bien protégé. Les 44 familles d’accueil ont été aux petits soins des enfants, et certaines ont été repérées par le service social de Papara-Teva i Uta pour continuer en dehors de la Saga.”
 

L’apprentissage de la voile et diverses activités à terre ont ponctué ces cinq semaines au motu Ovini de Papeari (Crédit : Kotaha/Saga Tahiti).

La Saga repose sur la solidarité humaine, mais aussi inévitablement financière...
“Dès septembre, nous partons sur un budget prévisionnel pour l’année suivante. Pour la Saga 2025, il est de 43,470 millions de francs. C’est une charge très lourde, mais on le fait pour le bonheur des enfants. Le bilan financier sera fait autour d’octobre, en sachant qu’en décembre, il y a le suivi de la Saga, où on accueille à l’école de voile de Arue durant les deux premières semaines des vacances de Noël 100 à 150 enfants des circonscriptions de Tahiti et des foyers venus en juillet. On arrive à boucler ce budget, car nous faisons attention à nos dépenses. Tout a augmenté, donc même les dons en nature nous aident pour la préparation des repas, par exemple. Au total, on a une centaine de parrains : Pays, État, entreprises, particuliers. Merci aussi à la mairie de Teva i Uta pour son formidable soutien logistique. Sans oublier la population qui répond présent chaque année lors des ventes des tee-shirts et de la collecte de goûters et de petits-déjeuners. Les gens sont très généreux, tout comme les bénévoles qui donnent de leur temps pour tenir ces stands.”
 

“Amener nos petits chéris plus loin”


La mission de la Saga a-t-elle évolué avec le temps, la crise économique et les difficultés sociales qui en découlent ?
“La Saga est une belle opération, toujours aussi importante. Je vais prendre un exemple : la commune de Paea a amené elle-même ses enfants sur le lieu de rassemblement. Dans ce bus, il y avait les enfants et leurs familles, qui étaient émerveillées. Elles n’habitent pas très loin, mais elles ne connaissaient pas Mataiea et Papeari. J’étais vraiment émue ! Il y a des enfants des îles qui ne sont jamais sortis de leur archipel et qui prennent l’avion pour la première fois. De voir ces enfants épanouis, qui ont besoin d’être écoutés, ça me fait dire que la Saga doit perdurer dans le temps. C’est mon souhait, et ça a toujours été le souhait de Doudou [Henri Cornette de Saint-Cyr, fondateur de la Saga, NDLR]. Vive la Saga avec le soutien de tous nos partenaires, qui nous font confiance !”
 
Où la Saga va-t-elle mettre le cap en 2026 ?
“J’ai comme objectif et défi d’amener la Saga plus loin dans les années qui viennent. Avec l’aval de mes moniteurs et selon les conditions de navigation sur le plan d’eau, en lien avec les travailleurs sociaux de la DSFE, en sachant que le travail de recrutement des familles d’accueil commence à partir de février, pourquoi pas retourner dans les Tuamotu. J’ai déjà commencé les démarches, mais je laisse la surprise. Je promets d’envoyer nos petits chéris dans une île paradisiaque.”
 

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Jeudi 7 Aout 2025 à 14:43 | Lu 2240 fois