Tepuaraurii Teriitahi fait son baptême du feu à Paea


Tahiti, le 15 décembre 2025 - Tepuaraurii Teriitahi, élue Tapura à l’assemblée, se lance dans la course aux municipales de mars à Paea. Battue de justesse en 2020 par le maire sortant, Antony Géros, avec 169 voix d’écart, elle se présente cette fois sans investiture formelle, à la tête d’une liste transpartisane réunissant toutes les sensibilités locales, Tavini compris. Elle attaque d’emblée le bilan, dénonçant des promesses non tenues – notamment sur l’eau potable –, et s’oppose au projet d’usine de valorisation des déchets.
 

Le lieu choisi pour annoncer sa candidature n’a rien d’anodin. C’est face à la mairie de Paea, théâtre de la très symbolique “guerre de Fei Pi”, que Tepuaraurii Teriitahi a tenu sa conférence de presse ce lundi matin. Un décor lourd de sens, dans une commune où les fractures politiques ont longtemps pesé sur les scrutins. Et si le Tapura ne s’engage pas officiellement, la candidate, elle, ne part pas seule. Sa liste se veut résolument ouverte et rassemble des personnalités issues de toutes les sensibilités politiques locales, Tavini compris. Une stratégie de rassemblement qui tranche avec la configuration de 2020 et qui s’inscrit dans la continuité de la dynamique observée lors des dernières élections législatives.
 
“Nous avons tiré les leçons du passé”, a justifié Tepuaraurii Teriitahi. En 2020, la division du camp autonomiste avait fait le jeu d’une coalition réunissant Tavini Huiraatira et Tahoera’a, permettant à Antony Géros de s’imposer d’un souffle. De 169 voix précisément. “La division amène à l’échec, le rassemblement peut faire gagner”, résume aujourd’hui la candidate, qui dit avoir tiré les leçons de cet échec et voit dans la dynamique des dernières législatives la preuve que l’union peut fonctionner à Paea.
 
Un test grandeur nature pour asseoir sa légitimité
 
Cette candidature marque aussi un tournant personnel. Pour la première fois, Tepuaraurii Teriitahi se présente sans l’ombre tutélaire de feu Jacquie Graffe, figure emblématique de Paea, tout en revendiquant son héritage politique et humain. Une manière aussi de passer un test grandeur nature : faire ses preuves électorales en dehors d’une investiture partisane et asseoir sa légitimité au sein même du Tapura, un parti où les élections municipales restent un passage obligé pour s’imposer durablement.
 
Sur le fond, le bilan de la mandature Géros est sévèrement mis en cause. La candidate dénonce l’absence de projets structurants depuis six ans, un maire qu’elle juge trop peu présent sur le terrain et un malaise croissant au sein de l’administration communale. “Toutes les grandes réalisations datent d’avant. Depuis 2020, rien n’est réellement sorti de terre”, affirme-t-elle, se faisant l’écho d’un mécontentement qu’elle dit largement partagé par la population.
 
Un constat que confirme Tetu Chung, quatrième adjointe au maire en 2020, aujourd’hui très critique à l’égard d’Antony Géros, qu’elle accuse de s’être “servi” des élus du Tahoera’a. “Les projets n’ont pas abouti. Il promet beaucoup ; mais au final : rien de concret. Il avait besoin de nous pour siéger, et huit mois après les élections, il nous a mis de côté”, dénonce-t-elle.
 
Même son de cloche du côté de Jean, issu du Tavini davantage par culture familiale que par conviction. Lui non plus ne croit plus aux promesses “qui ne s’appliquent pas”. Jean-Claude Hapairai (Ahip), qui avait récolté près de 500 voix lors du scrutin de 2020 – un score qui aurait pu faire basculer l’élection – s’est aujourd’hui rangé derrière Tepuaraurii Teriitahi. Tous dénoncent une absence de projets structurants pour la commune et une ambiance jugée délétère au sein du conseil municipal.
 
Non à un nouveau “Paihoro” à Paea
 
Parmi les marqueurs forts de la campagne que cette nouvelle liste d’union entend mettre en avant figure l’opposition frontale à la vente d’un terrain communal sur les hauteurs de Tiapa. Le maire sortant envisage d’y implanter une usine de valorisation des déchets, à proximité immédiate d’écoles, d’habitations et d’une vallée abritant une espèce protégée. Un projet qui peut sembler louable sur le papier, mais que la candidate juge inadapté, tant sur le plan environnemental que sanitaire. “Paea n’a pas vocation à devenir le nouveau Paihoro. Nos montagnes ne sont pas à vendre”, tranche la tête de liste.
 
À l’inverse, Tepuaraurii Teriitahi défend un projet de “cœur de ville” autour de la mairie, pensé pour une population qui se déplace majoritairement à pied ou à vélo. L’objectif : concentrer les services publics, la santé et les lieux de vie dans un même espace, et redonner à Paea une gouvernance de proximité, plus humaine et plus présente.
 
Face à un maire sortant, l’équation reste délicate. Mais en misant sur le rassemblement, la proximité et une rupture assumée avec la gouvernance actuelle, Tepuaraurii Teriitahi espère transformer ce baptême du feu en véritable prise de pouvoir municipal – et, au passage, renforcer son poids politique au sein du Tapura.

Géros “est plus à Faa’a qu’à Paea”

Pour Tepuaraurii Teriitahi, le bilan du maire sortant, Antony Géros, “n’est pas vraiment positif”. Selon elle, il consacre plus de temps à Faa’a, commune de son mentor, Oscar Temaru, qu’à Paea. “Lorsqu’il dit qu’il est à l’assemblée, il n’y est pas, et lorsqu’il dit qu’il est à Paea, il n’y est pas non plus”, dénonce-t-elle. Cette absence, selon elle, a des conséquences sur le fonctionnement du conseil municipal : certains élus, privés de rôle réel, se désengagent. “Beaucoup n’ont plus jamais remis les pieds au conseil, alors que d’autres ont continué à apporter leur petite pierre”, souligne-t-elle, valorisant l’investissement des rares élus actifs, malgré la minorité.
 
Elle critique aussi la gestion des ressources humaines : “Rien ne s’est passé pendant cinq ans, et ces trois derniers mois, beaucoup d’embauches ont concerné des agents de catégorie C. C’est très bien, mais la commune a aussi besoin de compétences et de pilotes de projet pour que les grandes réalisations puissent voir le jour.” Pour Tepuaraurii Teriitahi, le déficit de cadres qualifiés complique le suivi des projets et freine l’efficacité administrative.
 
Elle évoque enfin l’état général du conseil : arrêts maladie, manque de suivi et tensions au sein de l’équipe municipale. “Il y a plein de choses qui purulent ces derniers mois”, avertit-elle. Pour elle, Paea a besoin d’une mairie plus présente, plus “dans l’affect”, et proactive, capable de mobiliser ses élus et de faire participer les habitants à la vie communale, avec notamment des projets pour la jeunesse, afin de “la tenir éloignée des bêtises”, et des activités culturelles pour rendre Paea “tranquille et dynamique à la fois”. “Tout cela est cohérent”, conclut-elle.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 15 Décembre 2025 à 16:00 | Lu 1312 fois