Terrains militaires : “L'ultime” prolongation est signée


Tahiti, le 12 juillet 2022 – Le haut-commissaire et les tāvana des six communes concernées par les rétrocessions de terrains militaires appartenant anciennement à l'État ont signé mardi le deuxième et “ultime" avenant au contrat de rétrocession permettant un délai supplémentaire de deux ans et une prise en charge des frais de dépollution par Paris, comme promis par Emmanuel Macron.
 
“Ça ne s'est vu nulle part ailleurs.” Qu'on ne s'y trompe pas, en signant mardi matin le deuxième “avenant exceptionnel” prolongeant les Contrats de redynamisation des sites de la défense (CRSD) de deux ans, le haut-commissaire était surtout d'humeur à saluer le travail commun de ses services et des six communes polynésiennes pour arriver à ce résultat. Mais il ne fallait pas pour autant pousser trop loin le représentant de l'État, en envisageant les conséquences du non-respect de ce nouveau délai supplémentaire. “Là, je crois qu'on a atteint les limites du système”, a poliment évacué Dominique Sorain.
 
Premiers CRSD en 2016
 
Six ans après la signature des premiers contrats de rétrocession des terrains militaires de l'État aux communes de Arue, Pirae, Mahina, Taiarapu-Est, Papeete et Faa'a, les tāvana des six municipalités concernées se sont retrouvés mardi matin à la résidence du haut-commissaire pour parapher un second avenant à la convention initiale. D’abord prévus sur la période 2016-2019, ces contrats de rétrocession ont été bâtis sur le modèle de ceux déployés dans une dizaine de territoires en métropole et dans les outre-mer depuis 2008. En Polynésie française spécifiquement, il s'agissait de “compenser les pertes d'activités économiques liées au départ du CEP. Après quelques années d'un retard d'abord lié au problème d'une compétence économique non détenue par les communes polynésiennes, les contrats de rétrocession portant sur un total de 21 hectares d'anciens sites militaires ont été officiellement signés lors de la visite du président François Hollande, le 22 février 2016.
 
Le haut-commissaire, Dominique Sorain, et le président et maire de Pirae, Édouard Fritch, ont concédé qu'un certain retard à l'allumage avait ensuite obéré les premiers contrats, mais qu'un problème de fond était surtout survenu pour la quasi-totalité des sites : celui de la dépollution et de la déconstruction des anciennes infrastructures militaires, en grande partie amiantés. Un premier avenant a été signé pour prolonger les CRSD de 2020 à 2022. Mais le compte n'y était toujours pas. Et lors de sa visite en Polynésie française en juillet 2021, le président Emmanuel Macron avait annoncé la signature prochaine d'un second avenant et surtout “la prise en charge des coûts exceptionnels de dépollution” par l'État. Une prise en charge finalement partielle, mais couvrant tout de même une nouvelle enveloppe de 773,3 millions de Fcfp, additionnée à une future dotation de 577 millions de Fcfp pour la seule commune de Taiarapu-Est. La commune de la Presqu'île bénéficiera en effet d'un prochain avenant, le temps d'estimer le montant exact des travaux sur un site bien plus vaste que ceux des cinq autres communes concernées.
 
Cette fois-ci, c'est la bonne
 
“Cette histoire de dépollution était devenue indiscutable”, a insisté le président Édouard Fritch, soulignant le caractère “insoutenable” d'une telle prise en charge financière pour les communes. “J'entends des remontées sur le fait que ce n'est pas financé à 100%”, a fait remarquer Édouard Fritch, mais pour tempérer aussitôt : “C'est déjà mieux que rien.” Reste donc à savoir si les communes tiendront cette fois-ci leurs délais. Même si cela apparaît comme une certitude pour le président du Pays et les tāvana présents, puisque les chiffrages des montants nécessaires aux dépollutions ont été effectués sur la base d'études des prestataires chargés des désamiantages et déconstructions.
 
Un sujet qui aura d'ailleurs fait remonter une autre problématique pour les municipalités et l'ensemble de la Polynésie : le manque d'entreprises en capacité d'effectuer des opérations de désamiantage au fenua. Deux sociétés, selon les tāvana présents. “Et en matière de prix, j'avais déjà soulevé à l'époque que c'était exorbitant pour nous”, remarquait à cet égard le maire de Mahina, mardi matin.
 

Damas Teuira, tāvana de Mahina : “Une bouffée d'oxygène”

Est-ce que ce nouveau délai était une nécessité pour vous et est-ce que ces deux années supplémentaires suffiront ?
 
“Ça répond à un besoin identifié dès le départ. À la signature en 2016, on s'est aperçu que le volet dépollution et déconstruction était sous-estimé. Et après réactualisation du dossier de Mahina –et je pense de l'ensemble des communes–, on a vu qu'il y avait quand même un coût au niveau du désamiantage. Donc on est monté au créneau et aujourd'hui, c'est chose faite. Ça va apporter une bouffée d'oxygène et ça va nous aider à aller au terme de notre projet de dépollution. Normalement, en novembre de cette année on aura dépollué et déconstruit une bonne partie du site de Mahina. Il s'agit pour nous ensuite de réfléchir sur la manière dont on va gérer ce site de 5 hectares. On a fait une première étude de faisabilité de la question et on serait partant pour une gestion en SEM [Société d’économie mixte], parce qu'on ne veut pas confondre le budget de gestion communale et la gestion financière du site. On veut deux comptabilités différentes.”
 
Autre sujet évoqué, très peu d'entreprises locales exercent une activité de désamiantage. C'est une difficulté pour les communes ?
 
“C'est une grosse difficulté, parce que jusqu'à présent seules deux sociétés proposent ces prestations. Donc, en matière de prix j'avais déjà soulevé à l'époque que c'était exorbitant pour nous. Quand bien même, nous avons été contactés par d'autres sociétés, notamment de Nouvelle-Calédonie, dont c'est le cœur de métier et qui proposent des tarifs intéressants pour nous. Après, je ne maîtrise pas tous les rouages en matière de réglementation pour le désamiantage. Mais on s'est aperçu que la contrainte imposée au regard de la dépollution de l'amiante est beaucoup plus exigeante aujourd'hui en Polynésie qu'ailleurs. Il y a peut-être une question de changement de réglementation, si toutefois la volonté y est…”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 12 Juillet 2022 à 17:35 | Lu 1682 fois